Les plus-values immobilières réalisées en France par des non-résidents font l’objet, dans le mois suivant la cession de l’actif immobilier, d’un prélèvement non libératoire de l’impôt sur les sociétés dont le taux est aligné sur celui-ci.
Si le principe d’imposition est prévu par l’article 244 bis A du CGI, c’est seulement par renvoi aux règles générales de l’impôt sur les sociétés, et notamment à l’alinéa 2 du I de l’article 219 du même code, que le taux du prélèvement est fixé à 33,1/3 %.
Or, on sait que le taux de l’impôt sur les sociétés a été abaissé par la Loi de Finances pour 2017 à 28 %, avec effet immédiat pour les PME dès les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2017, et extension progressive puis générale à partir de 2020 pour l’ensemble des sociétés.
Toutefois, cette réduction n’est pas actée par l’alinéa 2 du I de l’article 219 du CGI. En effet, dans sa version en vigueur au 1er janvier 2017, l’alinéa susvisé fait toujours uniquement mention du « taux normal de l’impôt fixé à 33,1/3 % » et ce n’est qu’à partir de 2020 que le taux de 28 % lui sera formellement substitué.
Il en résulte, en attendant, des interrogations quant à l’articulation de ces dispositions avec celles applicables au prélèvement des non-résidents. En premier lieu, le renvoi fait par l’article 244 bis A ne visant que le taux normal de l’impôt sur les sociétés, le taux de 28 % sera-t-il applicable avant cette date aux sociétés qui, si elles étaient établies en France, rempliraient les critères pour en bénéficier ?
Cette question n’ayant pas été soulevée par les Parlementaires dans le cadre des travaux préparatoires, on ne peut que s’en tenir à une lecture stricte du renvoi opéré par l’article 244 bis A du CGI. Dans ces conditions, il faudrait considérer que le taux de 33,1/3 % devrait subsister jusqu’aux exercices clos au 31 décembre 2019 pour l’imposition des plus-values immobilières réalisées par des non-résidents.
Toutefois, il semble critiquable, au regard des principes du droit de l’Union européenne notamment, qu’une société étrangère soit soumise à une charge fiscale plus lourde qu’une société française opérant dans des conditions équivalentes. Cette problématique n’est pas sans rappeler celle qu’a soulevée l’ancien « prélèvement du tiers » dû par les personnes physiques résidentes d’un Etat tiers à l’EEE sanctionné par le Conseil d’Etat sur le terrain de la libre circulation des capitaux (arrêt du 20 octobre 2014, n° 367234), avant d’être supprimé par la 2e Loi de Finances Rectificative pour 2014 qui a fixé à 19 % le taux applicable quel que soit le lieu de résidence.
En tout état de cause, à supposer même qu’une société étrangère soit à même de revendiquer l’application du taux réduit de 28 %, les modalités d’appréciation des conditions posées par le texte (seuils de chiffre d’affaires et de bénéfices) ne seraient pas sans poser des difficultés pratiques. Ainsi, conformément aux dispositions de l’article 219 du CGI, le chiffre d’affaires s’entend de celui réalisé au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené s’il y a lieu à douze mois et le bénéfice imposable est apprécié « par période de douze mois ». Ces critères sont par définition délicats à mettre en œuvre dans le cas spécifique des plus-values réalisées par les non-résidents et soumises au prélèvement dans le mois de leur réalisation. En effet, à cette date les éléments relatifs aussi bien au chiffre d’affaires qu’au bénéfice de l’exercice ou de la période d’imposition ne seront pas encore nécessairement connus.
Une des solutions envisageables consisterait à se référer au chiffre d’affaires et bénéfices de l’exercice précédent celui de la cession. Il serait également possible de s’interroger sur l’annualisation du bénéfice et du chiffre d’affaires réalisés depuis le début de l’exercice jusqu’au moment du fait générateur du prélèvement. Ces options ne seraient toutefois que partiellement satisfaisantes, dès lors qu’elles se traduiraient pour les contribuables, au cas par cas, tantôt par une économie, tantôt par une avance de trésorerie. De plus, la question de savoir si la plus-value elle-même serait prise en compte pour la détermination du bénéfice devrait nécessairement être tranchée.
Au regard des difficultés pratiques et des enjeux que les contribuables pourraient rencontrer en pratique, des éclaircissements administratifs seraient bienvenus pour mettre fin à ces incertitudes.