Opposabilité d’une notice explicative sur le fondement de l’article L. 80 A du LPF

Le Conseil d’Etat juge qu’un formulaire de déclaration ou une notice explicative peuvent, dans certaines circonstances, être regardés comme des documents susceptibles de comporter une interprétation formelle de la loi fiscale, opposables à l’Administration sur le fondement des dispositions de l’article L. 80 A du LPF.

Rappel

Les dispositions de l’article L. 80 A du LPF protègent les contribuables contre les changements d’interprétation des règles fiscales formellement admises par l’Administration.

Elles leur permettent, d’une part, de s’opposer au rehaussement d’une imposition conforme à l’interprétation formellement admise par l’Administration en vigueur à la date de mise en recouvrement (1er alinéa) et, d’autre part, à l’établissement d’une imposition primitive ou rectificative, contraire à l’interprétation publiée par l’Administration et appliquée par le contribuable (3e alinéa).

A cet égard, le Conseil d’Etat a déjà jugé à plusieurs reprises que ni les notices explicatives accompagnant la déclaration des revenus, ni les imprimés et formulaires de déclaration ne font partie des instructions ou circulaires publiées contenant une interprétation formelle des textes fiscaux dont les contribuables peuvent se prévaloir sur le fondement de l’article L. 80 A du LPF (notamment CE, 3 juin 1983, n°31695 et CE, 12 janvier 1987, n°406806).

L’histoire

En 2010, des contribuables ont perçu des dividendes de source togolaise. Pour calculer le crédit d’impôt imputable sur l’impôt français dont ils étaient redevables, ils ont utilisé la formule de calcul figurant sur la notice établie par l’Administration à laquelle renvoyait l’imprimé déclaratif et ont appliqué un taux de 37,5 % (crédit d’impôt dit « décote africaine »).

L’Administration a remis en cause ce taux de 37,5 %, estimant qu’il n’était plus applicable depuis une modification de la doctrine administrative intervenue à compter des revenus perçus en 1996, et lui a substitué le taux de 25 % prévu par la convention fiscale franco-togolaise.

Les contribuables ont alors tenté de se prévaloir de la teneur de la notice explicative et de son opposabilité sur le fondement de l’article L. 80 A du LPF.

La décision du Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat indique d’abord que la remise en cause par l’Administration d’un crédit d’impôt qui a été imputé sur l’imposition primitive d’un contribuable constitue un rehaussement au sens et pour l’application des dispositions de l’article L. 80 A du LPF.

Surtout, il juge que, si, en principe, un formulaire de déclaration ou une notice explicative ne sont pas au nombre des instructions ou circulaires que publie l’administration fiscale pour faire connaître son interprétation des textes fiscaux, il en va différemment lorsque ces documents, mis à la disposition des contribuables sur son site internet ou à sa demande, comportent une interprétation formelle de la loi fiscale.

Au cas d’espèce, le Conseil d’Etat relève que :

  • La documentation officielle ne comportait aucune mention explicite du retrait, à compter de 1996, des dividendes de source togolaise du champ du crédit d’impôt dit « décote africaine» mais se bornait à ne plus mentionner le Togo dans la liste des pays concernés ;
  • Le formulaire déclaratif mentionnait bien, pour la déclaration des revenus 2010, sans réserve ou précision particulière, le Togo au nombre des pays concernés par cette mesure de faveur et se bornait à renvoyer à la disposition n°12 relative à la formule de calcul du taux de sa notice explicative ;
  • Cette notice explicative, en dépit de sa formule préliminaire selon laquelle elle ne se substituait pas à la documentation officielle de l’Administration, indiquait immédiatement ensuite que le contribuable y trouverait « toutes les explications nécessaires ».

Il en conclut donc que l’imprimé déclaratif et sa notice explicative devaient, au cas d’espèce, être regardés comme comportant une interprétation formelle de la loi fiscale, dont les contribuables pouvaient se prévaloir sur le fondement de l’article L. 80 A du LPF.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.