Défaut de production de l’état de suivi des plus-values : précisions sur l’assiette de l’amende de 5 %

Le TA de Lille juge que l’amende de 5 % sanctionnant le défaut de production de l’état de suivi des plus-values en sursis ou en report d’imposition est applicable aux seules sommes correspondant au montant des quotes-parts de plus-value restant à réintégrer à la clôture de chaque exercice vérifié (et non, pour chaque exercice vérifié, à la totalité de la plus-value).

Rappel

Dans certaines conditions, les sociétés qui réalisent des opérations (fusions, apports partiels d’actifs) placées sous le régime spécial, doivent produire un état de suivi des plus-values non fiscalisées par application du principe de neutralité. A défaut ou en cas d’omissions ou d’inexactitudes dans la déclaration, une amende forfaitaire égale à 5 % des sommes non déclarées, omises ou inexactes est prévue (CGI. art. 54 Septies I et art. 1763). L’amende n’est toutefois pas applicable en cas de 1re infraction commise au cours de l’année civile en cours et des 3 années précédentes, à condition que la régularisation soit effectuée de manière spontanée.

Pour rappel, le Conseil constitutionnel l’a déclarée proportionnée à l’objectif de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales poursuivi par le législateur, y compris lorsqu’elle s’applique lors de plusieurs exercices. Il l’a également jugée conforme au principe d’individualisation des peines, dès lors que le juge a la faculté, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et sur leur qualification, de maintenir l’amende ou d’en décharger le contribuable (Conseil constitutionnel, décision n°2017-636 QPC du 9 juin 2017, Société Edenred France).

Le Conseil d’Etat avait ensuite statué – positivement – sur sa conformité à la CESDH (décision du 4 décembre 2017, n°379685, Société Edenred France).

L’histoire

A l’occasion d’une opération de fusion placée sous le régime de faveur réalisée en 2003, la société absorbante a constaté une plus-value à raison de l’apport d’un immeuble, dont l’imposition a été étalée sur 15 ans.

A l’issue d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2014 à 2016, l’Administration a constaté que la société n’avait pas produit l’état de suivi des plus-values prévu à l’article 54 septies du CGI.

Elle lui a, en conséquence, infligé au titre de chacun des exercices vérifiés, une amende égale à 5 % de la totalité de la plus-value.

La société a contesté ce redressement devant les juridictions.

La décision du TA de Lille

La société se prévalait, en premier lieu, du principe d’individualisation des peines garanti par l’article 8 de la Déclaration de 1789 et les stipulations de la CESDH, pour soutenir qu’il appartient au juge de l’impôt de moduler le montant de l’amende prévue à l’article 1763 du CGI pour tenir compte de la gravité des agissements du contribuable.

Le Tribunal, se fondant sur la décision du Conseil constitutionnel de 2017 précitée, rappelle toutefois qu’en instaurant cette amende, le législateur a entendu limiter le contrôle exercé par le juge à la matérialité et à la qualification juridique des faits, de sorte qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur la proportionnalité du montant de l’amende contestée devant lui.

Il juge, en revanche, que l’obligation faite au contribuable de joindre à sa déclaration de résultats l’état de suivi prévu à l’article 54 septies du CGI a pour objet de permettre à l’Administration d’effectuer un suivi de la plus-value et plus particulièrement de l’avancée de sa réintégration dans les bénéfices imposables de l’intéressé.

Il en conclut qu’eu égard à cette finalité, ne doivent être regardées comme des sommes omises pour l’application de l’amende de 5 % que les sommes correspondant au montant des quotes-parts de plus-value restant normalement à réintégrer à la clôture de l’exercice vérifié.

Dès lors, il juge que l’Administration ne pouvait infliger à la société, au titre de chaque exercice vérifié, une amende correspondant à 5 % de la totalité de la plus-value – et en prononce la décharge à proportion.

On observera que le TA d’Orléans avait retenu, en 2011, une solution similaire (jugement du 27 mai 2011, n°1002717).

  • TA de Lille, 27 octobre 2023, n°2102132
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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.