La crise du covid-19 poursuit sa contamination du paysage économique. Après avoir renforcé significativement le contrôle des investissements étrangers par un décret du 31 décembre 2019, qui élargissait déjà le périmètre des secteurs d’activités sensibles, le Ministère de l’Economie et des Finances l’a étendu aux biotechnologies, par un arrêté du 27 avril dernier.
Une protection venant répondre à la crise actuelle
Pour faire face à la crise sanitaire, les biotechnologies bénéficieront, tout comme les autres domaines listés dans le décret du 31 décembre 2019, d’un nouveau régime protecteur à compter du 1er juillet 2020.
Une telle protection se justifie parce que l’aubaine des investissements étrangers pour les entreprises nationales en situation financière critique entraîne une forte vulnérabilité et une perte de contrôle. L’opération qui semble bénéfique se révèle alors tout sauf stratégique lorsque certains secteurs sensibles sont en jeu (aérospatial, cyber-sécurité, intelligence artificielle, presse écrite, sécurité alimentaire, etc.).
Le contrôle des investissements étrangers en France (IEF) se traduit par la nécessité pour un investisseur étranger, visant une activité sensible, d’obtenir une autorisation afin de réaliser valablement ledit investissement.
- Sur les modalités approfondies de ce contrôle, voir notre article précédent.
Une extension aux biotechnologies… mais laconique et « lointaine »
Inclure les biotechnologies parmi les « technologies dites critiques faisant l’objet d’un contrôle spécifique » suscite néanmoins certaines interrogations.
Laconique, l’arrêté du 27 avril 2020, à l’origine de cette extension, l’est, venant seulement préciser que : « l’article 6 de l’arrêté susvisé est complété par un 8° ainsi rédigé : « 8° Les biotechnologies. » » (art. 1).
Pour cerner l’activité sensible qui est ici visée il faut s’interroger sur le lien qui unit les biotechnologies et le décret du 31 décembre 2019, protégeant les activités « essentielles à la protection de la santé publique ».
Le Ministère de l’Economie lui-même souligne que « l’enjeu de protection de la santé est parfois plus lointain et plus prospectif », s’agissant des biotechnologies, mais il vient justifier le rapprochement en précisant que cette extension permettra à la liste des technologies critiques et protégées de « donner de meilleures marges d’appréciation à l’Etat pour examiner les opérations dans ce secteur ».
De manière plus pragmatique, l’intérêt dont fait l’objet les biotechnologies peut se justifier par le fait qu’Euronext Paris représente la première place boursière européenne en matière de biotechs, et que la France est une place forte en matière de recherche, de propriété industrielle et de biosécurité.
Quid des domaines concernés par ces biotechnologies ?
Le texte n’apportant pas, volontairement, de réponse précise, on peut se référer à la Convention sur la diversité biologique de 1992, qui renvoie à « toute application technologique qui utilise des systèmes biologiques, des organismes vivants, ou des dérivés de ceux-ci, pour réaliser ou modifier des produits ou des procédés à usage spécifique » (art. 2).
La Commission européenne a également dressé sa propre classification, en les incluant dans de larges domaines d’application comme la santé, la médecine, la pharmacie, l’environnement, l’agriculture ou l’industrie.
Le Haut Conseil des Biotechnologies (HCB), quant à lui, différencie les technologies traditionnelles (comme l’utilisation des micro-organismes dans la production de produits pharmaceutiques ou alimentaires) et les technologies faisant appel au génie génétique, cette dernière étant seule « considérée dans le cadre du HCB ».
Reste ainsi à savoir si l’ensemble des biotechnologies sont ou non concernées.
Un contrôle général temporaire renforcé prochainement
Par ailleurs, un autre texte, actuellement en discussion au Conseil d’Etat et « devant être appliqué au 2nd semestre 2020 », vient renforcer le régime de contrôle en prévoyant un abaissement du seuil de participation soumis à autorisation à 10% jusqu’à la fin de l’année.
Ce nouveau seuil, dérogeant à celui du décret, qui est de 25%, viendrait s’appliquer, selon le Ministère de l’Economie, pour les sociétés cotées « qui ont un actionnariat parfois dispersé et pour lesquelles une prise de participation, même minoritaire, peut être déstabilisatrice lorsqu’elle est inamicale ».
Cette mesure ne devrait toutefois pas s’appliquer aux investisseurs provenant de l’Union européenne et devrait prendre fin au 31 décembre 2020, sous réserve toutefois de la possibilité de vérifier le contrôle de l’investisseur européen par une entité étrangère ou ses liens avec une autorité publique étrangère.