Publication au JO de la 1re LFR 2022 et de la loi « Pouvoir d’achat »

La 1re LFR 2022 et la loi « Pouvoir d’achat » ont été publiées au JO du 17 août 2022 après avoir été validées, pour l’essentiel, par le Conseil constitutionnel. 

Nous revenons ci-dessous sur les mesures les plus significatives de ces deux textes.

1re LFR 2022

Suppression de la contribution à l’audiovisuel public due par les particuliers et les professionnels à compter de 2022 (Art. 6)

Pour mémoire, la contribution à l’audiovisuel public instituée au profit des organismes publics de télévision et de radiodiffusion (CGI, art. 1605 à 1605 ter) est due, en principe, par :

  • les personnes physiques, imposables à la taxe d’habitation au titre d’un local meublé affecté à l’habitation, qui détiennent au 1er janvier de l’année d’imposition un téléviseur ou un dispositif assimilé permettant la réception de la télévision pour leur usage privatif ;
  • les professionnels (personnes physiques et personnes morales) qui détiennent un téléviseur ou un dispositif assimilé au 1er janvier de l’année d’imposition dans un local situé en France – une contribution due pour chaque appareil détenu, avec un abattement applicable à partir du 3e.

Le montant de la contribution est actuellement de 138 € (88 € pour les départements d’outre‑mer).

La LFR 2022 prévoit la suppression de la contribution à l’audiovisuel public et la révision, en conséquence, du mode de financement de l’audiovisuel public.

L’abrogation est rétroactive au 1er janvier 2022, ainsi la plupart des redevables de la contribution à l’audiovisuel public, qui s’en acquittaient à l’automne, ne recevront pas d’avis d’imposition à cette contribution en 2022. En revanche, les redevables mensualisés devront être remboursés des versements déjà réalisés.

Aménagement du régime temporaire de déductibilité de l’amortissement des fonds commerciaux (Art. 7)

Rappel

L’article 214-3 du PCG pose une présomption de non-amortissement, au plan comptable, des fonds commerciaux.

Des exceptions sont toutefois prévues. Ainsi, les entreprises sont autorisées à :

  • pratiquer un tel amortissement en cas d’existence d’une limite prévisible à l’exploitation du fonds commercial ;
  • ou à pratiquer un amortissement sur 10 ans, s’il y a une limite prévisible à l’exploitation mais que la durée d’exploitation ne peut être estimée de manière fiable.

Les petites entreprises (selon la définition retenue à l’article L. 123-16 du Code de commerce, i.e. ne dépassant pas 2 des 3 seuils suivants : 6 m€ de total de bilan, 12 m€ de CA net, 50 salariés) ont, par exception, la faculté d’amortir sur 10 ans leurs fonds commerciaux, même s’il n’existe pas de limite prévisible à l’exploitation de ces fonds.

Tirant les conséquences d’un avis rendu par le Conseil d’État (avis du 8 septembre 2021, n°453458), la LF 2022 est venue poser le principe de l’interdiction de la déduction au plan fiscal de l’amortissement comptable du fonds commercial (LF 2022, art. 23).

En revanche, de manière dérogatoire et temporaire, elle a admis la déduction des amortissements constatés dans la comptabilité des entreprises au titre des fonds commerciaux acquis entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025.

LFR 2022

Clause anti-abus : exclusion des entreprises disposant d’un « lien de dépendance »

La LFR 2022 prévoit l’ajout d’une clause anti-abus à l’article 39, 1, 2° du CGI excluant du dispositif exceptionnel de déductibilité les fonds commerciaux acquis auprès d’une entreprise liée [au sens de l’article 39-12 du CGI], ou auprès d’une entreprise placée sous le contrôle d’une même personne physique [dans les conditions de l’article 39-12, a du CGI].

En d’autres termes, sont exclues du dispositif les cessions de fonds commerciaux réalisées entre 2 entreprises lorsque :

  • l’une de ces entreprises détient directement, ou par personne interposée, la majorité du capital social de l’autre, ou y exerce en fait le pouvoir de décision ;
  • les 2 entreprises sont placées sous le contrôle d’une même tierce entreprise, ou d’une même personne physique.
Régime spécial des fusions : légalisation des précisions apportées par la doctrine administrative

Par ailleurs, les modalités d’application combinée de ce dispositif temporaire de déductibilité de l’amortissement des fonds commerciaux avec le régime spécial des fusions sont précisées.

Le texte prévoit de codifier la précision apportée par l’administration fiscale dans ses récents commentaires du dispositif au BOFiP (BOI-IS-FUS-10-20-40-10 §1).

Ainsi, en cas d’opération de fusion bénéficiant du régime de faveur, la plus-value dégagée par l’apport d’un fonds commercial bénéficiant de la mesure de déductibilité temporaire, ne pourra bénéficier d’un sursis d’imposition. En effet, en application du régime spécial des fusions (CGI, art. 210 A), la société absorbante procédant à l’amortissement du fonds commercial conformément à ce dispositif temporaire, sera immédiatement tenue d’appliquer le régime d’étalement de l’imposition de la plus-value dégagée lors de l’apport du fonds commercial.

Dans cette hypothèse, la réintégration sera à effectuer par parts égales sur une période de 5 ans (CGI, art. 210 A, 3, d).

Les deux volets de cette mesure sont applicables aux acquisitions de fonds commerciaux intervenant à compter du 18 juillet 2022.          

Pacte Dutreil : Légalisation de la condition d’exercice d’une activité opérationnelle tout au long des engagements de conservation (Art. 8)

Rappel

Pour mémoire, les parts ou actions de sociétés ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, ayant fait l’objet d’engagements de conservation (engagement collectif de conservation d’une durée de 2 ans + engagements individuels de conservation d’une durée de 4 ans à compter de la date d’expiration du délai précité), transmises par décès ou donation, sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur (CGI, art. 787 B).

L’Administration précise dans ses commentaires au BOFiP que la condition tenant à la nature de l’activité doit être remplie par la société durant toute la durée des engagements de conservation (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, § 25, 21 décembre 2021).

Cette position a cependant été remise en cause dans une toute récente décision de la Cour de Cassation (Cass. com., 25 mai 2022, n°19-25.513). Celle-ci a en effet jugé que la condition tenant à l’activité de l’entreprise n’avait pas à être maintenue pendant toute la durée des engagements de conservation des titres.

LFR 2022

La LFR 2022 revient sur cette jurisprudence et légalise la doctrine administrative.

Ainsi, la condition tenant à l’exercice par la société d’une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale doit être satisfaite à compter de la conclusion de l’engagement collectif de conservation et jusqu’au terme de l’engagement individuel de conservation (pour une durée de 6 ans).

Par ailleurs, cette condition est déclinée :

  • Pour l’engagement post mortem (condition devant être remplie à compter de la transmission des titres) ;
  • Pour l’engagement réputé acquis (condition devant être remplie depuis 2 ans au moins à la date de la transmission des titres).

Cette disposition s’applique aux transmissions intervenant à compter du 18 juillet 2022 ainsi qu’aux transmissions remplissant, à cette même date, les 2 conditions suivantes :

  • L’un des engagements de conservation est en cours ; et
  • La société n’a pas cessé d’exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

Report d’un an de la suppression du tarif réduit de l’accise sur le gazole non routier (Art. 22)

Pour mémoire, la LF 2020 prévoyait la suppression progressive (entre 2020 et 2022) des tarifs réduits de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) des carburants utilisés pour le fonctionnement des moteurs qui ne servent pas à la propulsion des véhicules sur les routes, essentiellement en pratique, le gazole non routier (GNR).

La hausse des tarifs de TICPE sur le GNR a été reportée à plusieurs reprises pour être fixée au 1er janvier 2023 (LFR 2021, art. 7).

Cette hausse est, une nouvelle fois, reportée d’une année et interviendra finalement le 1er janvier 2024.

Prorogation de l’octroi de la garantie de l’État au titre des PGE Résilience (Art. 23)

Pour mémoire, en avril dernier, un PGE (prêt garanti par l’État) « Résilience » a été instauré via un arrêté ministériel, afin de soutenir les entreprises qui connaissent des difficultés de trésorerie engendrées, de manière directe ou indirecte, par les conséquences économiques du conflit en Ukraine.

Ce PGE permet de couvrir jusqu’à 15 % du CA annuel moyen au cours des 3 derniers exercices. Les entreprises pouvaient en bénéficier depuis le 6 avril 2022 et, en principe, jusqu’au 30 juin 2022.

La période pendant laquelle la garantie de l’État peut être accordée au titre des PGE est finalement prolongée jusqu’au 31 décembre 2022.

Selon l’exposé des motifs de la mesure, cette prolongation a uniquement vocation à s’appliquer au PGE « Résilience » et non au PGE « de droit commun », instauré dans le cadre de la crise économique et sanitaire liée au Covid-19, qui a également pris fin le 30 juin dernier.

Généralisation de la facturation électronique dans les transactions entre assujettis à la TVA et transmission des données de transaction (Art. 26)

Pour mémoire, l’article 195 de la LF 2021 a habilité le Gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance, toute mesure nécessaire permettant la généralisation du recours à la facturation électronique et la mise en œuvre d’une obligation de transmission dématérialisée de certaines données à l’administration fiscale. L’ordonnance a été publiée au JO du 15 septembre 2021- avec une entrée en vigueur au 1er juillet 2024 pour les grandes entreprises.

Si l’article de ratification de cette ordonnance a été inclus dans la LF 2022, celui-ci a finalement été censuré par le Conseil Constitutionnel comme cavalier budgétaire.

La LFR 2022 corrige donc le tir et procède à la ratification de cette ordonnance. 

Rappelons que cette ordonnance prévoit :

  • l’obligation de réception des factures électroniques pour l’ensemble des entreprises à compter du 1er juillet 2024 ;
  • l’obligation d’émission des factures sous format électronique et de transmission des données sous le même format à compter du 1er juillet 2024 pour les grandes entreprises, du 1er janvier 2025 pour les ETI et à compter du 1er janvier 2026 pour les PME.

Le texte précise la date à laquelle l’appartenance à une catégorie d’entreprises sera déterminée. Ainsi, l’appréciation de la taille d’une entreprise sera faite au niveau de chaque entité, sur la base du dernier exercice clos avant le 30 juin 2023 (soit l’exercice clos le 31.12.2022 pour les entreprises clôturant avec l’année civile), ou, en l’absence d’exercice clos antérieurement à cette date, sur la base du premier exercice clos à compter du 30 juin 2023.

Extension temporaire des tarifs réglementés de vente de gaz (Art. 37)

Pour mémoire, la LF 2022 a introduit un « bouclier tarifaire » visant, entre autres, à geler le niveau des tarifs réglementés TTC de vente de gaz naturel, pour les particuliers, du 1er novembre 2021 au 30 juin 2022, à leur niveau en vigueur au 31 octobre 2021.

La LFR acte la prolongation du gel des tarifs règlementés de vente de gaz naturel jusqu’au 31 décembre 2022, et ouvre la possibilité d’étendre cette période par arrêté jusqu’au 30 juin 2023.

Par ailleurs, elle supprime la composante de rattrapage, prévue par la LF 2022, pouvant être facturée par les fournisseurs aux consommateurs après la période de gel tarifaire et précise les modalités de compensation pour leurs pertes associées. 

Notons que cet article tient compte du cas particulier des entreprises locales de distribution, dont les tarifs réglementés de vente sont distincts de ceux fournis par Engie.

Loi « Pouvoir d’achat »

Mise en place d’une prime de partage de valeur (art. 1)

Une nouvelle prime peut être octroyée par les entreprises dans la lignée des précédentes mesures mises en place depuis fin 2019, permettant aux entreprises de verser, sous réserve de respecter certaines conditions, une prime exceptionnelle à leurs salariés, non imposable et exclue de l’assiette des cotisations et contributions sociales (dite « prime de pouvoir d’achat »).

Le texte prévoit de transformer la précédente « prime de pouvoir d’achat » en une « prime de partage de valeur », et de la doter d’un caractère pérenne, tout en la renforçant.

En revanche, sa défiscalisation complète (exonération d’IR et de cotisations et contributions sociales) est limitée dans le temps, puisqu’elle concerne les seules primes versées entre le 1er juillet 2022 et le 31 décembre 2023. Au-delà de cette date, seule subsistera l’exonération de cotisations sociales.

Les plafonds d’exonération (fixés initialement à 1 000 € et 2 000 €) sont triplés, puisque la prime de partage de valeur est exonérée de cotisations sociales, et temporairement d’IR et de CSG/CRDS, à hauteur de 3 000 € par bénéficiaire et par année civile.

Ce plafond est porté à 6 000 € :

  • Pour les entreprises soumises à l’obligation de mise en place de la participation (plus de 50 salariés) : à la condition qu’elles aient mis en place ou conclu un accord d’intéressement au titre du même exercice que celui du versement de la prime ;
  • Pour les entreprises non soumises à une telle obligation : à la condition qu’elles aient mis en place ou conclu un accord de participation ou d’intéressement au titre du même exercice que celui du versement de la prime.

Sous réserve du respect de ces plafonds, le versement de la prime peut être réalisé en une ou plusieurs fois, dans la limite d’une fois par trimestre au cours de l’année civile.

Toutes les primes de partage de valeur versées aux salariés, indépendamment de leur rémunération, ouvrent droit à exonération de cotisations sociales. En revanche, l’exonération temporaire d’IR et de CSG/CRDS est réservée aux primes versées aux salariés dont la rémunération est inférieure à 3 fois la valeur annuelle du SMIC.

Autres mesures significatives, non fiscales

  • Baisse des cotisations sociales pour les travailleurs indépendants dont le revenu net d’activité est proche du SMIC ( 3)
  • Mesures visant à inciter et développer l’intéressement ( 4)
  • Revalorisation anticipée de la prime d’activité pour les travailleurs aux revenus modestes ( 9)
  • Mise en place d’un bouclier pour plafonner la hausse des loyers ( 12)
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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.

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Myriam Mouloudj

Myriam, Avocate, possède une expérience de près de 15 ans en fiscalité. Arrivée chez Deloitte Société d’Avocats en 2006, elle réintègre le cabinet en 2019 pour rejoindre le Comité Scientifique […]