Groupement de moyens (261B) – Conclusions de l’Avocat Général dans l’affaire CJUE « Kaplan »

Selon l’Avocat Général, l’exonération de TVA relative aux groupements de moyens (au sens de l’article 132-1-f de la Directive TVA) n’est pas applicable aux services rendus par un groupement « transfrontalier » établi dans un pays tiers, à ses membres établis dans l’UE (Conclusions de l’Avocat Géréral Mme J. KOKOTT, 23 avril 2020, Affaire C-77/19, Kaplan International Colleges UK c/ HMRC).

Dans cette affaire d’origine britannique, la Holding Kaplan International College (KIC) est la tête d’un Groupe TVA (au sens de l’article 11 de la Directive TVA) formé avec ses filiales établies aux Royaume-Uni. Les filiales exercent des activités d’enseignement majoritairement exonérées de TVA. Pour recruter les étudiants étrangers, il est fait appel aux services d’un réseau composé de 70 agents indépendants implantés dans 70 pays. Les agents sont liés contractuellement avec une société établie à Hong Kong, détenue par les filiales de KIC, et perçoivent à ce titre des commissions. La société hongkongaise refacture ensuite les prestations auxdites filiales. Afin d’exonérer de TVA britannique ces prestations, KIC considérait que la société hongkongaise était constitutive d’un groupement autonome de personnes (GAP) rendant des services à ses membres (les filiales du groupe KIC) au sens de l’article 132-1-f de la Directive TVA, thèse contestée par l’administration fiscale britannique.

La juridiction de renvoi pose à la CJUE 11 questions préjudicielles relatives à trois grands thèmes : (i) le champ d’application territorial de l’exonération en présence d’un groupement situé dans un pays tiers, (ii) la condition d’absence de distorsion de concurrence et enfin, (iii) les interactions entre l’exonération des GAP et le régime de Groupe TVA.

Champ d’application territorial

Concernant le premier thème relatif au champ d’application territorial, l’Avocat Général J. KOKOTT considère que l’exonération ne s’applique pas aux services fournis par un GAP établi dans un pays tiers, à ses membres établis dans un État membre de l’UE. En particulier, les conclusions relèvent que le positionnement initial de la disposition au sein de la Sixième Directive (Sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977) sous l’article 13 intitulé « exonérations à l’intérieur du pays » indiquerait l’intention du législateur de réserver l’application de cette disposition à des situations purement internes. J. KOKOTT avait d’ores et déjà mis en avant cette limitation du champ d’application territorial de l’exonération des GAP dans ses conclusions dans l’affaire « AVIVA » (C-605/15, conclusions du 1er mars 2017) mais la CJUE n’avait finalement pas tranché ce point dans sa décision. Il convient de remarquer que J. KOKOTT ne semble pas préconiser une solution différente selon que le groupement est établi dans l’UE ou en dehors de l’UE. Elle propose toutefois que la CJUE ne traite ici que de la seconde hypothèse (hors UE), en concordance avec les faits de l’espèce.

Pour mémoire, l’administration fiscale française a reconnu la possibilité d’appliquer l’exonération aux services rendus à leurs membres par des groupements transfrontaliers dans un rescrit (RES n° 2007/11 TVA du 20 mars 2007) publié au BOFiP (BOI-TVA-CHAMP-30-10-40, n° 30).

L’Avocat Général considère par conséquent qu’il n’est pas nécessaire de traiter les autres questions mais livre toutefois, à titre subsidiaire, son analyse qui peut être résumée comme suit :

Condition d’absence de distorsion de concurrence

  • L’exonération de TVA des services fournis par un GAP à ses membres en contrepartie du remboursement exact de la part leur incombant n’entraîne pas, en principe, une distorsion de concurrence, sauf si cette exonération est appliquée d’une manière contraire à sa finalité.
  • A cet égard, peuvent constituer des indices que l’exonération est appliquée d’une manière contraire à sa finalité notamment le fait :
    • que le GAP fournisse les mêmes services dans une ampleur importante à des non membres et agisse sur le marché principalement en tant que concurrent et dans une moindre mesure en tant que groupement coopératif 
    • que le GAP ne fournisse pas de services spécifiquement adaptés aux besoins de ses membres, mais se contente de fournir des prestations qu’il a acquises 
    • que l’objectif poursuivi réside uniquement dans l’optimisation de la charge de TVA payée en amont et non dans la coopération mutuelle aux fins d’éviter un désavantage concurrentiel

Pour mémoire, en France, l’article 261 B du CGI n’a pas explicitement transposé la condition d’absence de distorsion de concurrence mentionnée dans le texte de la Directive TVA.

Interaction entre GAP et régime de Groupe TVA

  • Les membres d’un Groupe TVA peuvent être membres d’un GAP 
  • Un Groupe TVA ne peut fonder un GAP ou être membre d’un GAP (car un Groupe TVA n’est pas une « personne ») 
  • L’exonération des services d’un GAP ne s’applique pas lorsque tous les membres du GAP font partie d’un seul et même Groupe TVA.
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Anne Gerometta

Anne Gerometta est Avocate Associée au sein de la ligne de services Taxes indirectes de Deloitte Société d’Avocats. Elle conseille les groupes internationaux dans la gestion de leurs problématiques de […]

Robin Maubert

Robin a rejoint Deloitte Société d’Avocats en 2018. Il exerce en tant que collaborateur au sein du département Indirect Tax du bureau de Paris. Robin est diplômé de l’Université Paul […]