Le Conseil d’État confirme que pour déterminer le régime fiscal applicable à une opération impliquant une société de droit étranger, il convient de faire application de la méthode d’assimilation, élaborée dans le cadre de sa décision « Artémis », et juge, au cas d’espèce, qu’une « corporation » établie au Delaware doit être assimilée à une SAS.
L’histoire
Une société créée en 1986 sous la forme d’une « corporation » de droit américain dans l’État du Delaware, a acquis, la même année, un bien immobilier situé à Paris.
12 ans plus tard, elle cède ce bien immobilier, réalisant à cette occasion une plus-value de près de 2 m€. Elle s’acquitte alors spontanément du prélèvement prévu à l’article 244 bis A, III du CGI (applicable aux PV immobilières réalisées par des personnes non-résidentes assujetties à l’IS), avant de former une réclamation, contestant son assujettissement à l’IS.
Pour mémoire, le juge de l’impôt a dégagé une grille d’analyse applicable aux personnes morales étrangères propriétaires d’immeubles en France, par application des dispositions de l’article 206 du CGI.
Il examine, en premier lieu, si les caractéristiques de cette personne morale permettent de l’assimiler à une société française de capitaux, qui serait passible de l’IS à raison de sa seule forme. Si tel n’est pas le cas, alors l’assujettissement à l’IS n’est possible que si la société étrangère se livre à une exploitation lucrative (notamment, CE, 24 mai 2006, n°278737, Sté Immobilière Saint-Charles, CE, 27 janvier 2013, n°354994, Ets Poudix).
La société estimait qu’elle n’entrait pas dans les prévisions de l’article 206 du CGI, considérant qu’elle devait être assimilée à une société de personnes ne se livrant pas à une activité lucrative, et devait donc être assujettie au régime d’imposition des PV des particuliers par application du II de l’article 244 bis A.
La demande de la société n’était pas neutre, l’assujettissement à l’IR emportant, à l’époque des faits, l’application d’un abattement de 10 % par année de détention (contre un abattement de 2 % par an sur le prix d’acquisition, en cas d’application du III de l’article 244 bis A pour les sociétés à l’IS).
La décision
Reprenant le même considérant de principe que dans son arrêt Artémis (24 novembre 2014, n°363556, Sté Artémis, assimilation d’un « general partnership » constitué au Delaware à une société de personnes), le Conseil d’État rappelle que, saisi d’un litige portant sur le traitement fiscal d’une opération impliquant une société de droit étranger, le juge de l’impôt doit identifier au regard de l’ensemble des caractéristiques de cette société et du droit qui en régit la constitution et le fonctionnement, le type de société de droit français auquel la société de droit étranger est assimilable, afin de déterminer le régime applicable à l’opération par la loi fiscale française.
Le Conseil d’État se livre ensuite à cet exercice d’assimilation, en se fondant sur le certificat de constitution de la société américaine, ainsi que sur les dispositions pertinentes du Code du Delaware relatif aux « corporations ».
Il relève, à cet égard que :
- la société a pour objet de réaliser toute activité conforme à la loi du Delaware ;
- ses titres sont librement négociables, sous réserve du droit prioritaire de souscription dont bénéficient les associés en cas d’émission de nouvelles parts ;
- la responsabilité financière des associés est, sauf mention contraire dans le certificat de constitution (ce qui n’était pas le cas en l’espèce), limitée aux apports.
Il en conclut que la société américaine est assimilable à une SAS de droit français, et qu’elle est dès lors passible de l’IS à raison de sa forme sociale, en application du 1 de l’article 206 du CGI, sans qu’il soit besoin d’examiner le caractère lucratif de son activité.