Le Conseil d’État juge, de manière inédite, que pour l’application du bénéfice du taux d’IS réduit de 15 %, la condition tenant au CA de la société détenant le capital de la société éligible, doit être appréciée par référence au CA de l’ensemble du groupe, qu’il soit fiscalement intégré ou non.
Rappel
Sous conditions, les PME dont le chiffre d’affaires HT est inférieur à 10 m€ (7,63 m€ pour les exercices ouverts avant le 1er janvier 2021) peuvent bénéficier d’un taux d’IS réduit de 15 % dans la limite de 42 500 € de bénéfice imposable par période de 12 mois (limite précédemment fixée à 38 200 € pour les exercices clos avant le 31 décembre 2022).
Les PME en question doivent avoir leur capital entièrement libéré à la clôture de l’exercice concerné, et être détenues, de manière continue, à hauteur de 75 % au moins par des personnes physiques, ou par des sociétés remplissant elles-mêmes les conditions d’éligibilité au taux réduit (notamment, la condition tenant à un CA inférieur à 10 m€).
Le texte précise expressément pour la société mère d’un groupe intégré, redevable de l’impôt de l’intégration fiscale, que le chiffre d’affaires doit être apprécié en faisant la somme des chiffres d’affaires des entités membres de l’intégration fiscale (CGI, art. 219, I, b).
L’histoire
Une société non-intégrée, détenue à 100 % par une société, par ailleurs tête d’une intégration fiscale, a entendu bénéficier du taux réduit d’IS de 15 % au titre des exercices 2014 à 2016.
L’Administration a remis en cause l’application de ce taux réduit, en faisant valoir que la condition tenant au respect du chiffre d’affaires maximal par la société mère de la société ayant entendu bénéficier du taux réduit, n’était ici pas satisfaite.
Pour ce faire, elle a retenu, pour l’appréciation de ce seuil au niveau de la société mère, la somme des chiffres d’affaires réalisés par l’ensemble des entités membres de l’intégration fiscale.
La requérante a contesté ces modalités d’appréciation, arguant qu’elle n’appartenait pas, elle-même, à cette intégration fiscale.
La décision du Conseil d’État
Le Conseil d’État confirme le redressement.
Rappelons que des juridictions du fond avaient déjà pu juger, par le passé, que le seuil de CA en deçà duquel une société détenue à plus de 75 % par une société mère d’un groupe intégré peut bénéficier du taux réduit de 15 %, s’apprécie au niveau de cette dernière en additionnant les CA réalisés par toutes les filiales intégrées, que la société concernée soit elle-même intégrée ou non (CAA Nantes, 4 avril 2013, n°12NT01264, plus récemment, CAA Nantes, 11 mars 2022, n°20NT02328, SCI La Rochette).
Mais le Conseil d’État nous semble ici aller encore un cran plus loin.
Se référant aux travaux parlementaires de l’article 219 du CGI et à la jurisprudence de la CJUE, il indique que le législateur a entendu réserver son bénéfice aux sociétés qui satisfont à la définition des PME européennes pour l’application de la réglementation sur les aides d’Etat, c’est-à-dire « à l’exclusion de celles qui appartiennent à un groupe économique et qui ont donc accès aux moyens et aux soutiens dont ne disposent pas leurs concurrentes de taille équivalente ».
Il en conclut que pour déterminer le respect de la condition du chiffre d’affaires de la société mère de la société revendiquant le bénéfice du taux réduit, il y a lieu, le cas échéant, de tenir compte de l’ensemble de ses participations dans les conditions prévues pour l’application de la réglementation européenne sur les aides d’Etat, sans qu’ait d’incidence à cet égard l’appartenance ou non de ces entités à un groupe intégré.
Au cas d’espèce, en tout état de cause, la somme des chiffres d’affaires des entités membres de l’intégration excédait déjà le seuil à ne pas dépasser.
Le Conseil d’État confirme donc la non-application du taux réduit.