Rappel
On sait que, dès lors que le contribuable les a déduits des bénéfices imposables d’un exercice non prescrit, l’Administration est en droit de vérifier l’existence et le montant de déficits réalisés au cours d’exercices couverts par la prescription, et de remettre en cause les résultats prétendument déficitaires. Les rectifications apportées à ces résultats ne peuvent pas, toutefois, avoir d’autre effet que de réduire ou supprimer les reports déficitaires opérés sur des exercices non prescrits (CE, 13 novembre 1987, n°56447, notamment).
L’histoire
Le 28 novembre 2007, une société procède à l’absorption de sa filiale à 100 % par voie d’une TUP avec effet différé au 1er janvier 2008.
Au titre de l’exercice clos en 2007, la société confondante a déduit de son résultat des provisions pour dépréciation et au titre de l’exercice clos en 2008, un mali de confusion consécutivement à l’annulation des titres de sa filiale. Les deux exercices 2007 et 2008 étaient déficitaires.
L’Administration a remis en cause ces déductions, et considérant que le reliquat du montant total des déficits générés par la société (incluant celui généré par ces déductions) a été imputé sur les bénéfices réalisés au titre des exercices clos en 2013 et 2014 (non prescrits), a rectifié en conséquence les résultats de ces exercices.
Pour s’opposer à ce redressement, la société se prévalait de l’absence de règle imposant un ordre d’imputation des déficits, et indiquait que les déficits litigieux subis au titre des exercices 2007 et 2008 avaient été imputés sur les bénéfices réalisés au titre de l’exercice clos en 2010 (exercice prescrit), de sorte que l’Administration ne pouvait plus en demander la correction.
La décision du TA de Montreuil
Le TA de Montreuil confirme l’absence de règle imposant un ordre d’imputation des déficits.
Pour autant, il juge que des déficits subis au cours de plusieurs exercices sont « indistinctement cumulés pour leur imputation sur les bénéfices réalisés ultérieurement et ne peuvent être isolés selon l’exercice au cours duquel ils sont nés ».
Pour le dire autrement, et pour reprendre la formule du rapporteur public, « une fois intégrée à la masse des déficits, l’imputation d’un déficit sur un bénéfice ne peut plus être millésimé », de sorte que l’entreprise ne peut choisir un ordre d’imputation de ces déficits.
On observera que le TA de Montreuil reprend, pour justifier sa décision, le considérant de principe d’un ancien arrêt du Conseil d’État, qui avait jugé que l’Administration peut vérifier les exercices qui suivent l’exercice déficitaire, même s’ils sont bénéficiaires et couverts eux-mêmes par la prescription, dans la mesure où le déficit résiduel, considéré par l’entreprise comme un élément de la détermination du bénéfice imposable de l’exercice vérifié et non prescrit, est le résultat de la différence entre le déficit initial et d’éventuels résultats bénéficiaires réalisés dans l’intervalle et qui ne l’ont pas totalement absorbé (CE, 25 novembre 1966, n°63522).
- Voir TA Montreuil, 2 décembre 2021, n°2003519, Sté Faun Environnement