Notion de décision juridictionnelle de nature à rouvrir le délai de réclamation (avant le 1er janvier 2013)

Une décision du Conseil d’Etat annulant une doctrine administrative n’ajoutant pas à la loi, mais se bornant à en réitérer les termes, est une décision juridictionnelle révélant la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure, auparavant susceptible d’ouvrir un nouveau délai de réclamation (LPF, art. R. 196-1-c, dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2013).

Pour mémoire, jusqu’au 1er janvier 2013, une décision juridictionnelle révélant la non-conformité d’une règle de droit à une norme supérieure, constituait un évènement de nature à ouvrir, au bénéfice des contribuables, un nouveau délai de réclamation (alors même que la prescription de droit commun était acquise et que l’imposition était devenue définitive).

La notion de décision juridictionnelle révélant la non-conformité d’une règle de droit à une norme supérieure a donné lieu à une abondante jurisprudence. Ainsi, il a été jugé à plusieurs reprises qu’une décision du Conseil d’Etat statuant au contentieux, qui révèle l’illégalité d’une instruction fiscale, ne révèle pas la non-conformité d’une règle de droit à une norme supérieure, dès lors que l’imposition ne saurait être fondée sur l’interprétation de la loi fiscale que l’Administration exprime dans ses instructions (CE, 29 avril 2015, n° 368808 et 20 octobre 2014, n° 371904).

Cette solution se comprend fort bien, dès lors que le juge considère que, du fait de son absence de caractère normatif, la publication d’une instruction fiscale, même si elle donne une interprétation différente de celle en vigueur au moment du fait générateur, ne constitue pas un évènement de nature de nature à ouvrir ce délai spécial de réclamation (CE, 30 décembre 2013, n° 350100, Société Rallye).

En l’espèce, des fonds de pension américain se prévalaient de la décision Société Stichting Unilever Pensioenfonds Progress pour revendiquer le bénéfice du délai spécial de réclamation.

Pour mémoire, dans cette affaire, des fonds de pension néerlandais avaient saisi le Conseil d’Etat d’un recours pour excès de pouvoir portant sur deux instructions fiscales relatives aux conséquences de la suppression de l’avoir fiscal, et les soumettant, par suite, à la retenue à la source prévue à l’article 119 bis du CGI, sans neutraliser cette imposition (Conseil d’Etat, 13 février 2009, n° 298108, Société Stichting Unilever Pensioenfonds Progress). Le Conseil d’Etat avait fait droit à leur demande et jugé que ladite retenue à la source était contraire à la liberté de circulation des capitaux.

Pour le Conseil d’Etat, la décision précitée constitue bel et bien une décision juridictionnelle révélant la non-conformité de la loi française au droit de l’Union européenne. Ce qui est censuré par le juge, c’est l’absence d’une position administrative venant pallier les lacunes de la norme interne, de sorte que cette décision vient directement révéler la non-conformité de la loi fiscale à une norme supérieure.

L’avis du praticien – Hélène Alston

Cette décision, positive pour le contribuable, mettra sans doute un terme à la pratique de l’Administration consistant à refuser le remboursement sur une période allongée des fonds de pension ayant réclamé à la suite de l’arrêt Stichting Unilever. Espérons que l’Administration prenne cette décision en compte rapidement dans le traitement de ces dossiers encore en cours.

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Hélène Alston

Hélène est avocat spécialiste de la fiscalité financière et plus particulièrement dans le domaine de la gestion d’actifs. Elle conseille des sociétés de gestion, dépositaires et investisseurs institutionnels français et […]