Conséquences fiscales du changement d’activité d’une SCI pour son associé soumis à l’IS

La CAA de Versailles juge que la société soumise à l’IS, associée d’une SCI, doit être imposée, à raison de sa quote-part, sur la plus-value latente constatée au jour du changement de nature d’activité de la SCI et résultant de la levée d’option de l’immeuble qu’elle avait antérieurement pris en crédit-bail.

Rappel

Principes d’imposition d’une SCI : imposition au nom de ses associés

Les bénéfices réalisés par une société relevant du régime des sociétés de personnes (sociétés dites « article 8 ») sont imposés entre les mains de ses associés, sauf option pour l’IS. Chacun des associés est imposable pour la part des bénéfices sociaux correspondant à ses droits dans la société, soit à l’IR soit à l’IS, en fonction de l’impôt auquel l’associé est soumis.

Lorsque des droits dans une société de personnes sont inscrits à l’actif d’une société passible de l’IS dans les conditions de droit commun, la part de bénéfice correspondant à ces droits est déterminée selon les règles applicables au bénéfice réalisé par cette société soumise à l’IS (CGI art. 8 et 218 bis K).

Conséquences fiscales de la levée de l’option d’achat d’un immeuble pris en crédit-bail

Lorsqu’une SCI donne en location un immeuble qu’elle a pris en crédit-bail, les loyers qu’elle perçoit dans le cadre de son activité de sous-location de l’immeuble, sont taxables dans la catégorie des BNC.

La levée de l’option d’achat d’un immeuble pris en crédit-bail entraîne un changement de nature de l’activité exercée par la SCI, la société cessant son activité de sous-location de l’immeuble, au profit d’une activité de location directe, taxable dans la catégorie des revenus fonciers. Par conséquent, à compter de la levée de l’option, les résultats de la SCI sont imposables dans la catégorie des revenus fonciers.

Le changement de régime fiscal qui en découle rend immédiatement imposable la plus-value acquise à cette date (CE, 4 mars 2015, n°360508 et CE, 9 juillet 2020, n°423598).

La doctrine administrative considère ainsi que « la plus-value acquise est immédiatement imposable selon le régime applicable aux plus-values de cession d’éléments de l’actif immobilisé. Elle est intégralement à court terme, conformément aux dispositions de l’article 39 duodecies du CGI, dès lors que le transfert dans le patrimoine privé suit immédiatement la levée de l’option » (BOI-BNC-BASE-30-10 n°370 et 380, 12-9-2012).

L’affaire

Une société soumise à l’IS détenait 95 % des parts d’une SCI relevant de l’article 8 du CGI.

La SCI exerçait une activité de sous-location nue d’immeuble depuis la conclusion, en 1999, d’un contrat de crédit-bail immobilier d’une durée de 15 ans. Elle déclarait ainsi les revenus tirés de la sous-location, dans les conditions définies à l’article 93 du CGI, et était imposée dans la catégorie des BNC non professionnels.

En 2014, la SCI a levé l’option du contrat de crédit-bail et est ainsi devenue propriétaire du bien immobilier qui est entré dans son patrimoine, ce qui a eu pour conséquence de modifier son activité. Elle a ainsi cessé son activité de sous-location, à laquelle s’est substituée une activité de location nue, relevant des revenus fonciers.

Lors d’un contrôle sur pièces, l’Administration a notamment estimé que l’exercice de l’option d’achat entraînait la sortie du bien immobilier de l’actif du bailleur et un changement de régime fiscal, générant lui-même les conséquences d’une cessation fiscale d’activité.

Ce changement de régime fiscal de la SCI constituant le fait générateur d’une plus-value à court terme, constatée à raison du transfert de l’immeuble dans son patrimoine privé (CGI, art. 93 quater, IV), elle aurait dû soumettre à l’impôt cette plus-value lors du calcul de son résultat imposable au titre de l’année 2014 dans la catégorie des BNC. L’Administration a donc réintégré cette plus-value à court terme dans les bénéfices de l’exercice 2014 soumis au régime des BNC et tiré les conséquences de ces rectifications en adressant notamment à l’associé soumis à l’IS, détenteur de 95 % des parts de la SCI, les rehaussements correspondant à sa quote-part dans le résultat de la société.

Cet associé conteste dès lors le bien-fondé des rectifications devant les juridictions du fond.

La décision de la CAA de Versailles

La Cour applique d’emblée la jurisprudence du Conseil d’Etat selon laquelle une SCI, relevant du régime fiscal des sociétés personnes, qui lève l’option d’achat d’un immeuble pris en crédit-bail doit immédiatement constater une plus-value à raison de la cessation de son activité de sous-location de l’immeuble relevant des BNC, au profit d’une activité de location directe, taxable dans la catégorie des revenus fonciers.

Elle rappelle également que l’article 238 bis K du CGI ne concerne que les modalités de détermination de la quote-part de bénéfice imposable par les associés :

« Ces dispositions constituent, pour une société assujettie à l’impôt sur les sociétés détenant des droits dans une société de personnes régie par l’article 8 du Code général des impôts, une règle de détermination du bénéfice imposable correspondant à ses droits dans cette société de personnes et non une règle de détermination du régime d’imposition de cette dernière. » (considérant tiré de la décision CE, 24 novembre 2014, n°363556, Sté Artémis SA).

Par suite, la Cour estime que le fait générateur de la plus-value imposable, à savoir le changement de régime fiscal, s’apprécie au niveau de la société de personnes.

Elle en déduit que la requérante, société soumise à l’IS, ne peut pas utilement faire valoir :

  • que son propre régime fiscal est demeuré inchangé postérieurement à la levée de l’option d’achat ;
  • qu’aucune règle d’imposition immédiate de la plus-value issue de la levée d’option d’achat d’un immeuble n’existe s’agissant des sociétés soumises à l’IS ;
  • que les dispositions de l’article 93 du CGI, qui ne concernent que les titulaires de BNC, ne peuvent pas lui être appliquées ; et
  • qu’en conséquence, elle ne saurait être imposée à raison de 95 % de la plus-value latente résultant du changement de nature d’activité de la SCI.

Elle rejette la requête en conséquence.

Il conviendra d’attendre la position du Conseil d’Etat, s’il est saisi du sujet, sur cette solution rendue par la Cour contrairement aux conclusions de son rapporteur.    

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Myriam Mouloudj

Myriam, Avocate, possède une expérience de près de 15 ans en fiscalité. Arrivée chez Deloitte Société d’Avocats en 2006, elle réintègre le cabinet en 2019 pour rejoindre le Comité Scientifique […]