Proposition de directive DAC8 : économie générale

La proposition de texte, initiée par la Commission Européenne, viendrait modifier la directive relative à la coopération administrative (DAC) afin de garantir la conformité des règles de l’UE avec l’évolution de l’économie et d’inclure d’autres domaines tels que les cryptoactifs et la monnaie électronique.

Contexte

Pour mémoire, une proposition de 8e révision de la Directive relative à la coopération administrative (DAC 8) a été annoncée par la Commission européenne en décembre 2020, afin d’inclure les domaines émergents que sont les cryptoactifs et la e-monnaie dans le champ de l’échange d’information entre États membres.

Elle a finalement été dévoilée le 8 décembre 2022 (55 pages).

Ce texte est soumis à consultation publique jusqu’au 21 mars 2023, étant précisé que la période de contribution sera prolongée d’un jour supplémentaire jusqu’à ce que le projet soit disponible dans toutes les langues de l’UE.

A titre liminaire, il convient de noter que la proposition de directive est adossée au projet de règlement européen sur les marchés de cryptoactifs (MiCA) – non encore formellement adopté par le Conseil de l’UE, qui devrait entrer en vigueur pour 2024. Elle est en effet alignée sur les définitions figurant dans le règlement MiCA et s’appuie sur l’obligation d’agrément qu’il a introduite.

Elle est également cohérente par rapport au cadre de déclaration des cryptoactifs de l’OCDE (cadre international pour l’échange d’informations en matière de cryptoactifs, publié le 10 octobre 2022).

Champ d’application

Qui doit déclarer ?

Seraient concernés, en 1er lieu, par l’obligation de déclaration, les « prestataires de services sur cryptoactifs », c’est-à-dire les personnes morales fournissant des services sur cryptoactifs à titre professionnel, ayant leur siège dans un Etat membre de l’UE, et ayant obtenu l’agrément spécifique prévu dans le cadre du règlement MiCA.

On notera que la notion de « services sur cryptoactifs » est vaste, puisqu’elle englobe les services suivants :

  • La conservation et l’administration de cryptoactifs pour le compte de tiers 
  • L’exploitation d’une plateforme de négociation de cryptoactifs
  • L’échange de cryptoactifs contre de la monnaie officielle ayant cours légal 
  • L’échange de cryptoactifs contre d’autres cryptoactifs 
  • L’exécution d’ordres sur cryptoactifs pour le compte de tiers 
  • Le placement de cryptoactifs 
  • La réception et la transmission d’ordres sur cryptoactifs pour le compte de tiers 
  • La fourniture de conseils en cryptoactifs.

Seraient également concernés, de manière résiduelle, les « opérateurs de cryptoactifs », c’est-à-dire, en pratique, les prestataires de services sur cryptoactifs qui ne remplissent pas les conditions pour obtenir l’agrément prévu par le règlement MiCA.

Ces « opérateurs de cryptoactifs » seraient tenus à l’obligation déclarative, qu’ils soient ou non situés dans l’UE, dès lors qu’ils ont des utilisateurs dans l’UE. Il leur faudra alors s’enregistrer dans le pays membre de l’UE de leur choix.

Quelles sont les opérations déclarables ?

Devraient être déclarées toutes les transactions portant sur des cryptoactifs au sens du règlement MiCA.

Le règlement MiCA retient une définition très large de la notion de cryptoactif, puisqu’est considérée comme un cryptoactif « toute représentation numérique d’une valeur ou de droits pouvant être transférée et stockée de manière électronique, au moyen de la technologie des registres distribués ou d’une technologie similaire », à l’exception notable des monnaies digitales de banques centrales et des actifs répondant à la définition de monnaie électronique, ainsi que des jetons uniques et non fongibles (NFT).

Les transactions déclarables sont les échanges (cryptoactif contre cryptoactif ou conversion d’un cryptoactif contre de la monnaie officielle), ainsi que les transferts de cryptoactifs.

Il importe peu que ces transactions interviennent entre des personnes physiques ou des personnes morales – des exemptions sont toutefois prévues, notamment en faveur des transactions effectuées par certaines institutions financières, les sociétés cotées, les prestataires de services sur cryptoactifs eux-mêmes, les banques centrales, les organisations internationales ou encore les entités gouvernementales.

Teneur de la déclaration

Le prestataire de services sur cryptoactifs ou l’opérateur de cryptoactifs devrait notamment déclarer les éléments suivants :

  • Nom, adresse, Etat membre de résidence, numéro d’identification fiscale, date et lieu de naissance s’il s’agit d’une personne physique (dans le cas d’une personne morale, des éléments d’informations complémentaires pourraient être demandés en cas de contrôle par une personne devant elle-même faire l’objet d’une déclaration) 
  • Nom, adresse et numéro d’identification fiscale de l’entité déclarante 
  • Des informations, présentées sous format agrégé, par nature de cryptoactif ayant fait l’objet de transactions au titre de l’année civile (nombre de transactions, valeur de la transaction – calculée selon des modalités différentes selon qu’il s’agit d’un échange, d’une conversion ou d’une vente).

Modalités de déclaration

Ces informations devraient être communiquées par le prestataire de services sur cryptoactifs ou l’opérateur de cryptoactifs au plus tard le 31 janvier de l’année suivant celle au titre de laquelle les transactions déclarables ont été effectuées, soit auprès de l’Etat membre dans lequel il est agréé (cas du « prestataire de services sur cryptoactifs » au sens du règlement MiCA) soit auprès de l’Etat membre dans lequel il s’est enregistré aux fins d’application de la règlementation DAC8 (cas de l’opérateur sur cryptoactifs non agréé).

Ces informations feraient ensuite l’objet d’un échange automatique entre Etats membres.

Sous conditions, ces informations pourraient également être communiquées aux autorités fiscales d’un Etat tiers.

Sanctions

Les Etats membres disposeraient d’une marge de manœuvre (encadrée) pour fixer les sanctions applicables en cas de non-respect de l’obligation de déclaration.

Celles-ci devraient, en tout état de cause, présenter un caractère effectif, proportionné et dissuasif. Le texte est dans ce cadre très similaire à celui retenu dans la Directive DAC6.

Une pénalité minimale devrait être appliquée en cas de non-déclaration après 2 mises en demeure infructueuses, ou lorsque 25 % des informations fournies sont incomplètes ou incorrectes. Son montant serait fixé comme suit :

  • 50 k€ lorsque le déclarant est une personne morale et que son CA annuel est < 6 m€ 
  • 150 k€ lorsque le déclarant est une personne morale et que son CA annuel est > 6 m€ 
  • 20 k€ lorsque le déclarant est une personne physique.

Entrée en vigueur

Le projet de texte ne sera définitivement adopté qu’après consultation du Parlement européen et accord du Conseil de l’UE (s’agissant d’un texte en matière fiscale, l’unanimité des 27 Etats membres est toujours requise).

La directive entrera ensuite en vigueur le 20e jour suivant sa publication au JOUE.

Les Etats membres devront la transposer au plus tard le 31 décembre 2025, pour une 1re application à compter du 1er janvier 2026 (en pratique, donc, les 1ères déclarations devront intervenir à compter du 31 janvier 2027).

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.