Modalités d’imposition des gérants majoritaires de SELARL et des gérants de SELCA : annulation partielle des commentaires au BOFiP

Saisi d’un recours pour excès de pouvoir par le Conseil national des barreaux, le Conseil d’État annule certaines précisions administratives publiées au BOFiP, relatives aux modalités d’imposition des gérants majoritaires de SELARL et des gérants de SELCA.

Eléments de contexte

Dans ses commentaires au BOFiP, l’Administration prévoit qu’à compter de l’imposition des revenus 2024, les rémunérations perçues par les associés de sociétés d’exercice libéral (SEL) sont imposables, par principe, dans la catégorie des BNC, sauf à ce qu’il soit démontré que l’activité libérale est exercée dans des conditions traduisant l’existence, à l’égard de la société, d’un lien de subordination caractérisant une activité salariée. Dans ce cas, ces rémunérations relèvent alors, par exception, de la catégorie des traitements et salaires (BOI-RSA-GER-10-30, § 520, 27 décembre 2023). Avant cette mise à jour, l’Administration considérait que ces rémunérations relevaient pleinement des traitements et salaires (position remise en cause par le Conseil d’État, notamment, CE, 8 décembre 2017, n°409429).

L’Administration a, de plus, apporté des précisions spécifiques s’agissant des gérants majoritaires de SELARL ainsi que des gérants de SELCA, dans la mesure où il peut être difficile de distinguer les rémunérations qu’ils perçoivent en tant que gérants, de celles perçues au titre de l’activité libérale.

Ainsi, elle a indiqué, à cet égard, que sont :

  • Rattachées à la catégorie TS : les rémunérations perçues au titre de la fonction de gérant, c’est-à-dire celles allouées à raison des tâches qui ne sont pas réalisées dans le cadre de l’activité libérale (par exemple, convocation d’assemblée, représentation de la société dans les rapports avec les associés et à l’égard des tiers, décision de déplacement du siège social de la société, etc.) ;
  • Rattachées à la catégorie BNC : les tâches de nature administrative qui sont inhérentes à la pratique de l’activité libérale – telles que la facturation du client ou du patient, l’encaissement, les prises de rendez-vous, les approvisionnements de fournitures, la gestion des équipes ou encore la rédaction de documents tels que des ordonnances de prescription.

Lorsque les rémunérations qui sont allouées à raison de l’exercice d’une activité libérale ne peuvent pas être distinguées de celles perçues au titre des fonctions des gérants, alors elles sont imposées dans les conditions prévues à l’article 62 du CGI – c’est-à-dire selon les règles des traitements et salaires (BOI-RSA-GER-10-30, § 523 et 540, 27 décembre 2023).

A titre de règle pratique, l’Administration a admis qu’une part de 5 % de la rémunération d’ensemble perçue par les gérants majoritaires de SELARL et les gérants de SELCA au titre de leurs activités libérales et de gérance, correspond aux revenus afférents à leurs fonctions de gérant, imposables dans les conditions de l’article 62 du CGI (c’est-à-dire selon les règles des traitements et salaires), qu’il soit possible de les distinguer ou non de la rémunération technique (BOI précité, § 550).

La décision du Conseil d’État

Le Conseil d’État vient d’annuler, dans le cadre d’un REP introduit par le Conseil national des barreaux (CNB), une partie de ces commentaires administratifs.

Il juge, en 1er lieu, que l’énumération par la doctrine administrative de certaines tâches qui seraient « de manière générale et en toutes circonstances » inhérentes à la pratique de l’activité libérale (la facturation du client ou du patient, l’encaissement, les prises de rendez-vous, les approvisionnements de fournitures, la gestion des équipes) est illégale. Il annule en conséquence et dans cette mesure seulement le § 530 du BOFiP attaqué.

Ensuite, le Conseil d’État juge que le § 550 – prévoyant à titre de règle pratique, qu’une part de 5 % de la rémunération d’ensemble perçue par les gérants majoritaires de SELARL et les gérants de SELCA au titre de leurs activités libérales et de gérance correspond aux revenus afférents à leurs fonctions de gérant, imposables dans les conditions de l’article 62 du CGI (c’est-à-dire selon les règles des traitements et salaires), qu’il soit possible de les distinguer ou non de la rémunération technique – ajoute à la loi. Il prononce donc son annulation.   

Notons que le REP formé par le CNB visait un certain nombre d’autres précisions administratives relatives au nouveau cadre fiscal des revenus des associés de SEL, dont le Conseil d’État a refusé de prononcer l’annulation. Il a également refusé la transmission d’une QPC au Conseil constitutionnel.

Les contribuables qui y auraient intérêt, devraient toujours pouvoir invoquer la doctrine administrative ici annulée au titre de l’imposition des revenus 2024, dès lors qu’elle était encore en vigueur au 31 décembre 2024, et qu’en matière d’IR, le fait générateur de l’imposition est le 31 décembre de l’année considérée.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.