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Traitement fiscal de l’indemnité versée à raison du transfert intra-groupe d’une activité

Le Conseil d’État censure, pour erreur de droit, la décision de la CAA de Paris qui avait jugé que l’indemnité versée par une société française à une société étrangère liée en contrepartie du transfert de certaines activités devait être immobilisée, alors même qu’il ne s’accompagne pas d’un transfert de clientèle.

L’histoire

Un groupe assurant la fourniture de solutions d’équipements et de services pour le conditionnement de boissons et de produits alimentaires procède en 2014 à une réorganisation interne.

Dans le cadre de cette réorganisation, une société italienne a transféré à une société française du groupe :

  • des activités de vente et de services après-vente auprès des clients finaux (activités déficitaires) ;
  • son activité d’intermédiaire dans l’acquisition de pièces de rechange destinées à être revendues par la société française (activité profitable).

En contrepartie, la société française lui a versé une indemnité au titre du manque à gagner consécutif au transfert desdites activités, calculée par différence entre le potentiel de profits, évalué selon la méthode des flux futurs de trésorerie actualisés, pouvant être escompté par la société italienne de ses activités avant et après la restructuration.

La société française a déduit l’indemnité ainsi versée des bases soumises à l’IS et à la CVAE.

A l’issue d’une vérification de comptabilité (exercices 2010 à 2014), l’Administration a toutefois remis en cause le traitement fiscal ainsi retenu, considérant que cette indemnité devait s’analyser comme la contrepartie d’une acquisition valorisant l’actif incorporel de la société française et devait, à ce titre, être immobilisée.

La CAA de Paris a confirmé l’analyse retenue par l’Administration, en relevant que la société française avait intégré dans son activité d’achat et de revente de pièces détachées l’activité d’approvisionnement de ces pièces auparavant exercée par son fournisseur, la société italienne.

Elle en avait conclu que l’acquisition de cette activité, qui était profitable, devait être regardée comme porteuse d’avantages économiques futurs valorisant l’actif incorporel de la société française, alors même qu’elle n’apporterait dans ce secteur aucune clientèle nouvelle.

La décision du Conseil d’État

Le Conseil d’État censure, pour erreur de droit, la décision des juges d’appel.

Après avoir pris le soin de rappeler le principe de connexion fiscalo-comptable, il se réfère expressément aux dispositions du PCG, en vertu desquelles :

  • Un actif est défini comme « un élément identifiable du patrimoine ayant une valeur économique positive pour l’entité, c’est-à-dire un élément générant une ressource que l’entité contrôle du fait d’événements passés et dont elle attend des avantages économiques futurs » (PCG, art. 211-1) ;
  • Une immobilisation incorporelle est identifiable « si elle est séparable des activités de l’entité, c’est-à-dire susceptible d’être vendue, transférée, louée ou échangée de manière isolée ou avec un contrat, un autre actif ou passif ; / – ou si elle résulte d’un droit légal ou contractuel, même si ce droit n’est pas transférable ou séparable de l’entité ou des autres droits et obligations » (PCG, art. 211-5).

Le Conseil d’État juge ensuite, de manière très claire, que le seul constat qu’une somme compense, pour la partie qui la reçoit, la disparition d’une source pérenne de profits, ne saurait suffire à caractériser, du point de vue de la partie versante, l’acquisition d’un nouvel élément d’actif.

Il en résulte que la seule circonstance qu’une société escompte, dans le cadre d’une réorganisation des fonctions au sein d’un groupe, améliorer la profitabilité de son activité en s’approvisionnant directement auprès des fournisseurs qui ne lui vendaient auparavant leurs produits que par l’intermédiaire d’une autre société du groupe, ne saurait suffire à considérer que toute indemnité versée dans le cadre de cette réorganisation aurait pour contrepartie, pour la partie versante, l’acquisition d’un élément d’actif incorporel, c’est-à-dire « un élément identifiable ayant une valeur économique positive pour cette entité ».

Il juge qu’au cas d’espèce, les éléments retenus par les juges d’appel étaient insuffisants pour caractériser l’acquisition, par la société française, d’un élément de patrimoine, d’une part, ayant une valeur économique positive pour elle et, d’autre part, identifiable.

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    Alice de Massiac

    Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à…

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    Clara Maignan

    Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique…