Le Conseil d’État rappelle que seul le 1er président de la Cour d’appel a compétence pour se prononcer sur la régularité des opérations de visite et de saisie diligentées sur le fondement de l’article L. 16 B du LPF. Il juge que relèvent notamment de ce contrôle les atteintes qui pourraient être portées, à l’occasion de celles-ci, au secret professionnel de l’avocat.
Rappel
Dans le cadre de la procédure de perquisition fiscale prévue à l’article L. 16 B du LPF, les agents des finances publiques disposent d’un droit de visite et de saisie pour la recherche des infractions en matière d’impôts directs et de taxes sur le chiffre d’affaires.
Cette procédure est strictement encadrée, et s’effectue sous l’autorité et le contrôle du juge des libertés et de la détention (JLD). C’est lui qui autorise, par ordonnance, chaque visite, et qui nomme un officier de police judiciaire chargé d’assister aux opérations de visite et de saisie, et de le tenir informé de leur déroulement.
2 voies de recours sont alors ouvertes au contribuable :
- L’ordonnance d’autorisation de la visite elle-même peut faire l’objet d’un appel devant le 1er président de la Cour d’appel, dans un délai de 15 jours à compter de la notification ou de la signification de l’ordonnance ;
- Le déroulement des opérations de visite et de saisie peut également faire l’objet d’un recours devant ce même magistrat, dans un délai de 15 jours à compter de la remise ou de la réception du PV.
L’histoire
L’Administration a remis en cause, à l’issue de la vérification de comptabilité d’une société luxembourgeoise portant sur les exercices 2008 et 2009, sur le terrain de l’abus de droit, l’interposition de sociétés danoises lui ayant permis d’acquérir et de revendre à brève échéance des immeubles situés en France, en bénéficiant de l’exonération des plus-values de cession alors prévue par la convention franco-danoise.
Devant les juges du fond, la société luxembourgeoise contestait le redressement en faisant valoir notamment que l’Administration s’était appuyée, pour fonder son redressement, sur des correspondances couvertes par le secret professionnel de l’avocat et saisies dans le cadre d’une perquisition fiscale diligentée sur le fondement de l’article L. 16 B du LPF, antérieure à ces opérations de contrôle.
Si la CAA de Paris a, in fine, confirmé le redressement, elle a néanmoins pris le soin de procéder à l’analyse du bien-fondé de cet argument, avant de conclure que l’atteinte portée au secret professionnel alléguée par la société n’était pas caractérisée en l’espèce (CAA Paris, 21 septembre 2022, n°21PA05174,).
La décision du Conseil d’État
Le Conseil d’État rappelle d’abord, en ligne avec sa position jurisprudentielle, qu’il ressort des termes mêmes de l’article L. 16 B du LPF que le contrôle de la régularité des opérations de visite et de saisie effectuées sur son fondement relève non de la compétence du juge de l’impôt saisi d’une contestation des impositions établies sur la base des éléments obtenus lors de ces opérations, mais de celle du 1er président de la Cour d’appel (dans le même sens, CE, 15 avril 2015, n°361828 et CE, 27 juillet 2015, n°370443).
Il complète cette jurisprudence en précisant que relèvent notamment du contrôle de la régularité de ces opérations les atteintes qui pourraient être portées, à l’occasion de celles-ci, au respect du secret professionnel.
Il en conclut qu’en statuant sur le bien-fondé de l’argumentation de la requérante tirée de l’atteinte au secret de la correspondance entre un avocat et son client, du fait de l’utilisation par l’administration fiscale des pièces saisies au cours d’une visite domiciliaire sur le fondement de l’article L. 16 B du LPF, la CAA de Paris a méconnu le champ d’application de la loi et de la compétence de la juridiction administrative.
L’avis du praticien – Eric Lesprit
Le Conseil d’État vient confirmer la compétence unique du 1er Président de la Cour d’appel sur l’autorisation de la procédure de visite et de saisie comme sur sa réalisation. Partant, et de manière très intéressante, c’est également à ce magistrat que revient le rôle d’apprécier si les documents emportés par l’administration fiscale pouvaient être couverts par le secret professionnel de l’avocat.
Ce point est sensible car il s’agit d’un élément de très grande vigilance lors de ces opérations dans les locaux de l’entreprise, les agents de l’Administration étant toujours très friands de l’accès à ces documents, même sans les emporter, car par leur simple lecture ils peuvent guider les opérations sur place mais également les réflexions des agents et les axes d’examen des documents saisis.
Être en mesure, en cours de procédure, d’empêcher l’accès à ces éléments, en faisant valoir cette nature particulière des échanges de la société et ses représentants avec ses conseils est donc primordial. Afin de le faire valoir et de rendre cette nature spécifique suffisamment claire pour éviter tout doute lors des opérations sur place, il est indispensable de l’avoir prévu et d’avoir mis en place les précautions nécessaires.
Rappeler aux équipes juridiques et fiscales ces principes peut s’avérer utile lors de ces procédures et éviter que les informations indispensables à la défense de la société soient accessibles et utilisées contre elles, alors qu’il s’agit parfois de simples éléments de réflexions ou de pistes non exécutées mais sur lesquels les services de l’administration fiscale prennent appui pour étayer leur position.