En novembre 2024, le Gouvernement français soumettait à la consultation publique les projets de la 3e version de la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC3) et de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE3). Les ambitions sont claires : une réduction des émissions de Gaz à effet de serre (GES) de 50 % d’ici à 2030 par rapport à 1990 via la SNBC3 (une ambition rehaussée par rapport à l’objectif de 40 % de la SNBC2 datant de 2020), et une transition vers un modèle énergétique décarboné à 60 % d’ici à 2030 grâce à la PPE.
Depuis ces publications, le paysage des aides publiques à la décarbonation s’est précisé, couvrant des domaines tels que la chaleur bas carbone, l’efficacité énergétique, l’électrification, le recyclage ou encore la capture du carbone. Dans ce contexte, il est essentiel pour les entreprises de connaître les principaux dispositifs de financement public disponibles en 2025 pour les accompagner dans l’atteinte de ces nouveaux objectifs climatiques. Le présent article propose, ainsi, un panorama des mesures les plus significatives mises à leur disposition.
Soutenir l’investissement : les dispositifs phares pour la décarbonation de l’industrie
Le financement public des projets d’investissement vise à soutenir les projets bénéfiques pour l’environnement mais qui ne sont pas assez rentables pour déclencher les décisions d’investissement. Plusieurs appels à projets (AAP) clés ont été confirmés ou renouvelés, avec des exigences accrues en termes d’efficacité et de maturité.
AAP DECARB IND
Ce dispositif phare soutient les projets d’envergure (plus de 3 m € d’investissement) avec une aide pouvant atteindre 30 m€. Les thématiques privilégiées demeurent l’efficacité énergétique, l’électrification des procédés et le captage du CO2 émis par les procédés industriels. Renouvelé en décembre 2024, la dernière édition s’est clôturée le 15 mai 2025. Une nouvelle ouverture des candidatures est attendue prochainement, avec des clôtures prévues en février et en septembre 2026.
Confirmant les attentes du secteur, le Gouvernement a annoncé en avril 2025 la reconduction de plusieurs dispositifs complémentaires à DECARB IND, essentiels pour diversifier les soutiens.
AAP DECARB FLASH
Le « petit frère » de DECARB IND, dont la précédente édition datait de 2022, fait son grand retour. Il cible les projets de décarbonation des sites industriels principalement sur les thématiques de l’efficacité énergétique et de l’électrification, dont les coûts sont inférieurs à 3 m€. Plusieurs relèves sont programmées pour 2025 et 2026, avec une clôture prévue en février 2027.
AAP BCIAT (Biomasse Chaleur pour l’Industrie, l’Agriculture et le Tertiaire)
Ce dispositif, existant à l’ADEME depuis une dizaine d’années, soutient les dépenses d’investissement (CAPEX) pour des projets de production de haute capacité de chaleur renouvelable (> 12 GWh/an) ou de biogaz (> 8 GWh/an) à partir de biomasse certifiée durable. Les aides peuvent excéder 30 m€ et la clôture du dispositif est prévue en octobre 2025. Les projets de plus petite capacité restent éligibles aux subventions du Fonds Chaleur de l’ADEME.
Appel d’Offres Grands Projets Industriels de Décarbonation (AO GPID)
Le Gouvernement a également lancé un programme de décarbonation qui rivalise avec le programme Innovation Fund de l’UE, lequel vise à financer les projets de décarbonation les plus ambitieux et innovants en Europe. Il s’agit du dernier programme de décarbonation majeur mis en place par le Gouvernement.
L’édition 2024, qui s’est clôturée en mai 2025, proposait des montants encore rarement vus au niveau national pour la décarbonation des sites industriels les plus émetteurs. Le dispositif permettait des aides d’un montant minimum de 20 m€, avec un montant de la subvention basé sur un système d’enchères à la tonne de CO2 évitée par le projet sur une durée de 15 ans. Les projets éligibles qui requièrent les montants de subvention par tonne de CO2 évitée les plus bas sont donc sélectionnés jusqu’à épuisement des fonds.
Un Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) pour un probable renouvellement du dispositif en 2026 a été lancé en juin 2025. Il est obligatoire d’avoir postulé à l’AMI de 2024 ou 2025 pour être éligible à la prochaine édition de l’AO GPID.
Enfin, pour soutenir l’investissement productif, le Crédit d’impôt investissements industries verts (C3IV) reste opérationnel jusqu’à la fin de l’année. Il soutient les investissements dans des capacités de production en lien avec les secteurs de l’éolien, des batteries, des pompes à chaleur et du solaire photovoltaïque. Pour les autres secteurs industriels, l’appel à projets « Première Usine » de Bpifrance, destiné à accompagner les PME et ETI innovantes, reste très intéressant.
Vigilance accrue de l’ADEME : efficacité et maturité exigées pour les projets d’investissement
Ces dispositifs s’inscrivent dans un contexte de rigueur budgétaire qui augmente les exigences en termes d’efficacité des aides publiques. L’ADEME, en tant qu’opérateur de ces AAP, accroît ses attentes et exerce une vigilance accrue dans l’évaluation et la sélection des projets par rapport aux précédentes éditions.
Les critères d’efficacité de l’aide seront renforcés et une mise en concurrence accrue, notamment via une classification évaluant l’efficacité de l’aide publique, calculée par le ratio entre l’aide demandée (subventions + certificats d’économie d’énergie) et le volume de CO2 évité. Une efficacité de l’aide publique jugée trop faible par rapport aux projets concurrents pourra s’avérer disqualifiante.
De même, la rentabilité des projets est étudiée avec attention ; un Temps de Retour Brut (TRB) trop court suggérerait une aide publique moins importante. Un travail d’analyse technico-économique approfondi, prenant en compte les différents critères de classification de l’ADEME est donc nécessaire lors de la préparation du dossier de candidature, afin de dimensionner et positionner au mieux le montant de subvention sollicité.
De plus, une attention particulière doit être portée à la maturité des projets. Ce critère était déjà présent dans les éditions précédentes des AAP d’aide à l’investissement de l’ADEME, cependant les exigences sont en hausse. Cette orientation résulte du constat de trop nombreux projets annulés après signature d’un contrat de financement, poussant l’ADEME à porter une attention accrue à la robustesse des business case et à l’état d’avancement des projets soumis. Les candidats devront donc particulièrement soigner la solidité de leur argumentaire technique, les justificatifs démontrant la maturité du projet, la fiabilité des prévisions économiques et établir un plan de financement solide.
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Stimuler l’innovation – Les aides à la R&D pour la décarbonation
Parallèlement au soutien à l’investissement, le Gouvernement a confirmé le renouvellement d’appels à projets cruciaux pour financer la R&D, moteur du développement des futures solutions de décarbonation.
AAP DEMIBaC (Démonstrateurs Industriels Bas-Carbone)
Ciblant entreprises et organismes de recherche, l’AAP DEMIBaC soutient les projets d’un budget supérieur à 1,5 m€ qui visent à faire émerger une offre de solutions de décarbonation innovantes.
Le dispositif comporte deux volets :
- Le volet 1 concerne des projets pour le développement de briques technologiques innovantes et d’actions de démonstration. Il est ouvert aux projets monopartenaires.
- Le volet 2 cible des projets portés par des consortiums constitués d’un ou plusieurs industriels proposant une offre de décarbonation et d’un, ou plusieurs, industriels côté demande prêts à accueillir les solutions innovantes proposées sur leurs sites de production.
La clôture de DEMIBaC est prévue pour mars 2027, avec une relève intermédiaire programmée le 14 octobre 2025, suivie de deux autres relèves en mars et en octobre 2026.
AAP IBaC PME (Industries Bas-Carbone PME)
Ce dispositif soutient les projets de plus petite taille, d’un budget inférieur à 1,5 m€, portés par des PME (à l’image du Concours i-Nov, maintenu avec 2 vagues par an) qui développent des méthodologies, technologies, solutions industrielles et services innovants pour la décarbonation de l’industrie. La clôture de IBaC PME est programmée en février 2027, avec une relève intermédiaire le 14 octobre 2025, suivie de deux autres relèves en février et en septembre 2026.
AAP Innovation et Démonstration Hydrogène
Ce programme soutient les travaux d’innovation et de démonstration pour la création ou l’amélioration des composants et des systèmes liés à la production, au transport d’hydrogène et à ses usages (industriels, transport, énergie). Ouvert jusqu’en septembre 2026, il prévoit une relève intermédiaire le 29 septembre 2025.
AAP ZIBaC (Zones Industrielles Bas-Carbone) Phase 2
Le but de cet appel à projets est d’accélérer la transformation territoriale. Après une première phase dédiée au financement d’études en 2022, la phase 2 accompagne la décarbonation des 11 zones industrielles les plus émettrices. Elle finance désormais des études exploratoires ou de faisabilité pour affiner les scénarios et préparer les investissements structurants. L’appel est ouvert aux consortiums lauréats de la phase 1 jusqu’en juin 2028.
Ces dispositifs offrent des leviers significatifs pour des projets d’innovation ambitieux et sont souvent complémentaires au Crédit d’Impôt Recherche (CIR).
Boucler la Boucle – Les Financements pour l’économie circulaire et le recyclage
La décarbonation ne se limite pas aux émissions directes (Scope 1) ou indirectes liées à la consommation d’énergie (Scope 2). Les aides publiques couvrent également le Scope 3, notamment via le soutien à l’économie circulaire et au recyclage, essentiels pour réduire l’empreinte carbone des matières.
AAP CAPTE (Circularité Avancée des Plastiques, Textiles et Élastomères)
Ouvert jusqu’en janvier 2026, cet AAP accompagne les investissements et les projets d’innovation sur toute la chaîne de valeur des plastiques, textiles et élastomères : préparation et sur-tri des déchets, production de Matières Premières Recyclées (MPR), incorporation par les transformateurs, et écoconception intégrant les MPR, avec un budget minimum des projets de 2 m€.
AAP ORMAT 2025 (Objectif Recyclage MATières)
Adressé aux entreprises de toutes tailles de la chaîne de valeur du recyclage, ORMAT soutient les projets d’investissement en faveur de l’économie circulaire. Six thématiques « matériaux » sont ciblées : plastiques et textiles (pour les projets dont le budget est inférieur au seuil de l’AAP CAPTE), métaux et batteries, bois, papiers et cartons, verre, ainsi que matériaux minéraux. La clôture est prévue au plus tard en octobre 2025 (à noter que de précédentes éditions de cet AAP ont été publiées les années précédentes et que de futures éditions sont probables).
AAP Métaux Critiques 2
S’intégrant dans un plan plus large de réduction de la dépendance aux importations de matières stratégiques, ce dispositif finance la production de métaux critiques (primaires et issus du recyclage) et le développement de procédés innovants (numérisation, automatisation) pour leur production, et les projets visant à optimiser l’usage des métaux (réduction de la consommation, substitution). Deux relèves intermédiaires sont prévues en 2025, avant une clôture en février 2026.
L’ADEME – Pilier de la stratégie de décarbonation face aux contraintes budgétaires
L’engagement gouvernemental pour la réduction des émissions de CO2 semble donc se poursuivre, avec un soutien de long terme attendu par les industriels, des PME aux grands groupes. L’État français s’est une nouvelle fois tourné vers l’ADEME pour mettre en œuvre sa politique de soutien à la transition environnementale.
Dans un contexte de recherche d’économies budgétaires (2 à 3 mds€ d’économies visées d’ici 2027 via la rationalisation des agences de l’État, d’après une annonce de la ministre des Comptes publics fin avril 2025), l’ADEME, bien que potentiellement concernée par des réflexions sur son périmètre, demeure un acteur incontournable.
L’expertise technique de ses ingénieurs, qui suivent de bout en bout les projets les plus innovants des filières en lien avec la transition écologique et énergétique, en fait le pilier de la mise en œuvre de la stratégie de décarbonation.
Par ailleurs, il est crucial de distinguer son coût de fonctionnement des milliards d’euros qu’elle gère et alloue à la transition écologique pour le compte de l’État. Son PDG, Sylvain Waserman, rappelait pour 2024 que sur un budget de 3,4 mds€, 92 % étaient directement alloués au financement de projets des territoires et des entreprises ; seuls les 8 % restants couvraient les frais de fonctionnement et de recherche de l’Agence. Cette année, plus que jamais, l’Agence s’attachera à optimiser l’utilisation des fonds publics en privilégiant les projets les plus efficaces et matures grâce à des mesures de mise en concurrence strictes.
Une dynamique engagée, un accompagnement stratégique nécessaire
Ces annonces confirment l’engagement continu de l’État français en faveur de la décarbonation industrielle. PME comme grands groupes peuvent s’appuyer sur ces dispositifs, opérés en grande partie par l’ADEME, pour accélérer leur transition. Dans ce paysage d’aides dense et exigeant, une approche stratégique et des dossiers solidement préparés seront plus que jamais déterminants pour capter ces financements essentiels.
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