Preuve de la normalité du taux d’intérêt pratiqué entre sociétés liées

Une société qui verse à une entreprise liée des intérêts excédentaires n’est pas tenue de produire une offre de prêt contemporaine des opérations (TA Montreuil).

Les articles 39, 1-3° et 212 du CGI limitent la déductibilité des intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition de la société par des associés ou des entreprises liées. Seuls sont déductibles ceux calculés d’après un taux de référence égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises, d’une durée initiale supérieure à deux ans. Dans le cas où le taux pratiqué serait supérieur à ce taux de référence, il appartient à la société de démontrer qu’elle aurait pu obtenir le même taux d’établissements ou d’organismes financiers indépendants dans des conditions analogues (CGI, art. 212, I).

En l’espèce, l’Administration a remis en cause la déduction d’une fraction des intérêts d’emprunts payés par une société française à une société luxembourgeoise à laquelle elle était liée. La société a alors fourni plusieurs études portant sur les variables composant les taux litigieux (swap taux variable/taux fixe, prime d’annulation et marge de crédit) ainsi que sur sa propre situation, afin de démontrer la normalité du taux d’intérêt appliqué, sans pour autant convaincre l’Administration.

Le TA de Montreuil a, au contraire, considéré que la seule production de différentes études, telles que celles fournies par la société requérante, suffisait à établir la pertinence du taux appliqué. On remarquera que le rapporteur public, suivi par les juges du fond, souligne le caractère complet et rigoureux des études fournies en l’espèce par la société (TA de Montreuil, 30 mars 2017, n° 1506904, Société BSA).

En outre, le Tribunal estime que l’Administration ne peut exiger, de manière systématique, de l’emprunteuse la production d’une offre de prêt contemporaine aux opérations. A ce sujet, si la doctrine administrative considère qu’une telle offre de prêt peut constituer la preuve, parmi d’autres, que le taux pratiqué correspond à celui que lui aurait proposé un établissement ou organisme financier indépendant dans une situation analogue (BOI-IS-BASE-35-20-10, n° 110), les services vérificateurs, quant à eux, ont tendance à l’exiger.

Les CAA de Paris et de Versailles avaient déjà eu l’occasion de se prononcer dans des affaires analogues. Mais, elles avaient considéré que ni des attestations de banque (CAA Paris, 4 novembre 2014, n° 14PA00814), ni la comparaison avec le taux appliqué par des établissements ayant la même notation financière (CAA Versailles, 28 mai 2015, n° 14VE01904) n’étaient pertinentes pour démontrer que les taux pratiqués par les sociétés requérantes auraient pu être obtenus d’une entité indépendante. A l’inverse, le TA de Bordeaux avait lui aussi considéré que l’Administration n’était pas en mesure d’exiger une offre de prêt contemporaine aux opérations « sans ajouter une condition non prévue par les dispositions précitées de l’article 212 du CGI », et admis que la preuve de la pertinence du taux pouvait être apportée du fait de la situation propre de la société (TA Bordeaux, 13 novembre 2014, n° 1302599).

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.