Qualification de la cession de l’usufruit de droits sociaux pour l’application des droits d’enregistrement

La Cour de cassation juge, dans un arrêt publié au Bulletin, que la cession temporaire de l’usufruit de droits sociaux ne constitue pas une cession de participations au sens des dispositions de l’article 726 du CGI.

Rappel

En application des dispositions de l’article 726 du CGI, les cessions à titre onéreux de droits sociaux donnent lieu au paiement de droits d’enregistrement dont le montant varie selon la nature des titres cédés :

  • Les cessions d’actions, de parts de fondateurs ou de parts bénéficiaires sont soumises à un droit de 0,1 % ;
  • Les cessions de parts sociales dans les sociétés dont le capital n’est pas divisé en actions sont soumises à un droit de 3 % ;
  • Les cessions de participations dans des sociétés à prépondérance immobilière sont soumises à un droit de 5 % (qu’il s’agisse d’actions ou de parts sociales).

L’histoire

En 2012, les associés d’une SCI ont cédé l’usufruit temporaire de leurs parts (pour une durée de 20 ans) à une société tierce, qui s’est simplement acquittée du droit fixe de 125 € sur les actes innomés, prévu à l’article 680 du CGI.

L’Administration a, au contraire, estimé que cet acte devait être soumis au droit proportionnel de 5 %, applicable aux cessions de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière.

Les juges du fond ont validé la position de l’Administration.

La CA de Paris a, à cet égard, jugé que la notion de « cession » pour l’application des dispositions de l’article 726 du CGI, ne devait pas s’entendre de manière restrictive, mais comme englobant, au contraire, « toute transmission temporaire ou définitive de la part sociale elle-même ou de son démembrement », le texte ne distinguant pas selon que la cession porte sur la pleine propriété ou sur un démembrement de celle-ci.

Elle soulignait, en outre, qu’au cas d’espèce, la cession litigieuse avait entraîné le transfert d’éléments de participation. En se dépossédant de l’usufruit des titres, les associés avaient, en effet, perdu leur droit au bénéfice des dividendes ainsi que leur droit de vote afférent aux parts sociales cédées.

La décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation infirme la décision de la Cour d’appel, en se fondant sur la qualification juridique de l’usufruit.

Elle rappelle que « l’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance ».

Il en résulte que l’usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d’associé – qui n’appartient qu’au nu-propriétaire – de sorte que la cession de l’usufruit de droits sociaux ne peut être qualifiée de cession de droits sociaux et n’est, dès lors, pas soumise aux droits d’enregistrement prévus à l’article 726 du CGI.

La Cour de cassation vient ainsi faire échec à la position retenue, de manière isolée, par quelques juridictions du fond (notamment CA Colmar, 7 novembre 2019, n°518/219).

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.