La loi de finances pour 2024, publiée au Bulletin Officiel le 25 décembre 2023 entame la réforme de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) qui doit se dérouler progressivement sur 3 ans. Elle instaure également quelques mesures nouvelles notamment en matière d’impôt sur les sociétés.
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En matière de fiscalité indirecte
Elargissement du champ d’application de la TVA
L’article 88-2 du Code Général des Impôts (CGI) prévoyait qu’une opération était réputée réalisée et imposable à la TVA au Maroc :
- s’il s’agit d’une vente, lorsque celle-ci est réalisée aux conditions de livraison de la marchandise au Maroc ;
- s’il s’agit de toute autre opération, lorsque la prestation fournie, le service rendu, le droit cédé ou l’objet loué sont exploités ou utilisés au Maroc.
La loi de finances étend le champ d’application de la TVA aux prestations de services fournies à distance de manière dématérialisée par une personne non-résidente n’ayant pas d’établissement au Maroc à un client ayant son siège, son établissement ou son domicile fiscal au Maroc, même à titre occasionnel, et ce, même si le client se trouve à l’étranger ou si le service est consommé de façon dématérialisée par le client à l’étranger.
Le service fourni à distance de manière dématérialisée est défini comme étant « toute prestation rendue à travers un outil de communication à distance, y compris les biens incorporels et les autres biens immatériels » (Note circulaire n°735 relative aux mesures fiscales de la loi de finances n°55-23 pour l’année budgétaire 2024).
Sont notamment considérés comme des services fournis à distance : les formations à distance, la fourniture de logiciel ou encore la fourniture de contenus numériques.
Cet élargissement du champ d’application entraine de nouvelles obligations pour les personnes non-résidentes qui fournissent des prestations de services dématérialisées à des clients non-assujettis résidant, même à titre occasionnel, au Maroc (article 115 bis du CGI). En effet, et à défaut d’accréditation d’un représentant fiscal, ces fournisseurs non-résidents de services dématérialisés devront respecter les obligations suivantes :
- s’enregistrer sur une plateforme électronique dédiée pour obtenir un identifiant fiscal
- déposer sur cette plateforme, et avant l’expiration de chaque mois, une déclaration du chiffre d’affaires réalisé au Maroc au titre des prestations fournies au cours du mois précédent et verser, en même temps, la TVA correspondante sans droit à déduction
- tenir un registre des prestations fournies et le mettre à disposition de l’administration fiscale marocaine à sa demande et par voie électronique. Ce registre est à conserver pendant 10 ans
Locations de locaux non équipés à usage professionnel
La loi de finances pour 2017 avait limité l’assujettissement à la TVA aux opérations de location portant sur des locaux meublés et équipés pour un usage professionnel, ainsi que sur des locaux se trouvant dans les complexes commerciaux, y compris les éléments incorporels du fonds de commerce. La loi de finances pour 2018 avait accordé aux bailleurs de locaux à usage professionnel non équipés le droit d’opter pour l’assujettissement à la TVA.
La loi de finances pour 2024 vient préciser que les opérations de location de locaux à usage professionnel non équipés sont obligatoirement soumises à la TVA lorsque les locaux ont été acquis ou construits avec le bénéfice du droit à déduction ou de l’exonération de TVA.
Institution d’un nouveau régime de retenue à la source (RAS) en matière de TVA
Afin de lutter contre la fraude à la TVA via de fausses factures et d’améliorer la transparence fiscale, deux nouvelles RAS ont été introduites :
Une RAS au taux de 100 % sur les opérations effectuées par les fournisseurs de biens d’équipement et de travaux assujettis à la TVA
Cette retenue doit être effectuée par le client assujetti lorsque l’opération est réalisée par un fournisseur de biens d’équipement et de travaux assujettis qui ne présente pas au client une attestation, datant de moins de 6 mois, justifiant de sa régularité fiscale au titre des obligations relatives aux impôts.
Cette obligation ne s’applique pas lorsque le client réalise uniquement des opérations situées hors champ de la TVA ou exonérées sans droit à déduction.
Une RAS de 75 % sur les opérations effectuées par les prestataires de services assujettis à la TVA
Cette RAS de 75 % doit automatiquement être prélevée par :
- l’État, les collectivités territoriales et les établissements et entreprises publics et leurs filiales ainsi que les autres organismes publics qui versent les rémunérations des prestations de services aux personnes assujetties
- les personnes morales de droit privé assujetties et les personnes physiques assujetties, dont les revenus sont déterminés selon le régime du résultat net réel ou celui du résultat net simplifié, qui versent les rémunérations des prestations de services aux personnes physiques assujetties ayant présenté une attestation datant de moins de 6 mois, justifiant de leur régularité au regard de leur obligations fiscales
Note : dans l’hypothèse où lesdites personnes ne présenteraient pas cette attestation, la RAS sera de 100 %.
Procédure et exceptions
Ces deux nouvelles RAS devront être reversées au receveur de l’administration fiscale dans le mois qui suit celui au cours duquel est intervenu le paiement des opérations. Le client devra utiliser le bordereau-avis spécialement établi par l’administration fiscale à cet effet.
Certaines opérations sont exclues de ce régime de RAS. Il s’agit notamment de la vente portant sur l’énergie électrique, des prestations d’assainissement, de télécommunication, de courtier en assurances et des prestations de services dont le prix est inférieur ou égal à 5 kDH TTC dans la limite de 50 kDH TTC par mois et par fournisseur.
Institution du régime particulier d’autoliquidation de la TVA
Dans l’objectif de consacrer la neutralité fiscale de la TVA pour les assujettis qui achètent auprès de fournisseurs qui sont exonérés de TVA sans droit à déduction ou situés hors champ, un nouveau régime optionnel d’autoliquidation de la TVA a été mis en place par la loi de finances pour 2024. Ce régime s’appliquera aux opérations réalisées à compter du 1er juillet 2024.
Ce nouveau régime permettra aux assujettis de déclarer et d’acquitter la TVA sur les biens et services acquis auprès de fournisseurs hors champ ou exonérés de TVA sans droit à déduction (les opérations d’achat de terrains et produits agricoles étant exclus).
Les assujettis devront déclarer le montant hors taxe de l’opération sur leur propre déclaration mensuelle, ou trimestrielle, calculer la TVA exigible et procéder à la déduction de cette TVA déclarée en TVA exigible.
En cas de crédit de TVA, les assujettis devront reverser la TVA due au titre de l’opération réalisée par le fournisseur situé hors champ d’application de la TVA ou exonéré sans droit à déduction.
Institution du principe de solidarité en cas d’infraction aux obligations de déclaration et de paiement en matière de TVA
Afin de lutter plus efficacement contre la fraude en matière de TVA, la loi de finances introduit désormais un principe de solidarité selon lequel toute personne responsable de la gestion financière ou administrative de l’entreprise, ainsi que toute personne qui bénéficie du montant de TVA non reversé, est solidairement redevable de cette taxe et des pénalités et majorations y afférentes.
Il s’agit notamment de toute personne qui utilise les moyens visés à l’article 192 du CGI dans le but d’éluder le paiement de la TVA, ou d’obtenir des déductions ou remboursements de TVA indus, ou de le permettre à autrui, tels que :
- la délivrance ou production de factures fictives
- la production d’écritures comptables fausses ou fictives
- la vente sans facture de manière répétitive
- la soustraction ou la destruction de pièces comptables légalement exigibles
Révision de la sanction applicable en cas de dépôt hors délai d’une déclaration créditrice
Avant la loi de finances pour 2024, le dépôt tardif d’une déclaration de chiffre d’affaires, à laquelle était associée un crédit de TVA, était sanctionné par une réduction de 15 % de ce crédit de TVA.
La loi de finances prévoit désormais une amende de 15 % du montant de la TVA de la période ou du crédit de TVA de cette période, avec un minimum de 500 DH.
Cette sanction est applicable aux déclarations de chiffre d’affaires souscrites à compter du 1er janvier 2024.
Douane
Les procédures de dédouanement sont désormais dématérialisées.
En matière d’impôt sur les sociétés
Clarification du taux d’IS à appliquer lorsque le bénéfice net atteint ou dépasse 100 mDH en raison des produits non courants
Avant la loi de finances pour 2024, les sociétés imposées au taux de 35 % au titre d’un exercice, qui réalisent un bénéfice net inférieur à 100 mDH durant 3 exercices consécutifs, peuvent bénéficier du taux d’impôt sur les sociétés de 20 % au titre du 4e exercice dont les bénéfices sont inférieurs à 100 mDH. Ce taux de 20 % s’applique tant que le bénéfice demeure inférieur à ce seuil.
La loi de finances prévoit désormais une dérogation à l’application des taux de 35 % et 20 %. En effet, lorsqu’une société réalise au titre d’un exercice un bénéfice net égal ou supérieur à 100 mDH en raison de produits non courants de cession d’immobilisations, le taux de 35 % s’applique uniquement sur cet exercice. Le taux de 20 % reste applicable aux exercices postérieurs dès lors que le bénéfice net réalisé n’a pas franchi le seuil 100 mDH.
Cette règle est applicable depuis le 1er janvier 2024.