L’article 209 B du CGI à l’épreuve de la libre circulation des capitaux

Le Conseil d’État juge que l’incompatibilité de l’article 209 B du CGI avec la liberté de circulation des capitaux ne peut être valablement invoquée, ce dispositif ayant vocation à s’appliquer aux seules participations permettant d’exercer une influence certaine sur les décisions de filiales établies hors de France.

Rappel

On sait que lorsqu’une société établie et passible de l’IS en France, exploite ou détient directement ou indirectement plus de 50 % d’une entité établie dans un État où elle est soumise à un régime fiscal privilégié (au sens de l’article 238 A du CGI), les résultats bénéficiaires de cette entité sont imposables à l’IS en France (CGI, art. 209 B).

Des clauses de sauvegarde sont toutefois prévues, dont la lettre diffère selon que l’entité étrangère est ou non établie dans un État membre de l’UE.

Si la société est établie dans l’UE, le dispositif de l’article 209 B ne s’applique pas, à la condition que sa détention ou son exploitation ne puisse pas être regardée comme constitutive d’un montage artificiel dont le but serait de contourner la législation fiscale française.

Rappelons, à cet égard, que le Conseil d’État avait jugé que si l’article 209 B, dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2006, était incompatible avec le principe de liberté d’établissement, il pouvait néanmoins être appliqué à des sociétés qui ont le caractère de montages purement artificiels destinés à éluder l’impôt normalement dû en France (CE, 4 juillet 2014, n°357264, Sté Bolloré).

Si la société étrangère est établie hors de l’UE, l’application de l’article 209 B peut être écartée lorsqu’il est démontré que les opérations de cette entité ont principalement un objet et un effet autres que de permettre la localisation de bénéfices dans un État ou territoire où elle est soumise à un régime fiscal privilégié. Cette condition est notamment réputée remplie lorsque l’entreprise étrangère a une activité industrielle ou commerciale effective exercée sur le territoire de l’État de son établissement ou de son siège.

L’histoire

Une société française a acquis, en 2007, une société bulgare, en faisant porter cette acquisition par une fondation néerlandaise.

En 2010, cette fondation néerlandaise a cédé les titres de la société bulgare (en dégageant une importante plus-value) à une société mauricienne, intégralement détenue par la société française.

A l’issue d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2010 et 2011, l’Administration a regardé les revenus réalisés par la filiale mauricienne au cours de ces 2 exercices (incluant la plus-value de cession) comme des RCM acquis par la société française en application des dispositions de l’article 209 B du CGI.

Devant les juges du fond, les débats ont essentiellement porté sur l’application de la clause de sauvegarde relative aux structures étrangères non-européennes (nb : clause de sauvegarde dans sa version antérieure à la LFR 2012), application finalement refusée par la CAA de Versailles, en l’absence d’éléments de preuve convaincants apportés par la société.

La décision du Conseil d’État

Devant le Conseil d’État, l’enjeu principal était de déterminer si le dispositif de l’article 209 B (dans sa rédaction antérieure à la LFR 2012) était ou non conforme à la liberté de circulation des capitaux, question inédite jusque-là.

Pour mémoire, contrairement aux autres libertés de circulation garanties par le droit de l’Union européenne, la liberté de circulation des capitaux, peut, sous certaines conditions, être invoquée dans des situations impliquant des résidents d’États tiers à l’Union européenne.

Le Conseil d’État, se référant expressément à la décision de la CJUE Test Claimants in the FII Group Litigation (aff. C-35/11 du 13 novembre 2012), rappelle les conditions d’invocabilité de la liberté de circulation des capitaux en pareille hypothèse.

Ainsi, lorsqu’est en cause la participation d’une société résidente d’un État tiers, l’examen de l’objet de la législation nationale suffit pour apprécier si cette participation relève bien de la liberté de circulation des capitaux.

  • Une législation nationale qui ne s’applique pas exclusivement aux situations dans lesquelles la société mère exerce une influence décisive sur la société établie dans le pays tiers tombe dans le champ de la liberté des capitaux, peu importe l’ampleur de la participation détenue dans ladite société. Une société résidente d’un EM peut alors, indépendamment de l’ampleur de la participation qu’elle détient dans la société distributrice des dividendes établie dans un pays tiers, se prévaloir de la liberté de circulation des capitaux.
  • A contrario, une législation nationale qui ne concerne que les participations permettant d’exercer une influence certaine sur les décisions de la société établie dans le pays tiers et d’en déterminer les activités est hors du champ de la liberté de circulation des capitaux.

Se prononçant à la lumière des travaux préparatoires ayant présidé à l’instauration de l’article 209 B, le Conseil d’État considère que ce dispositif a vocation à s’appliquer aux seules participations permettant d’exercer une influence certaine sur les décisions de la filiale établie hors de France – notamment dans un pays tiers – et d’en déterminer les activités, quand bien même la société française n’en détiendrait pas la majorité du capital ou des droits de vote.

Il juge donc que le dispositif de l’article 209 B dans sa version antérieure à la LFR 2012 ne peut être attaqué sur le terrain de la liberté de circulation des capitaux. La même solution devrait en toute logique valoir pour le dispositif dans sa mouture post LFR 2012.

Il confirme également la non-application de la clause de sauvegarde au cas d’espèce.

La société tentait, par ailleurs, de faire valoir que le régime favorable dont avait bénéficié la plus-value de cession à l’Île Maurice n’était, en réalité, pas plus avantageux que celui auquel elle aurait été soumise en France dans l’hypothèse où la cession aurait été réalisée par la société française elle-même (plus-value à long terme avec une imposition de la seule QPFC de 5 % à l’époque).

Le Conseil d’État écarte l’argument, indiquant qu’au cas d’espèce, la durée de détention de 2 ans conditionnant le bénéfice du régime du long terme n’était, en tout état de cause, pas satisfaite (acquisition et revente des titres par la société mauricienne au cours de la même année).

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.