Rémunérations de prestations de services versées à l’étranger et dialectique de la charge de la preuve

Le TA de Montreuil vient rappeler que, pour l’application des dispositions de l’article 155 A, II du CGI (c’est-à-dire lorsque le prestataire réel est établi ou domicilié à l’étranger), l’Administration doit prouver que les services ont été réalisés en France.

Rappel

L’article 155 A du CGI a pour objet d’assurer l’imposition de sommes versées en rémunération de services réalisés par des personnes domiciliées ou établies en France ou hors de France, au nom de celles-ci, lorsque qu’ils sont facturés par une personne établie hors de France, qui n’en est que le prestataire apparent.

Lorsque le prestataire réel est établi ou domicilié hors de France, ce mécanisme anti-abus ne s’applique qu’aux sommes rémunérant un service rendu en France (CGI, art. 155 A, II).

Il appartient alors à l’Administration d’apporter des éléments suffisants permettant de penser que la prestation a été réalisée en France, à charge pour le contribuable de fournir ensuite, le cas échéant, toutes justifications utiles sur le lieu d’exercice de ses activités professionnelles (CE, 22 janvier 2018, n°406888).

L’histoire

Une contribuable domiciliée aux États-Unis et présidente du conseil d’administration d’une société française exerçant une activité de vente aux enchères a fait l’objet d’une vérification de comptabilité (exercices 2014 et 2015).

L’Administration a réintégré dans les revenus de la contribuable, sur le fondement des dispositions de l’article 155 A, II du CGI, les sommes facturées à la société française par une société britannique en contrepartie de prestations de services, estimant que ces prestations de services avaient été réalisées en France par la contribuable elle-même.

La décision du TA de Montreuil

Le TA de Montreuil rappelle en premier lieu la dialectique de la preuve dégagée par le Conseil d’État dans sa décision de 2018 précitée.

Au cas d’espèce, l’Administration arguait que les services litigieux devaient être regardés comme ayant été rendus en France au motif que :

  • le contrat de prestation de services liant les sociétés française et britannique prévoyait que le prestataire devrait fournir à la société française des services, notamment celui de lui déléguer une personne pour assister à ses réunions de direction générale, pour la conseiller dans l’organisation de sa stratégie marketing et commerciale – en particulier à l’égard des pays anglo-saxons, et l’épauler dans la mise en œuvre des opérations à réaliser dans le cadre de la stratégie adoptée ;
  • la société française avait pris en charge, pour le compte de la contribuable, des billets d’avions et des dépenses de taxi établissant sa présence en France, sans que ces dépenses ne soient refacturées à la société britannique.

Le TA considère que ces éléments sont insuffisants pour permettre de penser que les prestations litigieuses auraient été réalisées en France, d’autant que :

  • si le contrat de prestations de services prévoyait bien l’assistance et le conseil de la société française dans ses relations publiques et dans l’élaboration d’une stratégie marketing, c’était avant toutes choses à destination des pays anglo-saxons et surtout dans l’objectif de développer une clientèle dans ces mêmes pays ;
  • la contribuable – fiscalement domiciliée aux États-Unis – soutenait que pour trouver cette clientèle, il lui avait fallu se déplacer fréquemment à l’étranger afin d’y rencontrer artistes et clients et d’établir un lien entre le marché « primaire » sur lequel intervenait la société britannique et le marché « secondaire » relatif aux ventes aux enchères sur lequel opérait la société française.

Le TA de Montreuil écarte, par conséquent, l’application des dispositions de l’article 155 A, II du CGI.

  • TA Montreuil, 21 février 2023, n°2001167
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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.