Pour l’application du mécanisme de correction prévu par la jurisprudence Quéméner, le prix de revient des parts doit être majoré de la quote-part des bénéfices de la société revenant à l’associé et n’ayant pas fait l’objet d’une imposition effective en application d’une disposition par laquelle la loi accorde un avantage fiscal définitif (plus-value de cession exonérée).
En application de la jurisprudence dite Quéméner (CE, 16 février 2000, n° 133296), la plus-value de cession de parts d’une société de personnes non soumise à l’IS fait l’objet d’un mécanisme de correction. Ainsi, le prix de revient fiscal des parts est fixé à leur valeur d’acquisition, majorée du montant des bénéfices précédemment imposés entre les mains de l’associé et des pertes comblées par celui-ci, et minorée des déficits qu’il a déduits, à l’exclusion de ceux qui trouvent leur origine dans une disposition par laquelle le législateur a entendu conférer aux contribuables un avantage fiscal définitif, et des bénéfices répartis au profit de l’associé. Cette jurisprudence assure une neutralité fiscale aux associés de sociétés de personnes dans le cadre de la translucidité de ces sociétés. Elle entend ainsi leur éviter une double imposition ou double déduction. Ce mécanisme de correction a été étendu en 2005 aux plus-values de cession de titres de sociétés à prépondérance immobilière (CE, 9 mars 2005, n° 248825, Baradé).
Une SCI, détenue par un contribuable A, a cédé le 30 décembre 2003 la moitié des biens immobiliers qu’elle détenait. La plus-value de cession a été intégralement exonérée par application des abattements pour durée de détention (CGI, art. 150 M ancien). Quelques jours plus tard, la SCI a fait l’objet d’une dissolution suivie d’une liquidation-partage, à l’occasion de laquelle A a perçu le produit de la vente immobilière réalisée (l’autre associé se voyant attribuer la moitié restante de l’immeuble).
Pour le calcul de la plus-value réalisée par le contribuable lors de l’annulation de ses parts sociales, l’Administration, confortée en cela par la CAA de Nancy, a refusé de prendre en compte, dans le prix d’acquisition des parts, les plus-values réalisées à l’occasion de ces cessions par la SCI, considérant qu’elles n’avaient donné lieu à aucune imposition effective.
Le Conseil d’Etat censure l’analyse des juges du fond. Il relève que l’exonération des plus-values résultant de l’abattement pour durée de détention constituait un avantage fiscal définitif accordé par le législateur ne pouvant être repris à l’occasion de la répartition entre les associés de l’actif de la société dissoute. Dès lors, il y avait bien lieu, pour le calcul de la plus-value d’annulation, de majorer la valeur d’acquisition des parts sociales de la quote-part revenant à l’associé des plus-values exonérées réalisées par la société.
Cette solution est en cohérence avec la règle selon laquelle le prix d’acquisition doit être minoré des déficits déduits par l’associé, à l’exclusion de ceux qui trouvent leur origine dans une disposition par laquelle le législateur a entendu octroyer un avantage fiscal définitif.
Le Conseil d’Etat saisit cette occasion pour préciser le considérant de principe issu de la jurisprudence Quéméner. Ainsi, le « prix d’acquisition », qui vient se substituer au « prix de revient », des parts « doit également être majoré de la quote-part des bénéfices de la société ou du groupement revenant à l’associé, qui n’ont pas fait l’objet d’une imposition effective en application d’une disposition par laquelle le législateur a entendu accorder un avantage fiscal définitif ».
Enfin, cette décision permet d’effacer les doutes existant quant à l’application du mécanisme de correction Quéméner au régime des plus ou moins-values de cession de titres de sociétés de personnes à prépondérance immobilière en vigueur à compter de 2004, dès lors que dans son arrêt Baradé, le Conseil d’Etat s’était prononcé uniquement à propos du régime en vigueur jusqu’en 2003.