Sort de l’indemnité conventionnelle visant à compenser un surcoût fiscal

Selon la CAA de Bordeaux, les sommes versées à une société aux fins de compenser le surcoût fiscal que celle-ci a subi en raison d’un changement de législation ne présentent pas le caractère d’une indemnité non imposable, mais d’un élément de rémunération imposable.

L’histoire

Une société française exerce de longue date une activité de location d’aéronefs qu’elle prend à bail auprès de sociétés liées situées en Irlande, pour les sous-louer à des sociétés aériennes tierces.

Lorsque les dispositions de l’ancien article 212 bis (mécanisme dit du « rabot », remplacé à compter de 2019 par le dispositif « ATAD 1 ») sont entrées en vigueur en 2012, la société française a dû s’acquitter d’un supplément d’impôt sur les sociétés en raison de ‘charges financières’ non déductibles.

En effet, ce dispositif de limitation de la déductibilité des charges financières s’appliquait notamment à une quote-part des loyers versés et reçus en exécution de certains contrats (censés représenter le montant des charges financières facturées au preneur par le bailleur).

La société française a refacturé ce surcoût fiscal à ses locataires, en application des contrats de location conclus avec ces derniers.

Les sommes reçues à ce titre ont été comptabilisées en produits exceptionnels et la société a considéré qu’il s’agissait d’indemnités non imposables, qualification remise en cause par l’Administration, comme par les juges de 1re instance.

La décision de la CAA de Bordeaux

La Cour rappelle d’abord le principe, bien établi, selon lequel les indemnités reçues par un contribuable pour réparer une diminution de ses valeurs d’actif, une dépense exposée ou une perte subie, dès lors que leur versement a été effectué en vertu d’une obligation de réparation incombant à la partie versante, ne constituent des recettes imposables que si la perte ou la charge qu’elles compensent est elle-même déductible pour la détermination du bénéfice imposable (voir en ce sens CE, 12 mars 1982, n°17074, BOI-BIC-PDSTK-10-30-20-20160302 § 190).

Pour le dire plus simplement, lorsque l’indemnité a pour objet de compenser une charge fiscalement non déductible du résultat imposable, elle ne constitue pas un produit imposable.

La Cour considère, au cas d’espèce, que les sommes litigieuses ne présentent pas la nature d’une indemnité, en l’absence de préjudice et d’obligation de réparation en découlant.

À cet égard, elle relève que le surcoût fiscal ne trouve pas son origine dans des faits imputables aux clients de la société, et que ces derniers ne bénéficient d’aucun avantage découlant de l’application du « rabot ».

Elle souligne, en outre, que le coût relatif au nouveau dispositif fiscal auquel s’est trouvée confrontée la société française était identique pour toute société se trouvant dans une situation similaire et ne pouvait être regardé comme un préjudice indemnisable.

Cette solution est en ligne avec la jurisprudence du Conseil d’État (pour une illustration récente, il a jugé que le remboursement par le commettant, à son commissionnaire d’une imposition dont ce dernier s’est acquitté, ne présente pas le caractère d’une indemnité non imposable, mais d’un élément de rémunération taxable, décision du 20 avril 2021, n°430561, Baxter).

Photo de Alice de Massiac
Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

Photo de Clara Maignan
Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.