Prêts non performants : pour renforcer l’efficacité des sûretés réelles des banques en cas d’impayés, la Commission Européenne envisage la création d’un nouvel outil, la « Garantie de Prêt Accélérée »
La Banque Centrale Européenne définit les prêts non performants (Non-Performing Loans ou « NPL ») comme des prêts présentant des impayés de plus de 90 jours ou qui ne pourront probablement pas être recouvrés sans recours à la réalisation de la garantie.
Les NPL impactent fortement les bilans des banques européennes : 843 milliards d’€ au 2e trimestre 2017, soit 6% du PIB de la zone UE.
La part des NPL, qui était de 1,8% des crédits accordés dans l’UE il y a 10 ans, est passée à 5,5% au 2e trimestre 2016 avec une forte disparité selon les Etats Membres.
Les NPL freinent la rentabilité des banques, menacent leur viabilité et immobilisent des capitaux au détriment du financement de l’économie.
Entre le 10 juillet et le 20 octobre 2017, la Commission Européenne a ouvert une consultation publique sur les mesures envisagées pour réduire ce stock de NPL.
Le réseau d’avocats Deloitte Legal, dont le cabinet Deloitte Société d’Avocats fait partie pour la France, a répondu à cette consultation pour 15 Etats Membres.
La première partie de cette consultation couvre les aspects relatifs aux marchés secondaires des NPL, c’est-à-dire le marché de la cession des prêts consentis, ainsi que celui du projet de création d’entités ad hoc (société de gestion nationales) reprenant ces prêts non performants.
La seconde partie porte sur la protection des créanciers titulaires de sûretés réelles (banques) contre le défaut de paiement des emprunteurs et la création au sein de l’UE d’un nouvel outil, « la garantie de prêt accélérée » (Accelerated Loan Security ou « ALS ») dont les principales caractéristiques, aujourd’hui, sont :
- Effets : mécanisme contractuel extra-judiciaire permettant au créancier prêteur d’exécuter rapidement et simplement sa sûreté réelle en se faisant attribuer la propriété du bien donné en garanti avec possibilité de le revendre ; il s’agit d’une alternative à la saisie judiciaire jugée trop longue, trop coûteuse, inefficace et qui participe à l’accumulation de NPL
- Créanciers privilégiés concernés : banques prêteuses bénéficiant d’une sûreté réelle (gage ou hypothèque)
- Emprunteurs concernés : sociétés et entrepreneurs personnes physiques
- Emprunteurs exclus : consommateurs
- Prêts concernés : ceux garantis par une sûreté réelle
- Biens concernés : biens corporels mobiliers (périmètre à définir) ou immobiliers (hors résidence principale) évalués par un expert indépendant
- Fait générateur : défaut de paiement de l’emprunteur avant l’ouverture d’une procédure collective
- Sort de la différence entre la valeur du bien donné en garantie et le montant de la dette :
- Si elle est positive, la banque devrait la rembourser à l’emprunteur
- Si elle est négative, l’emprunteur serait déchargé du solde de sa dette : avantage important pour l’emprunteur rendant l’ALS plus attractive et inédit si l’on se réfère au droit français actuel
- En cas de procédure collective de l’emprunteur : les effets de l’ALS seraient suspendus mais le juge pourrait autoriser la banque à vendre elle-même le bien avec obligation de reverser le prix au liquidateur judiciaire
- Principaux avantages : l’ALS serait un outil simple, rapide, contractuel, extra-judiciaire et peu coûteux permettant aux banques de recouvrer plus rapidement la valeur de leur garantie
- Objectifs :
- Endiguer l’accumulation de NPL dans les bilans des banques
- Proposer aux banques et aux emprunteurs un outil de réalisation des sûretés réelles applicable à toute l’UE (objectif d’harmonisation)
- Améliorer la prévisibilité et les délais des procédures de saisie, éléments essentiels dans la stratégie de traitement des NPL
- Favoriser le financement et donc le développement des TPE et PME
- Améliorer l’attractivité de l’UE et des Etats Membres pour les investisseurs du monde entier
Malgré quelques différences, l’ALS n’est pas sans rappeler les mécanismes français de la clause de voie parée et du pacte commissoire, clairement intégrées au droit des sûretés français lors de sa réforme de 2006.