Loi DDADUE 4 : la sécurité générale des produits mise à l’heure du numérique

La loi DDADUE 4, loi qui vise à transposer divers instruments juridiques de l’Union européenne en droit interne, adapte la règlementation sur la sécurité générale des produits sur l’ensemble du territoire communautaire. Focus sur un nouveau régime applicable dès le 13 décembre 2024.

Un régime antérieur obsolète face au numérique

La loi DDADUE 4 procède à des adaptations du droit national afin de le rendre conforme au nouveau régime européen introduit par le règlement UE 2023/988 du 10 mai 2023 relatif à la sécurité générale des produits (dit « RSGP »). Ce texte européen marque une étape décisive dans l’évolution de la législation sur la sécurité des produits de consommation au sein de l’Union européenne. En effet, ce règlement, visant à moderniser le cadre législatif préexistant, répond à l’obsolescence de la directive 2001/95/CE, qui, depuis son adoption en 2001, n’avait pas été révisée pour s’adapter aux avancées technologiques et aux nouvelles pratiques de consommation, notamment la vente à distance et le commerce électronique.

Cette réforme s’inscrit dans un mouvement général d’adaptation au numérique des régimes juridiques préexistants par le législateur européen. Ainsi en est-il, par exemple, de la directive UE 2019/770 du 20 mai 2019, relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques, qui a notamment introduit une nouvelle garantie légale de conformité pour les contrats portant sur des contenus et services numériques qui n’existait pas avant.

L’adoption du règlement 2023/988 était nécessaire afin de répondre aux nouveaux défis posés par des pratiques en constante évolution, soulevant des enjeux considérés comme essentiels au bon fonctionnement du marché intérieur. L’ambition affichée reste la même qu’en 2001, à savoir garantir un niveau élevé de protection de la santé et de la sécurité des consommateurs, tout en prenant désormais en compte les nouvelles technologies et produits innovants qui ne pouvaient être envisagés il y a plus de vingt ans.  En ce sens, elle renforce également les mécanismes de surveillance du marché, en améliorant la traçabilité des produits et en facilitant la coopération entre les autorités nationales.

Rappelons que le RSGP s’applique uniquement aux produits non-alimentaires et fournit un “filet de sécurité” pour les produits et les risques qui ne font pas l’objet d’une législation spécifique en droit communautaire. Il s’agit donc d’un régime de droit commun, subsidiaire, qui s’applique en l’absence de régime de sécurité spécifique.

L’adoption d’un règlement, et non d’une directive, n’est pas anodin ; cela témoigne d’une volonté ferme d’assurer une mise en œuvre unifiée au sein du marché unique européen, réduisant ainsi les disparités entre les États membres et assurant un niveau de protection uniforme : “ce choix permettra de réduire encore la charge réglementaire grâce à une application cohérente dans l’ensemble de l’Union des règles relatives à la sécurité des produits.

Ce qui change à partir du 13 décembre 2024

Le nouveau règlement, dans la lignée de l’ancien texte, vient préciser les obligations instaurées par le RSGP et renforce les sanctions applicables en cas de non-respect des mesures prévues.

Le texte étant d’application directe, les modifications à apporter au Code de la consommation sont peu nombreuses. Parmi ces dernières, la plus significative reste la nouvelle rédaction de l’article L.421-1 dans lequel les termes de “fournisseur” et “distributeur” ont été remplacés par la notion “d’opérateur économique”. Cela englobe désormais “le fabricant, le mandataire, l’importateur, le distributeur, le prestataire de services d’exécution des commandes ou toute autre personne physique ou morale soumise à des obligations liées à la fabrication de produits ou à leur mise à disposition sur le marché”. En outre, l’article L 421-2 modifié, fait désormais référence à l’obligation de sécurité générale des produits et non plus à « la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre », comme c’est aujourd’hui le cas à l’article L 421-3.

En dehors des changements textuels du Code de la consommation, la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, Consommation et de la Répression des Fraudes) promet, dans l’esprit du règlement, un certain nombre d’évolutions parmi lesquelles un contrôle plus systématique de l’application du principe de précaution par toutes les parties prenantes pour la sécurité des produits, et des exigences renforcées en matière de traçabilité des produits ou encore des précisions sur la mise en œuvre des rappels de sécurité des produits, en proposant à cet effet un modèle d’avis de rappel obligatoire, et de porter une attention soutenue aux droits de recours pour les consommateurs.

Des sanctions renforcées en cas de non-respect

Concernant le volet des sanctions, la loi DDADUE 4 crée un nouvel article L.452-5-1 du Code de la consommation instaurant un régime coercitif renforcé calqué sur celui applicable en cas de non-respect des procédures de retrait ou de rappel de produits alimentaires (article L.452-5). Désormais, un fabricant, un importateur ou un exploitant de place de marché en ligne qui ne respecterait pas les mesures prévues par le texte encourt une peine de cinq ans d’emprisonnement et 600 000 € d’amende, ce montant pouvant être porté de manière proportionnée aux avantages tirés du délit à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur la base des trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits.

En plus de ces sanctions “principales”, il existe des sanctions complémentaires. L’article L.452-6 prévoit en effet l’interdiction pour les fabricants et importateurs d’exercer l’activité professionnelle dans l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, et ce pendant une durée maximale de cinq ans.

De son côté, le distributeur pourra écoper d’une peine similaire à celle qui est prévue en matière de sécurité alimentaire, à savoir une contravention de 5e classe consistant en une amende de 1 500 € qui pourra être multipliée par le nombre de produits infractionnels.

En conclusion, la loi DDADUE 4 et le règlement UE 2023/988 ambitionnent d’apporter une réponse nécessaire et proactive aux défis contemporains de la sécurité des produits de consommation, assurant une meilleure protection pour les consommateurs tout en adaptant la législation aux réalités du marché moderne, dont l’efficacité dépendra de sa mise en œuvre par toutes les parties, distributeurs et autorités publiques

Le règlement est disponible ici : Publications Office (europa.eu)

 

 

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Muriel Féraud-Courtin

Muriel Féraud-Courtin, Avocat Associée, a acquis une expérience de plus de 25 ans en droit des affaires et travaille en étroite coopération avec les avocats du réseau international Deloitte Legal. […]

Nabila Chikhi

Nabila a rejoint Deloitte Société d’Avocats en 2022 et travaille en tant qu’avocate dans le département Droit commercial. Nabila intervient pour le compte d’une clientèle nationale et internationale sur des […]

Charles Louis-Victor

Charles est titulaire d’une maîtrise en droit de la concurrence et des contrats de l’Université Paris Saclay et d’un Master en droit et management international (DMI) d’HEC Paris (France).  Il […]