La France renforce ses obligations documentaires en matière de prix de transfert et s’éloigne du standard OCDE

Avec le décret n°2018-554 du 29 juin 2018 et le Bulletin Officiel des Impôts BOI-BIC-BASE-80-10-40, la France a précisé et alourdi ses obligations documentaires en matière de prix de transfert, détaillant les nouvelles règles posées par l’Article L13 AA du Livre des Procédures Fiscales. Ces nouvelles dispositions sont applicables pour la documentation de tous les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2018.

Cherchant à transposer pleinement et entièrement l’Action 13 de BEPS sur la documentation des prix de transfert, la France est en fait allée plus loin, créant un certain nombre de spécificités, parmi lesquelles :

  • L’obligation de remise de la documentation dans un format électronique
  • L’obligation de fournir les tables de données dans un format permettant à l’administration fiscale d’effectuer des vérifications de calcul (i.e. sous un format tableur)
  • La création d’un seuil de matérialité de 100 000 € par catégorie de revenus/charges, identique à celui du formulaire prix de transfert 2257
  • Le renforcement du niveau de détail à fournir sur la politique du groupe, et les moyens mis en œuvre pour y arriver (par exemple, description des opérations de sous-traitance en matière de R&D, description des conditions de paiement et des régimes de garantie pour les transactions intragroupe, ou encore description approfondie des stratégies développées par le groupe)
  • L’obligation de réconciliation de la politique de prix de transfert avec la comptabilité sociale, via la présentation des « conséquences arithmétiques de l’application des politiques de prix de transfert dans la comptabilité sociale, avec l’identification des comptes concernés » et la fourniture d’une « correspondance entre les états financiers ayant servis à la détermination des prix et ceux dont la tenue par l’entreprise est obligatoire »

Cette dernière obligation fait peser sur les groupes un poids extrêmement lourd, forçant à mener, de manière systématique, des traitements spécifiques extrêmement détaillés et précis. Cette obligation, qui était déjà en germe dans l’Action 13 de BEPS, est poussée très loin par l’administration fiscale, et risque d’être, en pratique, complexe à mettre en œuvre. En particulier, l’administration fiscale précise bien qu’elle souhaite que la preuve soit apportée en norme comptable française, et non pas dans les standards groupe.

Tant la masse d’information nouvelle requise que le flou de certaines formulations, notamment pour la réconciliation financière, forceront nécessairement les groupes à des arbitrages sur la meilleure manière de répondre à ces obligations nouvelles. De plus, la mention dans le BOI que la documentation « est en principe rédigée en langue française » risque de renforcer les exigences de traduction des documentations par les vérificateurs, forçant les groupes à dédoubler l’effort, en maintenant des documentations en français et en anglais.

Pour plus de précisions sur ces nouvelles obligations, nous vous invitons à lire l’article d’Eric Lesprit et Laura Schoumacher qui détaille les évolutions des obligations documentaires (« Documentation prix de transfert alourdie : les entreprises vont devoir revoir leurs habitudes » initialement publié dans le Feuillet Rapide, Editions Francis Lefebvre, FR 39/18 du 30 août 2018)

Grégoire de Vogüé

Grégoire de Vogüé, Avocat Associé, est en charge de l’équipe Prix de Transfert. Il a acquis une expérience de plus de 20 ans sur toutes les questions relatives au prix […]