Garantie de l’article L. 80 B du LPF : acception extensive de la notion de prise de position formelle

Le Conseil d’État juge que le courrier rectificatif concernant le type de formulaire déclaratif à utiliser, adressé par l’Administration au crédit-bailleur du contribuable concerné, est susceptible de constituer une prise de position formelle, opposable à l’Administration, sur le fondement des dispositions de l’article L. 80 B du LPF.

Rappel

L’article L. 80 B du LPF étend la garantie du contribuable contre les changements de doctrine administrative (LPF, art. L. 80 A) aux prises de position formelles de l’administration fiscale sur l’appréciation d’une situation de fait au regard d’un texte fiscal.

Pour bénéficier de cette garantie, un certain nombre de conditions doivent être réunies.

L’existence d’une position formellement admise par l’Administration doit notamment résulter d’une réponse écrite signée par un fonctionnaire qualifié pour engager l’administration fiscale (BOI-SJ-RES-10-20-10, 4 mars 2020, n°40).

La prise de position peut être considérée comme formelle dès lors qu’elle est suffisamment explicite, précise et non équivoque ; il faut, de plus qu’elle ait été portée officiellement à la connaissance du contribuable (BOI-SJ-RES-10-20-10, 4 mars 2020, n°60 et 70).

L’histoire

En 2018, une société a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2015 à 2017, à l’issue de laquelle l’Administration a estimé que l’établissement qu’elle exploitait revêtait le caractère d’un établissement industriel (et non commercial), pour les modalités d’application de la CFE.

En conséquence, l’Administration l’a assujettie à des compléments de CFE au titre des exercices 2015 et 2017.

Devant les juridictions, la société ne contestait pas que l’établissement présentait bien un caractère industriel, elle se prévalait cependant d’une prise de position formelle de l’Administration au sens des dispositions de l’article L. 80 B du LPF, lui étant pleinement opposable.

La société requérante faisait valoir que, par courrier du 2 juillet 2004, la contrôleuse principale du service du cadastre de la commune où était situé l’établissement, avait indiqué au crédit-bailleur de l’établissement, qu’une déclaration modèle « U » (relative aux établissements industriels) lui avait été adressée à tort, et l’invitait à lui retourner, dans les meilleurs délais, l’imprimé « CBD » applicable aux locaux commerciaux.

L’Administration a ensuite appliqué à l’établissement les règles d’évaluation prévues en matière de CFE pour les locaux commerciaux.

Les juges d’appel ont considéré que ni ce courrier, adressé au crédit-bailleur, et qui devait s’analyser comme une demande de renseignements, ni l’invitation faite à son destinataire de souscrire la déclaration prévue pour les locaux commerciaux, ne constituaient une prise de position formelle au sens de l’article L. 80 B du LPF.

Ils soulignaient notamment que la déclaration « CBD » ainsi remplie (pas plus que la déclaration « U » initiale) ne comportait de précisions sur les caractéristiques de l’établissement litigieux, ni sur l’importance des moyens techniques mis en œuvre.

Soulignons que, par le passé, le Conseil d’État a jugé à plusieurs reprises que l’évaluation par l’Administration d’un entrepôt selon les règles prévues pour les locaux commerciaux en matière de CFE, alors qu’il revêt en réalité un caractère industriel, ne constitue pas une prise de position formelle de l’Administration, sur l’appréciation, au regard de la loi fiscale, d’une situation de fait, dès lors que celle-ci ne connaissait pas tous les éléments permettant de caractériser cet entrepôt (notamment, CE, 20 juin 2007, n°290265).

La décision du Conseil d’État 

Le Conseil d’État censure la décision des juges du fond et retient, à l’inverse, l’existence d’une prise de position formelle au sens de l’article L. 80 B du LPF, pleinement opposable à l’administration fiscale.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.