Dans un rapport publié le 26 octobre 2022 (188 pages), la mission d’information de la commission des finances du Sénat relative à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales tire un bilan positif de l’arsenal normatif mis en place par la France et propose 20 recommandations pour le consolider encore davantage.
La mission d’information de la commission des finances du Sénat, conduite par Claude Raynal (PS) et Jean-Paul Husson (LR), dresse un bilan positif des mesures introduites par la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude fiscale, et plus globalement, de l’arsenal normatif existant.
De fait, les travaux de la mission d’information ne concluent pas à la nécessité d’une « révolution fiscale », mais à la proposition d’ajustements et d’évolutions destinés à accroître la portée et l’efficacité des dispositifs mis en œuvre.
Dans ce cadre, la mission d’information a émis 20 recommandations s’articulant autour de 4 grands axes : le renforcement de l’efficacité de la réponse judiciaire à la fraude fiscale, l’amélioration de la lutte contre la fraude à la TVA, la sécurisation des dispositifs d’accès aux données et le déploiement de nouveaux outils pour lutter contre les montages abusifs au niveau international.
Elle recommande, au préalable, de produire et de publier, d’ici la présentation du PLF 2024, des estimations de la fraude fiscale. Les évaluations seraient confiées à l’Insee et à l’administration fiscale, puis actualisées chaque année. En outre, elle préconise de créer un indicateur de performances au sein de la « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » relatif à la part des contrôles programmés par recours au datamining ayant conduit, d’une part, à la mise en recouvrement de droits et pénalités, et, d’autre part, à des contentieux « à enjeux ».
Axe n°1 : Renforcer l’efficacité de la réponse judiciaire à la fraude fiscale par une fluidification des relations entre l’administration fiscale et les autorités judiciaires
- Clarifier les modalités de levée du secret professionnel entre les agents des finances publiques et le procureur de la République en prévoyant, sur autorisation du procureur de la République, que le secret puisse également être levé à l’encontre des assistants spécialisés agissant au titre de leur mission générale d’assistance du procureur de la République dans l’exercice de l’action publique.
- Réduire le nombre des membres de la commission des infractions fiscales de 28 à 16 (pour tirer les conséquences de la suppression du « verrou de Bercy »).
- Augmenter progressivement le nombre d’officiers fiscaux judiciaires.
- Etendre le champ de compétence des officiers fiscaux judiciaires aux escroqueries à la TVA.
Axe n°2 : Poursuivre et amplifier les efforts déployés pour mieux lutter contre la fraude à la TVA (au niveau national comme européen)
- Réviser le protocole de coopération entre la Douane et la DGFiP afin de favoriser l’automatisation des échanges de données.
- Permettre aux agents de la Douane d’accéder automatiquement aux informations relatives au pays de résidence fiscale des voyageurs lors de la procédure de détaxe sur la TVA.
- Etendre le champ d’application de la procédure de suspension du numéro de TVA intracommunautaire (aujourd’hui limitée aux entreprises défaillantes ou sans activité) à de nouveaux schémas de fraude à la TVA.
- Créer un délit douanier spécifique permettant aux agents des douanes de sanctionner directement la fraude à la TVA réalisée dans le cadre du dédouanement à l’importation.
- Etudier l’opportunité de généraliser le guichet unique à l’importation (guichet IOSS) pour permettre une collecte plus efficace de la TVA à l’importation.
- Apporter toutes les garanties juridiques nécessaires au droit de visite des agents des douanes en modifiant les dispositions de l’article 60 du code des douanes déclarées non conformes par le Conseil constitutionnel le 22 septembre dernier (nb : un amendement en ce sens a d’ores et déjà été retenu par le Gouvernement dans le cadre de l’adoption en 1re lecture de la 1re partie du PLF 2023).
Axe n°3 : Assortir les dispositifs d’accès aux données des garanties juridiques nécessaires pour assurer leur pleine efficacité
- Modifier l’article 154 de la LF 2020. Pour mémoire, cet article a instauré, à titre expérimental, la faculté pour les agents de l’administration fiscale et des douanes de collecter les données librement accessibles en ligne à des fins de recherche d’éventuelles infractions fiscales graves. La mission préconise de prolonger de 2 ans l’expérimentation (jusqu’en 2026 vs 2024) et, surtout, d’étendre cette collecte aux données certes publiquement accessibles, mais nécessitant de disposer d’un compte ou d’un mot de passe.
- Modifier l’article 65 quinquies du Code des douanes afin de prévoir que la mise en œuvre par les agents de la douane de leur droit de communication des données de connexion fasse l’objet d’une autorisation préalable du contrôleur des demandes de données de connexion.
Axe n°4 : Renforcer les outils de lutte contre les montages fiscaux abusifs
- Envisager, au niveau international, une réflexion sur la création d’un dispositif de « name and shame» envers les pays ne jouant pas le jeu de la coopération en matière d’échange de renseignements (en complément de la liste noire européenne et de la liste française des ETNC).
- Accroître la vigilance des greffiers des tribunaux de commerce s’agissant de l’application des sanctions en cas de défaut de renseignement du registre des bénéficiaires effectifs.
- Elaborer un outil permettant de croiser les données relatives au registre des bénéficiaires effectifs avec d’autres données, notamment celles du cadastre (au niveau national et européen).
- Mener une évaluation approfondie de l’efficacité des obligations de transparence à l’égard des intermédiaires financiers introduites par la directive « DAC 6 », et sous réserve des résultats de cette évaluation, réfléchir à l’introduction d’un nouveau critère d’inscription sur la « liste noire » de l’Union européenne portant sur l’existence ou non de règles de transparence applicables aux intermédiaires financiers.
- Rappeler au Gouvernement la nécessité de réviser les conventions fiscales internationales prévoyant un taux de retenue à la source nul sur les dividendes.