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RAS sur dividendes : remise en cause de la qualification de bénéficiaire effectif

La CAA de Paris écarte l’application de l’ancienne convention franco-luxembourgeoise au motif que la société récipiendaire des dividendes ne peut être regardée comme en étant le bénéficiaire effectif (en l’absence notamment d’activité économique réelle). Elle réaffirme, de plus, l’importance de la condition du lieu du siège de direction effective pour l’application de l’exonération de RAS prévue à l’article 119 ter du CGI.

Rappel

Pour mémoire, les revenus distribués par une société française à des actionnaires non-résidents, font en principe, l’objet d’une retenue à la source, prélevée au taux de 25 % (CGI, art. 119 bis, 2).

Par application de l’article 119 ter du CGI toutefois, les dividendes distribués par une société française à une société mère ayant son siège dans l’UE ou l’EEE sont, sous certaines conditions, exonérés de RAS.

Il faut notamment que la société bénéficiaire des distributions puisse justifier qu’elle est bien le bénéficiaire effectif des dividendes, et qu’elle a son « siège de direction effectif » dans un Etat membre de l’UE (ou en Islande, en Norvège ou au Liechtenstein).

Par ailleurs, le taux de la retenue à la source peut être modulé et réduit en application de la convention fiscale applicable le cas échéant.

On rappellera, à cet égard, que le Conseil d’État a jugé, à plusieurs reprises, que les conventions fiscales contiennent implicitement une clause de bénéficiaire effectif, y compris celles conclues avant que la convention modèle ne la prévoie explicitement (CE, 13 octobre 1999, n°191191, Diebold Courtage, ou plus récemment CE, 8 novembre 2024, n°471147, Société Foncière Vélizy Rose).

L’histoire

Une société française – exerçant une activité opérationnelle – a fait l’objet d’une vérification de comptabilité (exercices 2013 à 2015), à l’issue de laquelle l’Administration a entendu lui appliquer la RAS de l’article 119 bis, 2 au taux de droit interne (30 % à l’époque), au titre des dividendes versés à son actionnaire unique, une société holding pure de droit luxembourgeois.

La décision de la CAA de Paris

Devant la Cour, la requérante sollicitait, à titre principal, le bénéfice de l’exonération prévue à l’article 119 ter du CGI, et, à titre subsidiaire, l’application du taux réduit de 5 % prévu par l’ancienne convention franco-luxembourgeoise.

Sur la (non) application de l’exonération de l’article 119 ter

La Cour écarte l’application des dispositions de l’article 119 ter, au motif que la société luxembourgeoise ne disposait pas de son « siège de direction effective » au Luxembourg.

Elle souligne, à cet égard, que :

  • La société luxembourgeoise (qui exerce une activité de prise de participations) est certes immatriculée au Luxembourg, mais n’y est locataire que d’un simple bureau dans les locaux d’une société de domiciliation ;
  • Elle n’emploie aucun salarié ;
  • Elle n’a supporté aucune charge de fonctionnement au cours des années vérifiées (à l’exception d’honoraires relatifs à la tenue de sa comptabilité selon les règles applicables au Luxembourg, et à sa surveillance par un commissaire aux comptes, ainsi que le paiement d’une taxe communale à raison de la location du bureau) ;
  • Ses administrateurs sont des avocats d’affaires, qui sont également administrateurs d’autres sociétés ;
  • Son actionnaire unique réside à Singapour.

Elle en conclut que dans ces conditions – quand bien même les conseils d’administration et les AG de la société luxembourgeoise se sont tenus au Luxembourg – son centre de direction effective ne peut être regardé comme situé au Luxembourg.

Elle prend le soin de préciser que « ce motif est à lui seul » de nature à fonder l’application de la RAS de l’article 119 bis, 2.

Rappelons que la CAA de Nantes a tout récemment jugé que le critère fixé par l’article 119 ter du CGI, tenant à ce que la société bénéficiaire des distributions ait son siège de direction effective dans un Etat membre de l’UE (ou de l’EEE), ne figure pas, en tant que tel, dans la directive mère-fille et ne saurait, dès lors, conditionner le bénéfice de l’exonération de retenue à la source (CAA Nantes, 7 octobre 2025, n°24NT02819 – à rebours de la jurisprudence en la matière – contra. CAA Paris, 27 novembre 2024, n°23PA00449 – pourvoi non admis, CE (na), 11 juin 2025, n°500934, Sté Cofina).

Sur la (non) application du taux réduit conventionnel

La CAA de Paris rappelle que l’absence de clause expresse dans une convention fiscale subordonnant l’application d’un taux réduit de RAS à la qualité de bénéficiaire effectif d’un dividende de source française ne fait pas obstacle à ce que l’administration fiscale puisse refuser cet avantage conventionnel au récipiendaire de ce revenu, qui n’en serait que le bénéficiaire apparent (l’ancienne convention fiscale luxembourgeoise, signée en 1958, était antérieure à l’introduction en 1977 de la clause de bénéficiaire effectif dans la convention modèle OCDE).

Si elle ne remet pas en cause le fait que la société luxembourgeoise pouvait être regardée, pour l’application de la convention franco-luxembourgeoise, comme ayant son domicile fiscal au Luxembourg (coïncidence avec le lieu de son siège social), la Cour juge qu’elle ne pouvait, en tout état de cause, être regardée comme le bénéficiaire effectif des dividendes.

Pour écarter la qualification de bénéficiaire effectif, la Cour se fonde (sans la nommer explicitement) sur l’absence de substance de la société luxembourgeoise en soulignant que :

  • Elle n’avait pas d’autre objet que la prise de participations dans des sociétés ;
  • Elle avait, au titre des années vérifiées, pour seuls produits, les dividendes provenant de ses filiales ;
  • Elle n’avait aucune activité économique autonome ;
  • Si la société française arguait que les dividendes versés à sa mère luxembourgeoise n’avaient ensuite fait l’objet d’aucun reversement à un tiers, elle ne l’établissait pas.

La Cour en conclut que la société ne saurait, dès lors, être regardée comme le bénéficiaire effectif des dividendes litigieux – ni revendiquer l’application du taux réduit conventionnel.

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    Alice de Massiac

    Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à…

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    Clara Maignan

    Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique…