Règlement MiCA : les demandes d’agrément en qualité de Prestataires de Services sur Crypto-Actifs sont désormais ouvertes auprès de l’AMF

Le règlement (UE) 2023/1114 du 31 mai 2023, dit Règlement MiCA, qui fixe le cadre juridique des activités sur crypto-actifs, ce que jusqu’alors le droit français appelait les actifs numériques, entrera en application le 30 décembre 2024.

Afin d’anticiper la mise en œuvre de ce régime, plus contraignant que le régime national mis en œuvre avec l’innovante loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, dite Loi PACTE, les candidats à l’obtention du nouveau statut de Prestataire de Services sur Crypto-Actifs (PSCA) peuvent, depuis le 1er juillet 2024, déposer leur demande d’agrément auprès de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF). Si une phase d’instruction peut dès lors débuter, le nouvel agrément ne pourra être accordé par l’AMF qu’à compter du 30 décembre 2024.

Le nouveau statut réglementaire de PSCA sera désormais obligatoire pour tous les acteurs souhaitant fournir dans l’Union européenne (UE) au moins l’un des dix services sur crypto-actifs fixé par le Règlement MiCA :

  • La conservation et l’administration de crypto-actifs pour le compte de clients.
  • L’exploitation d’une plateforme de négociation de crypto-actifs.
  • L’échange de crypto-actifs contre des fonds.
  • L’échange de crypto-actifs contre d’autres crypto-actifs.
  • L’exécution d’ordres sur crypto-actifs pour le compte de clients.
  • Le placement de crypto-actifs.
  • La réception et la transmission d’ordres sur crypto-actifs pour le compte de clients.
  • Le conseil en crypto-actifs.
  • La gestion de portefeuille de crypto-actifs.
  • Le transfert de crypto-actifs pour le compte de clients.

Le régime français des Prestataires de Services sur Actifs Numériques (PSAN) : une période de transition à anticiper

Pour se préparer au mieux aux nouvelles exigences issues du Règlement MiCA, les PSAN (disposant d’un enregistrement « simple » ou « renforcé », ou d’un agrément « optionnel ») et les acteurs fournissant des services non soumis à enregistrement ni agrément (exemple : CIF fournissant un service de conseil en crypto-actifs) bénéficient d’une période transitoire jusqu’au 30 juin 2026 pour continuer à exercer leurs activités. Il leur faudra toutefois, durant cette période, préparer l’obtention de l’agrément de PSCA pour continuer à exercer leur activité après le 30 juin 2026. Ainsi, cette dérogation leur permet de poursuivre leurs activités en France exclusivement mais ne permet pas de bénéficier du nouveau passeport européen issu du Règlement MiCA pour exercer leurs activités ailleurs au sein du marché unique. En outre, en dépit de cette période transitoire, un PSAN enregistré ou agréé souhaitant obtenir une extension de services devra solliciter un nouvel agrément de PSCA auprès de l’AMF.

Il en résulte qu’à compter du 30 décembre 2024, le nouveau statut de PSCA se substituera à l’ensemble des régimes nationaux des États membres de l’UE existants à date, et donc, en France, à celui des PSAN (pour les PSAN existants, leur régime disparaitra à l’issue de la période transitoire précitée), ce dernier régime disparaissant complètement au 30 juin 2026.

 

Quels sont les principaux points d’attention du régulateur dans le cadre du processus d’octroi d’un agrément « classique » en qualité de PSCA ?

De manière à fournir l’un au moins des dix services sur crypto-actifs précités, les PSCA devront se faire agréer par une autorité compétente (en France, l’AMF) et respecter des obligations professionnelles issues non seulement du Règlement MiCA mais également d’autres législations européennes, telles que la 5e directive en matière de Lutte contre le Blanchiment des Capitaux et le Financement du Terrorisme (LCB-FT) sur le dispositif éponyme (directive (UE) n°2015/849 du 20 mai 2015, telle que modifiée par le règlement (UE) 2023/1113, dit TFR) ou encore le règlement (UE) n°2022/2254 du 14 décembre 2022, communément appelé Règlementation DORA, en matière de résilience opérationnelle numérique.

Des obligations professionnelles communes devront être appliquées par l’ensemble des PSCA, tandis que d’autres seront spécifiques à chacun des services sur crypto-actifs fourni par le PSCA. L’AMF rappelle que les exigences en vue de l’obtention de l’agrément de PSCA sont plus élevées que celles liées au statut de PSAN « renforcé ».

Concrètement, dans le cadre du processus d’octroi de l’agrément de PSCA, l’AMF portera une attention particulière au respect des règles et/ou à la robustesse des dispositifs en matière :

  • de LCB-FT : par exemple, le dispositif de LCB-FT du PSCA doit tenir compte des Principes d’Application Sectoriels (PAS) de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) en matière de LCB-FT et de gel des avoirs ;
  • de résilience opérationnelle numérique : par exemple, le PSCA doit établir une politique de continuité des activités comprenant notamment des plans de réponse et de rétablissement des technologies de l’information et de la communication conformes à la Réglementation DORA ;
  • de prévention et de gestion des conflits d’intérêts: par exemple, le PSCA doit établir et maintenir des politiques et des procédures efficaces de prévention et de gestion des conflits d’intérêts, et mentionner sur son site internet la nature générale et les sources des conflits d’intérêts ;
  • d’externalisation: par exemple, le PSCA doit établir une politique en matière d’externalisation et veiller à ce que les tiers participant au processus d’externalisation respectent les normes de l’UE en matière de protection des données ;
  • de traitement des réclamations clients: par exemple, le PSCA doit établir et maintenir des procédures efficaces et transparentes pour le traitement rapide, équitable et cohérent des réclamations de ses clients ;
  • de conservation des fonds et de ségrégation des actifs des clients: par exemple, le PSCA doit prendre des dispositions adéquates en vue de protéger les droits de ses clients, en particulier en cas d’insolvabilité de sa part ;
  • de garanties prudentielles: par exemple, le PSCA doit disposer de garanties répondant, soit à un seuil minimum de fonds propres, soit à un seuil de frais généraux fixes ;
  • de gouvernance et de processus opérationnels, d’honorabilité et de compétences des dirigeants: par exemple, le PSCA doit établir le siège de sa direction effective au sein de l’UE et disposer d’au moins un administrateur résidant au sein l’UE ;
  • d’agissements de manière honnête, loyale et professionnelle et dans l’intérêt de ses clients: par exemple, le PSCA doit établir et tenir à la disposition de ses clients sur son site internet une politique en matière de tarification, de coûts et de frais ;
  • de fourniture d’informations loyales, claires et non trompeuses: par exemple, le PSCA doit fournir au sein de ses communications commerciales, des informations ne devant pas induire en erreur – y compris par négligence – ses clients/prospects quant aux avantages d’un crypto-actif ; et
  • de publication d’impact environnemental des produits: par exemple, le PSCA doit mentionner sur son site internet des informations sur les principales incidences négatives sur le climat du mécanisme d’émission des crypto-actifs.

 

Point d’attention

Selon l’AMF, qui insiste sur point, le processus d’agrément en qualité de PSCA requiert de la part des candidats, non seulement une préparation préalable rigoureuse en vue d’élever l’organisation et le modèle d’activité du professionnel au niveau des exigences prévues par le Règlement MiCA, mais également un engagement et une réactivité forte postérieurement au dépôt de la demande d’agrément afin de répondre efficacement aux questions de l’AMF (ou de l’ACPR) dans le cadre de l’instruction du dossier.

À titre d’exemple, l’AMF souligne que les procédures internes du candidat ne doivent pas se contenter de résumer les exigences textuelles qui lui sont applicables mais décrire précisément et de façon opérationnelle comment elles sont appliquées en pratique.

 

Quelles sont les principales étapes d’une procédure d’octroi d’agrément en qualité de PSCA ?

Devant l’AMF, la procédure de demande d’agrément en qualité de PSCA comprend quatre étapes :

  • Étape 1 : le candidat dépose auprès de l’AMF un dossier de demande d’agrément.
  • Étape 2 : l’AMF accuse réception du dépôt du dossier dans un délai de 5 jours ouvrés à compter du dépôt.
  • Étape 3 : l’AMF débute l’instruction de la demande d’agrément en examinant la complétude du dossier et formule, le cas échéant, des demandes d’informations/de documents manquants (dans un délai de 25 jours ouvrés à compter du dépôt).
  • Étape 4 : si le dossier est considéré par l’AMF comme étant complet, celle-ci poursuit son instruction (des compléments d’informations/de documents peuvent toujours être demandés à ce stade) afin d’octroyer, ou non, l’agrément de PSCA, dans un délai de 40 jours ouvrés à compter du dépôt.

En quoi consistent les procédures de « notification » pour les entités financières et de « procédure simplifiée » pour les PSAN ?

La « procédure de notification » est une procédure ouverte à des entités financières régulées (mentionnées à l’article 60 du Règlement MiCA – telles que les établissements de crédit ou les sociétés de gestion) et qui souhaitent fournir certains services de crypto-actifs spécifiques en relation avec des services équivalents spécifiques. Par exemple, pour un établissement de crédit, le service de conservation et l’administration de crypto-actifs pour le compte de clients est réputé équivalent à celui de la fourniture, à la tenue ou à la gestion de comptes de titres.

Cette procédure consiste à déposer un dossier de notification auprès de l’AMF ou de l’ACPR (en fonction du statut réglementaire du candidat), au moins 40 jours avant de fournir le service sur crypto-actifs. L’autorité compétente est tenue de notifier au candidat la complétude de sa notification sous un délai de 20 jours ouvrables.

La « procédure simplifiée » est une procédure accélérée ouverte aux PSAN à enregistrement « renforcés » ou agréés en qualité de PSAN. Cette procédure permet aux candidats de reprendre certains des éléments préalablement adressés (et n’ayant pas connu d’évolution significative) à l’AMF dans le cadre des procédures d’enregistrement/d’agrément précitées (ces éléments feront l’objet d’une revue limitée de la part du régulateur). L’AMF ne procédera alors pas à la duplication des diligences déjà effectuées.

 

Compte tenu des nouvelles opportunités qu’il offre, le nouveau statut de PSCA issu du Règlement MiCA apporte des perspectives de développement intéressantes pour les professionnels désirant fournir des services portant sur les crypto-actifs. À ce titre, la possibilité de pouvoir déposer dès à présent une demande d’agrément auprès de l’AMF représente un atout non négligeable pour les acteurs les mieux structurés, tels que les PSAN déjà enregistrés ou agréés, et qui devrait leur permettre de rapidement se positionner sur un nouveau marché harmonisé d’envergure désormais européenne. Les autres acteurs intéressés disposent, quant à eux, de quelques mois pour se mettre à niveau d’ici le 30 décembre 2024.

Thibault Jézéquel

Thibault Jézéquel, Avocat Associé, exerce son activité au sein de l’équipe de droit des affaires du cabinet. Il est spécialiste en réglementation bancaire et financière. À ce titre, il accompagne […]