La CJUE juge que le principe selon lequel un Etat membre ne saurait prendre en compte, lors de l’imposition des non-résidents, les revenus bruts sans déduction des frais professionnels y afférents, alors que les résidents sont imposés sur leurs revenus nets, après déduction de ces frais, est transposable aux institutions financières. Elle apporte, de surcroît, d’utiles précisions sur la nature des frais professionnels directement liés aux revenus d’un contrat de prêt financier.
Les intérêts de source portugaise perçus par des institutions financières non-résidentes font l’objet d’une retenue à la source à un taux libératoire de 20 % (ou à un taux moindre selon la convention fiscale applicable) sur leur montant brut. En revanche, lorsqu’ils sont versés à une institution financière portugaise, ces mêmes intérêts sont imposés sur leur valeur nette au taux de 25 %.
Pour la CJUE, ces modalités d’imposition différenciées sont contraires à la libre prestation des services. Elle juge en effet de longue date que la liberté des prestations de services s’oppose à une législation nationale qui prend en compte, lors de l’imposition des non-résidents, les revenus bruts sans déduction des frais professionnels, alors que les résidents sont imposés sur leurs revenus nets après déduction de ces frais (arrêt du 12 juin 2003, Gerritse, C-234/01, points 29 et 55, du 3 octobre 2006, FKP Scorpio Konzertproduktionen, C-290/04, point 42 et du 15 février 2007, Centro Equestre da Lezieia Grande, C-345/04, point 23). Elle précise, à cet égard, que cette jurisprudence est parfaitement transposable aux prestations de services effectuées par des institutions financières, le droit de l’Union européenne n’opérant aucune distinction entre les différentes catégories de prestations de services.
Aucune des justifications avancées par la République du Portugal n’est ici admise. En particulier, la Cour juge que l’argument selon lequel l’octroi aux institutions financières non-résidentes de la faculté de déduire les frais professionnels directement liés aux prestations effectuées sur le territoire de cet Etat membre occasionnerait une charge administrative pour les autorités fiscales portugaises vaut également, mutatis mutandis, pour les institutions financières résidentes. Surtout, elle considère que cette charge administrative supplémentaire n’existerait que dans un système qui prévoit que la déduction des frais professionnels doit être effectuée avant que la retenue à la source ne soit appliquée. Pour elle, cette charge administrative pourrait être évitée lorsque le prestataire est autorisé à faire valoir son droit à déduction directement auprès de l’administration fiscale, une fois l’impôt prélevé.
Enfin, la Cour se prononce sur la question probablement la plus importante, à savoir la manière dont il convient de déterminer les frais professionnels directement liés aux revenus d’intérêts tirés d’un contrat de prêt financier. Pour ce faire, elle opère une distinction entre deux types de dépenses.
D’abord, les frais professionnels à proprement parler, tels que des frais de voyage, d’hébergement, ainsi que de conseil juridique et fiscal, dont elle estime qu’il est relativement aisé d’établir tant le lien direct avec le prêt en question, que de prouver le montant effectif. Dès lors, elle considère que les institutions financières non-résidentes doivent nécessairement se voir octroyer le droit de déduire ce type de dépenses.
Plus délicate est la question des frais de financement. En effet, s’ils sont nécessaires à l’activité considérée, il peut s’avérer plus difficile d’en établir le lien direct avec un prêt financier déterminé ou le montant effectif. Pour la Cour, il en va de même de la fraction des frais généraux de l’institution financière susceptible d’être considérée comme nécessaire à l’octroi d’un prêt financier particulier. Pour autant, un Etat membre ne saurait, par principe, refuser la déduction de ce type de frais. Au contraire, il doit être laissé au non-résident la possibilité d’apporter les pièces justificatives pertinentes. S’agissant d’une question de fait, la Cour renvoie à la République du Portugal le soin de procéder à cette analyse.
Deux observations méritent d’être formulées. En premier lieu, la Cour a tout récemment refusé d’admettre l’existence d’un lien direct entre les coûts de financement exposés pour l’acquisition d’une participation et la perception de dividendes provenant de cette participation (17 septembre 2015, affaires C-10/14, C-14/14 et C-17/14, Miljoen, point 60). Elle n’a toutefois pas transposé cette approche aux coûts de financement d’un prêt, lorsqu’est en cause la perception d’intérêts, suivant en cela son Avocat général Juliane Kokott (point 35 de ses conclusions). Celle-ci s’est d’ailleurs référée à la jurisprudence rendue par la Cour en matière de TVA, qui voit une différence de nature entre les intérêts (revenus provenant d’une activité économique) et les dividendes (simple conséquence de la détention d’une participation).
En second lieu, on notera que la Cour indique que les institutions financières ne sauraient, pour le calcul des frais de financement encourus, se référer aux taux d’intérêts Euribor et Libor, qui ne constituent que des taux moyens pratiqués dans le cadre de financements interbancaires et ne correspondent pas aux coûts de financement effectivement supportés, à moins bien entendu que les juridictions nationales ne les y autorisent.