Limitation de déduction des intérêts servis aux entreprises liées : appréciation des liens de dépendance

La CAA de Nancy apporte des précisions sur les modalités d’appréciation des liens de dépendance au sens de l’article 39-12° du CGI, pour l’application du dispositif de limitation de la déduction des intérêts servis aux entreprises liées (CGI, art. 212, I, a).

Eléments de contexte

Une société peut déduire fiscalement les intérêts relatifs à des sommes mises à sa disposition par un de ses actionnaires dans la limite du taux fixé par le 3° du 1 de l’article 39 du CGI (correspondant à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises d’une durée initiale supérieure à 2 ans).

Il peut toutefois être substitué à ce taux limite, pour les avances qui lui sont consenties par une entreprise liée, directement ou indirectement au sens du 12 de l’article 39 du CGI, celui que l’entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d’établissements financiers indépendants dans des conditions analogues, s’il est supérieur (CGI, art. 212, I-a).

Rappelons à cet égard, qu’au cours de ces dernières années, le juge de l’impôt a assoupli sa position quant à la démonstration du taux de marché applicable (notamment, CE, 10 décembre 2020, n°428522, Sté WB Ambassador et CE, 11 décembre 2020, n°433723, Sté BSA).

Au sens de l’article 39-12° du CGI, des liens de dépendance sont réputés exister entre 2 entreprises :

  • En présence de liens bilatéraux (hypothèse visée par le a), c’est-à-dire lorsque l’une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l’autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision ;
  • En présence d’une situation triangulaire (hypothèse visée par le b), lorsque ces 2 entreprises sont placées sous le contrôle d’une même tierce entreprise.

L’histoire

Une société A a émis des obligations convertibles en actions (OCA), productives d’un intérêt fixe au taux de 5,4 %, au profit de l’un de ses associés, la société B, en contrepartie de l’apport des titres d’une société tierce.

Elle a déduit, au titre des années 2015 à 2017, le montant des intérêts afférents à ces OCA.

L’Administration, à l’issue d’une vérification de comptabilité, a partiellement remis en cause cette déduction, sur le fondement des dispositions de l’article 39,1,3° du CGI.

La société a alors demandé à ce que soit substitué à ce taux limite, le taux de marché découlant de l’application des dispositions de l’article 212, I, a.

La décision de la CAA de Nancy

On rappellera, à titre liminaire, que le Conseil d’Etat avait déjà jugé par le passé que le montant nominal d’OCA émises par une société qui correspond à la contre-valeur de titres d’une autre société apportés par ses associés constitue des sommes que ces derniers laissent ou mettent à la disposition de la société au sens des articles 39,1,3° et 212 du CGI (CE, 7 juin 2017, n°388133, Sté LMG Finances).

La Cour refuse ici d’admettre l’application du taux de marché prévu à l’article 212, I, a, au motif que les sociétés A et B n’étaient pas liées au sens de l’article 39-12° du CGI.

La requérante elle-même ne contestait pas le fait qu’elle ne rentrait pas dans les prévisions de cet article :

  • Absence de détention majoritaire de son capital social par la société B ;
  • Absence de contrôle des sociétés A et B par une même tierce entreprise.

Elle tentait, en revanche, de se prévaloir de liens de dépendance tenant à ce que la société B était son associé le plus important et qu’elle avait, de surcroît, vocation à devenir son actionnaire majoritaire en cas de conversion des OCA et en ce qu’elle était la présidente de son conseil de surveillance.

La CAA de Nancy s’en tient toutefois à une lecture stricte des dispositions de l’article 39-12° et rejette ces arguments.

Elle précise qu’en tout état de cause, il résulte du pacte d’associés que la société A était dirigée par un président qui disposait seul des pouvoirs de direction et d’administration, sous le contrôle d’un comité de surveillance conformément aux statuts, lesquels stipulaient que les décisions de ce comité de surveillance étaient prises à la majorité simple, excluant par là-même l’exercice d’un pouvoir de décision de la seule société B.

Aussi elle juge qu’alors même que le président du conseil de surveillance est un dirigeant social au sens du Code de commerce, la société B n’a pas exercé en fait le pouvoir de décision au sein de la société A au sens du 12 de l’article 39 du CGI.

Photo de Alice de Massiac
Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

Photo de Clara Maignan
Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.