Contribution de 3% sur les distributions : non-application aux redistributions de bénéfices provenant de filiales européennes

Une société française qui procède à une redistribution de dividendes qu’elle a elle-même reçus d’une filiale européenne ne peut pas être soumise sur cette redistribution à une charge fiscale supérieure à celle prévue par la Directive mère-fille. Cette dernière résulte de la faculté pour les Etats membres d’imposer les bénéfices distribués par la filiale à hauteur d’un plafond forfaitaire de 5 % (plafond en base). En France, le choix d’exonérer à 95 % ces bénéfices épuise la possibilité pour la France de les soumettre à une imposition supplémentaire. En revanche, la contribution de 3 % ne constitue pas une retenue à la source « déguisée ».

Redistribution par une mère de bénéfices provenant de filiales d’un autre Etat membre

Saisie d’une question préjudicielle par le Conseil d’Etat, la CJUE conclut à la contrariété à l’article 4 de la Directive mère-fille de la contribution de 3 %, en ce qu’elle a pour effet de soumettre une société mère qui redistribue des dividendes perçus d’une filiale européenne, à une charge fiscale totale supérieure à 5 % des bénéfices distribués par ladite filiale.

Suivant les conclusions de son avocat général Juliane Kokott dans l’affaire liée de la fairness tax belge, la CJUE confirme d’abord que l’article 4 de la directive vise à éviter une double imposition des bénéfices distribués à une société mère résidente par une filiale non-résidente. Il est ainsi évité que ceux-ci ne soient imposés, dans un premier temps, dans l’Etat de résidence de la filiale et, dans un second temps, dans celui de la société mère. C’est l’objectif principal de la Directive que d’assurer la non double-imposition de tels bénéfices.

L’Etat membre de la société mère perceptrice doit ainsi s’abstenir d’imposer les dividendes reçus (article 4 § 1), sous réserve de la faculté qui lui est offerte de s’opposer à la déduction des frais de gestion de la participation en cause, pour un montant forfaitaire maximal de 5 % des bénéfices distribués (article 4 § 3).

Dans la mesure où l’assiette de la contribution de 3 % est constituée par les dividendes distribués par une société mère, cette assiette peut également comprendre des bénéfices provenant des filiales de cette société mère qui résident dans d’autres Etats membres. Ces bénéfices sont ainsi automatiquement soumis à une imposition dépassant le plafond prévu par la Directive lors de leur redistribution (la contribution de 3 % est, de fait, supérieure à l’impôt déjà prélevé par le biais de la quote-part de frais et charges, soit environ 1,72 %), ce qui a pour effet d’entraîner une double imposition au niveau de la société mère.

Sont écartés :

  • l’argument présenté par le gouvernement français, selon lequel les redistributions de bénéfices par une société mère à ses actionnaires seraient hors du champ de la Directive mère-fille (le fait générateur de l’imposition, à l’entrée des dividendes ou à leur sortie, est indifférent),
  • l’argument relatif à la nature de l’imposition. Le fait que l’impôt de redistribution soit qualifié d’IS – ou non – est indifférent. La Directive mère-fille vise à éviter toute forme de double imposition au niveau de la société mère, quelle que soit la nature de l’imposition en cause (la Directive n’est pas subordonnée à un impôt en particulier).

Non assimilation à une retenue à la source prohibée

Si, dans l’affaire française, la CJUE ne se prononce pas sur le point de savoir si la contribution de 3 % doit être regardée comme une retenue à la source prohibée par l’article 5 de la Directive mère-fille (question préjudicielle posée à titre subsidiaire seulement), elle juge que la fairness tax belge n’est pas une retenue à la source déguisée. Cette solution, conforme aux conclusions de Juliane Kokott, n’est pas surprenante. La fairness tax ne remplit pas l’un des trois critères cumulatifs permettant de caractériser une retenue à la source, à savoir que l’assujetti soit le bénéficiaire de la distribution, c’est-à-dire le détenteur des titres.

De fait, l’assujetti à la fairness tax est la société qui distribue le dividende et non le bénéficiaire de celui-ci. Cette solution nous semble pleinement transposable à la contribution de 3 %, également prélevée entre les mains de la société distributrice.

Conséquences et perspectives

Pour l’avenir, la question de la suppression pure et simple de la contribution de 3 % (ainsi que prévue par le projet présidentiel d’Emmanuel Macron) se pose. Il conviendra sans doute d’attendre les prochains projets de loi de finances annoncés pour l’automne. Cela étant, depuis le 1er janvier 2017, l’exonération étendue nouvelle a, dans les faits, significativement réduit les hypothèses de double imposition en cas de redistribution.

Pour le passé, les contribuables ayant invoqué l’argument fondé sur la contrariété de la contribution de 3 % à la Directive pour la fraction de l’assiette composée des redistributions de bénéfices de filiales européennes vont pouvoir obtenir gain de cause.

Le débat va sans doute à présent se déplacer sur la détermination du quantum qui aurait dû être extourné de l’assiette de la contribution de 3 % et sur les justificatifs à produire quant à l’origine et le montant des distributions concernées. Les situations dans lesquelles la production des éléments de preuve s’avérerait pratiquement impossible ou excessivement difficile devront faire l’objet de précisions par l’Administration. Les sociétés mères concernées qui n’auraient pas encore initié de contentieux sur ce terrain vont par ailleurs pouvoir le faire.

L’affaire pourrait également connaître un autre rebondissement, cette fois devant le Conseil constitutionnel, sur le terrain de la discrimination par ricochet, s’agissant des redistributions de bénéfices de filiales françaises ou non européennes. Si elle était reconnue, cette inconstitutionnalité pourrait contaminer les redistributions internes ainsi que les redistributions faites à des sociétés non UE. Une QPC reconventionnelle devrait être déposée très prochainement en ce sens. En attendant la réponse du Conseil constitutionnel, les contribuables concernés devraient déposer des réclamations pour prendre date, sachant que celui-ci peut limiter les effets de sa décision pour le passé.

En revanche, sur l’assimilation de la contribution de 3 % à une retenue à la source, le débat semble bel et bien désormais clos. L’argument selon lequel elle constituerait une retenue à la source déguisée devrait ainsi être définitivement écarté.

En revanche, d’autres motifs de contrariété (notamment la liberté d’établissement dans le cadre européen et les clauses de non-discrimination des conventions fiscales dans le cadre non européen) demeurent en suspens.

 

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