Cet article a initialement été publié dans la revue « Revue Française de Comptabilité » N° 521 du mois de juin 2018 et est reproduit sur notre blog avec l’accord de l’éditeur.
Comme de nombreux pays, le Japon s’est engagé dans un processus de réduction de son taux d’impôt sur les sociétés et de modernisation de son système fiscal, afin de le rendre plus dynamique et accessible. Le Premier ministre Shinzo Abe a lancé une série de réformes (baptisées les abenomics) en vue notamment de faciliter les investissements en provenance et à destination de l’étranger. Ce plan a pour objectif de faire du Japon un acteur incontournable pour les investissements en Asie.
Champ de l’impôt sur les sociétés
Sont soumis à l’impôt les sociétés, associations, établissements ou organismes possédant la personnalité morale, qu’importe la nationalité et la forme juridique de ceux-ci.
A titre d’exemple, sont soumis à cet impôt :
- les Kabushiki Kaisha (Sociétés anonymes)
- les Godo Kaisha (Sociétés à responsabilité limitée)
- les Gomei Kaisha (Sociétés en nom collectif)
- les Goshi Kaisha (Sociétés en commandite) ; etc.
La loi japonaise (Hojinzei Ho) distingue deux catégories de sociétés pour l’établissement de l’impôt : les sociétés japonaises et les sociétés étrangères.
Les sociétés japonaises sont celles dont le siège social est situé au Japon, quel que soit la nationalité de leurs actionnaires et lieu de direction effective de celles-ci. Toutes les autres sociétés seront considérées comme des sociétés étrangères (ex. succursales japonaises de sociétés constituées à l’étranger).
Une société japonaise sera imposée sur ses bénéfices mondiaux, alors qu’une société étrangère sera imposée uniquement sur ses revenus de source japonaise.
Afin d’éviter tout phénomène de double imposition lié à cette conception mondiale des bénéfices, les entreprises peuvent bénéficier de crédits d’impôt au titre des revenus préalablement taxés à l’étranger et de l’application des conventions fiscales bilatérales japonaises.
Détermination du résultat fiscal
Principes généraux
La base taxable d’une entreprise est son résultat brut, déterminé conformément aux règles comptables japonaises (Japanese GAAP). L’application des règles IFRS peut, si la société remplit certaines conditions, être acceptée par les autorités. Comme en France, il est nécessaire d’effectuer des déductions et des réintégrations afin de déterminer le bénéfice imposable fiscalement.
La période à retenir pour l’établissement du résultat est l’exercice comptable. Le plus souvent celui-ci commence le 1er avril. La durée d’un exercice ne peut pas excéder 12 mois, mais peut être d’une durée inférieure.
Les déductions
En principe l’intégralité des frais et charges, sous réserve qu’ils soient réalisés pour les besoins normaux de l’exploitation, sont déductibles.
Sont ainsi notamment déductibles :
- les charges de personnel (traitements et salaires, cotisations sociales, etc.)
- les jetons de présences des organes de direction de la société
- les intérêts sur prêt versés
- les redevances
- les frais de services et de gestion (management fees)
- les dépenses de recherche et développement
- les dons, dont la déductibilité est fonction de l’organisme bénéficiaire et du montant du capital et du résultat de la société donatrice
- les frais de représentation, dont la déductibilité est admise uniquement pour les PME (Une société sera considérée comme une PME si son capital social est inférieur à 100 M de yens (soit 777 K€) et si celle-ci n’est pas indirectement ou directement détenue par une société dont le capital est supérieur à 500 M de yens (soit 3,8 M€).) dans la limite la plus haute entre 50 % du montant de ces dépenses ou 8 millions de Yens (62 K€). Pour les autres entreprises ces frais ne sont pas déductibles, mais une tolérance est acceptée pour les frais de repas qui peuvent être déduits à hauteur de 50 % ; etc.
De plus, des déductions peuvent être réalisées au titre des amortissements et des dépréciations (sur créances irrécouvrables, etc.)
Les réintégrations
La loi japonaise exclut expressément de la liste des dépenses déductibles certaines dépenses, et pose des garde fous pour d’autres. On peut principalement citer au titre de celles-ci :
- les impôts non déductibles (impôt sur les sociétés, etc.)
- les amendes, pénalités et autres prélèvements de nature similaire
- certains intérêts d’emprunt versés à des sociétés liées, considérés comme excessifs en application de règles internes de sous-capitalisation ou de prix de transfert
- certaines redevances et management fees versés à des entités liées lorsque ceux-ci ne respectent pas les règles de prix de transfert
- les dons et frais de représentation lorsque ceux-ci dépassent les plafonds de déductions, etc.
Les revenus exonérés
Les dividendes reçus par une société japonaise d’une autre société japonaise sont exonérés :
- totalement lorsque le bénéficiaire détient entre 100 % et 1/3 des titres de la société distributrice
- de moitié lorsque le bénéficiaire détient entre un tiers et 5 % des titres de la société distributrice ou lorsqu’il détient plus d’un tiers des titres depuis moins de 6 mois
- d’un cinquième lorsque le bénéficiaire détient moins de 5 % des titres de la société distributrice
Les dividendes reçus par une société japonaise en provenance d’une société étrangère sont également exonérés à hauteur de 95 % de leur montant si la société japonaise détient 25 % ou plus des titres de la société distributrice depuis au moins 6 mois.
Toutefois, et afin de lutter contre les montages hybrides, cette exonération n’est pas accordée si ces dividendes sont déductibles du résultat imposable de la société distributrice.
Taux d’imposition des sociétés
L’imposition des sociétés est divisée en trois types d’impositions : l’impôt sur les sociétés (houjin-zei), la taxe sur les entreprises (jigyo-zei) et les impôts locaux (houjinjumin-zei). A noter que les taux d’impôts sont les mêmes pour les sociétés japonaises et étrangères.
L’impôt sur les sociétés (houjin-zei)
Le Japon, comme de nombreux autres pays, a engagé une politique de réduction progressive de son taux d’impôt sur les sociétés. Ainsi, pour les exercices ouverts à compter du 1er avril 2018 le taux normal d’impôt sur les sociétés est de 23,2 % (il était auparavant de 25,5 %).
Un taux réduit de 19 % est applicable pour les PME dans la limite de 8 millions de yens (62 K€), le surplus étant imposé au taux normal.
La taxe sur les entreprises (jigyo-zei)
Pour les grandes entreprises (autres que les PME), cette taxe se décompose entre une taxe sur le résultat imposable (avec un taux maximum de 3,6 %), la valeur ajoutée produite (1,2 %) et le capital social de la société (0,5 %).
Les impôts locaux (houjinjumin-zei)
Le taux des impôts locaux va dépendre des décisions des autorités locales et de la taille de la société imposée. Les impôts locaux comprennent :
- un impôt local sur le bénéfice, fondé sur l’impôt sur les sociétés versé au titre de l’exercice
- un prélèvement spécifique fondé sur le montant du capital et le nombre d’employés, dû pour chaque bureau ou établissement situé sur le territoire de la collectivité
Taux effectif moyen d’imposition
Le taux effectif d’imposition pour les grandes entreprises situées à Tokyo (comprenant les trois impositions principales décrites ciavant) est d’environ 30 %.
Modalités de déclaration et de paiement de l’impôt
Modalités déclaratives
Chaque société doit faire parvenir, dans les deux mois suivant la clôture de son exercice, sa déclaration de résultat et ses déclarations d’impôt sur les sociétés, de taxe sur les entreprise et d’impôt locaux aux autorités.
Ces déclarations doivent obligatoirement être accompagnées des états financiers nécessaires à la détermination du résultat de l’entreprise.
Sous réserve d’obtenir l’accord des autorités fiscales, il est possible d’obtenir une prorogation de ce délai (en moyenne d’un mois). Les sociétés ont le choix entre deux types de éclarations : les déclarations blanches et les bleues. Les déclarations bleues (aoiro shinkoku), autorisées par les autorités sous réserve du respect de normes comptables plus poussées, ouvrent le droit à de nombreux avantages comme le report en avant et en arrière des déficits, des amortissements supplémentaires, etc.
A noter que, comme en France, un système d’intégration fiscale est prévu.
Modalités de paiement de l’impôt
Le paiement de l’impôt est concomitant au dépôt des déclarations de résultat et aucune extension du délai de paiement ne peut être demandé.
Le versement d’un acompte d’impôt sur les sociétés, égal à 50 % du montant de l’impôt de l’année précédente ou, sur option du contribuable, 50 % du montant de l’impôt estimé pour l’exercice en cours, est dû en milieu d’année.
Focus sur des avantages particuliers accordés aux sociétés japonaises
Soucieux de relancer son économie, le Japon a développé un arsenal de mesures fiscales incitatives pour les entreprises.
Crédit d’impôt pour l’augmentation des salaires et de la productivité
Les entreprises peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt égal à 15 % (pouvant aller jusqu’à 20 % sous certaines conditions) du montant des augmentations de salaires qu’elles versent à leurs salariés si :
- le salaire moyen versé par l’entreprise à ses salariés a augmenté d’au moins 3 % par rapport à l’année précédente
- les amortissements constatés au cours de l’exercice sont rattachables à plus de 90 % à des immobilisations situées au Japon
Ce crédit d’impôt est applicable aux exercices ouverts à compter du 1er avril 2018 jusqu’au 31 mars 2021.
Crédit d’impôt pour la dynamisation de l’économie
Toujours afin de rendre le pays plus dynamiqueet attractif, le gouvernement a instauré une série de crédits d’impôts favorisant les investissements avec, par exemple, un crédit d’impôt renforcé pour les dépenses de recherche et développement (pouvant aller jusqu’à 14 % des dépenses réalisées).
Mesures spéciales en faveur de l’investissement régional
Jusqu’au 31 mars 2019, les entreprises peuvent bénéficier de mesures d’amortissement spécifiques pour l’achat de certaines machines, équipements, immeubles et installations y afférentes utilisés par les industries de bases dans certaines régions « rurales ».
A ce titre, les entreprises peuvent bénéficier :
- d’un amortissement spécifique égal à 40 % du montant des dépenses réalisées ; ou
- d’un crédit d’impôt égal à 4 % de celles-ci
A noter que pour les dépenses relatives à des immeubles et aux installations y afférentes, les taux de ces mesures sont réduits de moitié et leur bénéfice limité dans tous les cas à 20 % du montant de l’impôt versé.
Contrôle fiscal et recours
Modalités générales de contrôle
Les autorités fiscales japonaises disposent d’un droit de reprise de 5 ans, prorogeable jusqu’à 10 ans en cas de de fraude.
Les autorités peuvent également appliquer les pénalités suivantes :
- en cas d’absence de déclaration ou de déclaration tardive : pénalités de 15 % du montant de l’impôt dû
- en cas de minoration des bénéfices : pénalités de 10 % à 15 % du montant de l’impôt dû
- en cas de fraude, pénalités pour faute lourde de 35 à 40 % du montant de l’impôt rectifié
Ruling ou rescrit fiscal
Le NTA (National Tax Agency ou Kokuzeichō) délivre des rescrits sur demande des contribuables, mais cette pratique est peu usitée, les autorités privilégiant la voie d’accords « informels ». Le NTA délivre également des accords préalables de prix tant unilatéraux que bilatéraux.
Relations internationales
Le Japon est membre de l’OCDE et, à ce titre, a adopté la majeure partie de ses principes directeurs. De plus, le Japon possède un réseau étendu de conventions fiscales bilatérales (actuellement 68 en vigueur) dont une avec la France.