Titres alloués à une succursale : niveau d’appréciation de la condition de détention pour l’application du régime mère-fille

Le Conseil d’Etat confirme qu’une société britannique peut bénéficier du régime fiscal des sociétés mères, dès lors qu’elle respecte les conditions de ce régime à son niveau, à raison des dividendes de filiales étrangères alloués à sa succursale française alors même que les titres n’avaient pas été inscrits au « bilan fiscal » de ladite succursale française.

L’histoire

Une société d’assurance britannique a sollicité, par voie de réclamation, l’application du régime fiscal des sociétés mères, prévu par les dispositions des articles 145 et 216 du CGI, pour l’imposition des dividendes tirés de sa participation dans 2 sociétés étrangères et reçus par l’intermédiaire de sa succursale française, au titre de l’année 2011.

L’Administration a rejeté sa demande au motif que les titres des filiales distributrices n’étaient pas inscrits à l’actif du bilan comptable de la succursale et que, par conséquent, cette succursale ne remplissait pas les conditions de détention et de conservation de titres prévues par les articles 145 et 216 du CGI, notamment la conservation des titres en cause pendant une durée de 2 ans.

Dans ce cadre, l’Administration a fait application de sa propre doctrine, qui étend l’exonération des dividendes aux ES en France de sociétés étrangères « sous réserve que les titres de participation figurent à l’actif du bilan fiscal de l’établissement stable » (BOI-IS-BASE-10-10-10-10, 15/04/2020, n°90, repris au BOI-IS-BASE-10-10-10-10, 21/06/2023, n°90).

La décision

Le Conseil d’Etat précise que lorsqu’une société non-résidente alloue à une succursale établie en France des produits de participations, le respect des conditions relatives aux titres correspondants, fixées à l’article 145, 1-a à c du CGI, est apprécié au niveau de la société étrangère et non pas uniquement au niveau de la succursale française.

Il juge ainsi que la seule circonstance que les titres ne soient pas inscrits à l’actif fiscal de la succursale française, ni mentionnés dans la rubrique prévue à cet effet de la déclaration de résultats déposée en France par la société étrangère, ne saurait faire obstacle à l’application du régime des sociétés mères.

Il confirme en ce sens la décision précédemment rendue par la CAA de Paris (du 20 Juillet 2021, n°19PA03109).

L’avis du praticien : Antoine Brunetto

Ce qu’on appelle un carambolage de dates ! Le CE confirme par cet arrêt la non-conformité de la doctrine de l’Administration qui a été pourtant réaffirmée dans son nouveau BOFiP publié le lendemain de la décision. Il conviendra de réclamer dans les délais le remboursement de l’IS acquitté à raison des dividendes reçus de titres qualifiés pour le régime mère-fille mais non affectés au bilan de l’ES. Cette jurisprudence pourrait être intéressante notamment pour les sociétés d’assurance dont le portefeuille d’investissement a été centralisé.

Antoine Brunetto

Antoine a plus de 20 ans d’expérience en matière de fiscalité des entreprises. Il conseille et assiste des groupes français et étrangers, sur des missions de conseil et de réorganisation […]

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Myriam Mouloudj

Myriam, Avocate, possède une expérience de près de 15 ans en fiscalité. Arrivée chez Deloitte Société d’Avocats en 2006, elle réintègre le cabinet en 2019 pour rejoindre le Comité Scientifique […]