Modalités de mise en œuvre du prélèvement de l’article 244 bis A en présence d’une personne morale étrangère

Le TA de Nice rappelle les modalités d’application du prélèvement de l’article 244 bis A du CGI en présence d’une personne morale de droit étranger.

L’histoire

Une société de droit italien, créée sous la forme d’une « société simple », a cédé, en 2015, un bien immobilier situé en France, réalisant à cette occasion une plus-value de 340 k€.

Elle s’est alors spontanément acquittée du prélèvement prévu à l’article 244 bis A, III du CGI (applicable aux PV immobilières réalisées par des personnes non-résidentes assujetties à l’IS), avant de former une réclamation, contestant son assujettissement à l’IS.

Pour mémoire, le juge de l’impôt a dégagé une grille d’analyse applicable aux personnes morales étrangères propriétaires d’immeubles en France, par application des dispositions de l’article 206 du CGI.

Il examine, en premier lieu, si les caractéristiques de cette personne morale permettent de l’assimiler à une société française de capitaux, qui serait passible de l’IS à raison de sa seule forme. Si tel n’est pas le cas, alors l’assujettissement à l’IS n’est possible que si la société étrangère se livre à une exploitation lucrative (notamment, CE, 24 mai 2006, n°278737, Sté Immobilière Saint-Charles, CE, 27 janvier 2013, n°354994, Ets Poudix).

La société estimait qu’elle n’entrait pas dans les prévisions de l’article 206 du CGI, considérant qu’elle devait être assimilée à une société de personnes ne se livrant pas à une activité lucrative, et devait donc être assujettie au régime d’imposition des PV des particuliers par application du II de l’article 244 bis A.

La demande de la société n’était pas neutre, l’assujettissement à l’IR emportant notamment l’application d’abattements pour durée de détention (non disponibles en cas d’application du III de l’article 244 bis A pour les sociétés à l’IS).

La décision du TA de Nice

Reprenant le considérant de principe dégagé par le Conseil d’Etat dans son arrêt Artémis (CE, 24 novembre 2014, n°363556, Sté Artémis, assimilation d’un « general partnership » constitué au Delaware à une société de personnes), le TA de Nice rappelle que, saisi d’un litige portant sur le traitement fiscal d’une opération impliquant une société de droit étranger, le juge de l’impôt doit identifier au regard de l’ensemble des caractéristiques de cette société et du droit qui en régit la constitution et le fonctionnement, le type de société de droit français auquel la société de droit étranger est assimilable, afin de déterminer le régime applicable à l’opération par la loi fiscale française.

Il se livre ensuite à cet exercice d’assimilation et relève que les sociétés simples de droit italien constituent des sociétés de personnes en ce que, notamment, leurs associés sont personnellement et solidairement responsables de leurs dettes.

Aussi, ces sociétés ne sont-elles pas assimilables à des types de sociétés de droit français passibles de l’IS à raison de leur forme sociale.

Le TA passe ensuite à l’examen de la lucrativité de l’activité de la société italienne.

Il juge d’abord que s’il résulte de ses statuts qu’elle a notamment pour objet social l’acquisition et la gestion de biens immobiliers, cette circonstance ne permet pas, à elle seule, de regarder la société comme se livrant à une activité lucrative.

Le TA relève que, par ailleurs, la société italienne n’a comptabilisé aucun revenu locatif au cours des années 1998 à 2015 à raison du bien immobilier cédé en 2015, lequel avait été mis à la disposition gratuite de ses associés.

En conséquence, il écarte la caractérisation d’une activité lucrative et confirme la non-application du prélèvement selon les modalités prévues au III de l’article 244 bis A du CGI, applicable aux sociétés à l’IS. Il importe peu, à cet égard, que l’imposition litigieuse ait été établie conformément à la déclaration de la société requérante.

  • TA Nice, 3 juillet 2024, n°2104409
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Alice de Massiac

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.