Le Parlement européen étend le devoir de vigilance aux PME

Le 1er juin 2023, le Parlement européen a adopté sa position sur la proposition de directive relative au devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et modifiant la directive (UE) 2019/1937. Fruit de nombreuses discussions, la position des parlementaires consacre leur volonté d’étendre les obligations de vigilance à certaines PME. Le texte de la proposition de directive n’est toutefois pas définitif et il doit encore être validé par le Conseil de l’Union.

L’élargissement du champ d’application du devoir de vigilance

La proposition de directive du 23 février 2022 portant sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité vise à instaurer une législation européenne harmonisée sur le devoir de vigilance afin d’améliorer le respect des droits de l’Homme par les entreprises et à renforcer la protection de l’environnement.

Le Parlement européen a suivi la rapporteure Lara Wolters (rapport du 8 mai 2023), et a notamment amendé la proposition de directive concernant le champ d’application du devoir de vigilance. Dans la version adoptée par le Parlement, qui n’est pas définitive car, pour cela, le conseil de l’UE doit l’approuver, les obligations de vigilance s’imposeraient aux entreprises européennes employant plus de 250 personnes en moyenne (contre 500 dans la proposition initiale) et générant plus de 40 000 000 euros de chiffre d’affaires (contre 150 000 000 dans la proposition initiale) (i) ou les entreprises qui sont la société mère ultime d’un groupe ayant employé 500 personnes et réalisé plus de 150 000 000 euros de chiffre d’affaires au niveau mondial au cours du dernier exercice financier (ii)[1].

L’inclusion des « grosses » PME et des mesures d’accompagnement

Le rabaissement des seuils ainsi voulu par le Parlement européen est animé de la volonté d’englober les PME. Sont considérées comme des PME, selon la définition européenne, les micro, petites ou moyennes entreprises, quelle que soit leur forme juridique, qui ne font pas partie d’un grand groupe[2].

Pour en savoir plus : Proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et modifiant la directive 2019/1937 

Alors que les PME sont exclues du champ d’application du devoir de vigilance dans la version initiale de la proposition de directive, la version amendée prévoit, au contraire, que le devoir de vigilance s’étend à certaines PME, celles que l’on dit communément être les « grosses » PME !

En outre, il est également prévu que si cela laisse la majorité des PME hors du champ d’application de la directive, elles pourront toujours se conformer volontairement au devoir de vigilance[3]. A cet effet, les Etats membres auront l’obligation de soutenir financièrement et administrativement les PME hors champ d’application du texte européen qui souhaiteront s’y conformer afin d’éviter qu’elles ne soient affectées de manière disproportionnée.

Cette volonté d’inclusion des PME est d’autant plus importante que l’on sait que cette catégorie représente 99% des entreprises de l’Union européenne [4].

Effets sur la législation française

 La France est pionnière en matière de devoir de vigilance, ayant été le premier état membre à l’instaurer avec la loi du 27 mars 2017 visant à prévenir les atteintes graves envers les droits humains, à la santé et la sécurité des personnes ainsi qu’à l’environnement.

Jusqu’alors cette attente de vigilance par les entreprises ne résultait que de recommandations non impératives, en particulier les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales adoptés en 1976 (et mis à jour en 2011), ou encore les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme de 2011.

La proposition de directive va plus loin que la loi française. En effet, la loi du 27 mars 2017 n’étend pas les obligations de vigilance aux PME et ne vise que les seules sociétés françaises employant plus de 5000 salariés en son sein et dans ses filiales (i) ou les sociétés françaises ou étrangères employant plus de 10 000 salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes (ii) (Code de commerce L225-102-4, I).

La loi française relative au devoir de vigilance impose ainsi les mesures de vigilance aux seules sociétés importantes. Dès lors, indépendamment des autres aspects tels que celui des sanctions, la directive obligera certainement à redéfinir le champ d’application du droit national.

Toutefois, et bien que le Parlement européen se félicite de ses amendements à la proposition de directive, il faudra attendre les discussions entre les 27 Etats membres avant de connaître sa version finale. Quoi qu’il en soit, l’extension du champ d’application du droit national est inévitable, non seulement parce que cette évolution est naturelle au regard de l’objectif poursuivi, mais encore parce que la version initiale de la directive était déjà plus étendue que la loi française.  

Il faut désormais attendre l’adoption de la nouvelle directive relative au devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité pour déterminer l’impact que cela aura techniquement sur le dispositif national de vigilance.


[1] Rapport sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et modifiant la directive 2019/1937, amendement 25

[2] Proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et modifiant la directive 2019/1937, Article 3

[3] Ibidem, amendement 26

[4] Petites et moyennes entreprises, fiche thématique sur l’Union européenne

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Muriel Féraud-Courtin

Muriel Féraud-Courtin, Avocat Associée, a acquis une expérience de plus de 25 ans en droit des affaires et travaille en étroite coopération avec les avocats du réseau international Deloitte Legal. […]

Sheila Aissaoui

Stagiaire en Droit Commercial.

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Arnaud Raynouard

Professeur des Universités à l’Université Paris-Dauphine, Arnaud Raynouard anime le Comité Scientifique Juridique du cabinet Deloitte Société d’Avocats. Agrégé en droit privé et sciences criminelles, et diplômé en gestion, Arnaud […]