La retenue à la source prévue à l’article 119 bis, 2 du CGI, en ce qu’elle s’applique aux distributions versées aux sociétés mères établies dans un Etat tiers à l’Union européenne, sans possibilité d’exonération, constitue une restriction à la liberté de circulation des capitaux. Le Conseil d’Etat juge toutefois que cette restriction est couverte par la clause de gel du Traité instituant la Communauté Européenne (TCE).
Une société suisse avait été assujettie à la retenue à la source prévue à l’article 119 bis, 2 du CGI à raison des dividendes que lui avait versés sa filiale française (détention de 8 %). Elle a contesté l’application de la retenue à la source sur le terrain de la liberté de circulation des capitaux – invocable par les résidents tiers à l’Union européenne – au motif que les sociétés mères françaises en étaient exonérées en application du régime mère-fille.
Le Conseil d’Etat, s’il reconnaît l’existence d’une restriction à la liberté de circulation des capitaux, juge toutefois que cette discrimination est couverte par la clause de gel (article 57 § 1 du TCE, devenu article 64 du TFUE). Pour mémoire, cette clause de gel permet l’application des restrictions existant au 31 décembre 1993 et concernant des « investissements directs ».
Pour expliciter cette notion d’investissements directs, qui n’est pas définie par le Traité, la CJUE a jugé pertinent le recours aux notes explicatives et à l’annexe de la directive 88/361/CEE du 24 juin 1988 (bien que celle-ci ne soit plus en vigueur), et notamment les précisions données dans les rubriques I et II de l’annexe I (CJUE, 17 octobre 2013, aff. C-181/12, Yvon Welte). La première rubrique définit les investissements directs, comme ceux qui correspondent à la liste suivante :
« Création et extension de succursales ou d’entreprises nouvelles appartenant exclusivement au bailleur de fonds, et acquisition intégrale d’entreprises existantes ; Participation à des entreprises nouvelles ou existantes en vue de créer ou maintenir des liens économiques durables ; Réinvestissement de bénéfices en vue de maintenir des liens économiques durables » c’est-à-dire des « investissements directs effectués sur le territoire national par les non-résidents ; investissements directs effectués à l’étranger par des résidents ».
Se référant à la jurisprudence de la CJUE, le Conseil d’Etat rappelle que les investissements directs visés par la clause de gel sont ceux qui créent ou maintiennent des relations durables et directes entre le bailleur de fonds et l’entreprise, c’est-à-dire ceux qui permettent de participer effectivement à la gestion ou au contrôle de cette société.
Il considère que la participation de 8 % de la société suisse dans sa filiale française doit être regardée comme un investissement direct, dès lors que cette détention lui permet de participer de manière effective à la gestion de sa filiale. L’article 119 bis, 2 étant antérieur au 31 décembre 1993, le Conseil d’Etat considère qu’il est valablement couvert par la clause de gel.
Le Conseil d’Etat semble ici mettre fin à tout espoir de remise en cause, sur le terrain de la liberté de circulation des capitaux, de la retenue à la source de l’article 119 bis, 2 prélevée sur les distributions effectuées en faveur de sociétés résidentes dans un Etat tiers à l’Union européenne, dès lors que la participation en cause peut être qualifiée d’investissement direct.