Par un arrêt du 15 novembre 2011, la Cour de Cassation vient de renforcer la sécurité juridique des entreprises qui sont contrôlées par la douane (Cass.Com 15 novembre 2011, n° 10-28225). Elle confirme et établit désormais sa jurisprudence puisqu’un précédent arrêt (Cass Com 08-15231, 8 déc 2009) avait déjà apporté des avancées en la matière. Toute cette nouvelle jurisprudence se situe dans la droite ligne de l’arrêt Sopropé de la Cour de Justice des Communautés (CJCE, 18 déc.2008, aff. C-349/07). (Voir également d’autres commentaires sur l’arrêt dans la revue Option Finances n°1150 – Lundi 28 novembre 2011).
Désormais, la douane est obligée d’accepter le dialogue avec l’entreprise et doit respecter le contradictoire durant la procédure de contrôle. Cela se traduit de multiples façons lors du contrôle.
Ainsi, la douane doit-elle inviter l’opérateur à présenter utilement ses observations AVANT toute notification douanière.
- Elle doit entendre non seulement les dirigeants mais aussi les responsables opérationnels.
- Elle doit ouvrir un délai raisonnable à l’entreprise pour qu’elle puisse répondre (par exemple 30 jours) aux procès-verbaux douaniers.
- Elle doit avoir étudié la réponse de l’entreprise AVANT de prendre une décision définitive à son encontre (par exemple un redressement douanier).
- Elle doit transmettre les éléments du débat et notamment les analyses du laboratoire des douanes à l’entreprise, s’il y en a : l’entreprise pouvant le cas échéant les discuter en cas de besoin.
Ainsi, le contradictoire doit être respecté tout au long de la procédure de contrôle douanier.
L’arrêt confirme fermement que la douane doit accepter le dialogue avec l’entreprise, d’égal à égal, pour TOUTES les taxes dont elle assure la collecte : on se rappelle que, depuis le 1er janvier 2010, les articles 67 A à D du code des douanes ont déjà prévu le contradictoire mais uniquement pour les droits de douane. Depuis le 1er juillet 2011, les taxes fiscales prévues par le code général des Impôts bénéficient elles aussi de procédures contradictoires (article L80 M du LPF).
Mais il restait toutes les taxes fiscales prévues au code des douanes sans contradictoire : parmi ces taxes figurent la TGAP, les taxes intérieures de consommation sur les produits énergétiques (par exemple, la TIC (ex TIPP), la TICGN, la taxe sur l’électricité). Demain, il y aura probablement de futures taxes environnementales, de futures Ecotaxes qui seront concernées.
En 2010, le montant des Avis de mise en recouvrement n’ayant pas fait l’objet de procédures contradictoires lors du contrôle avait été évalué à environ 14 millions €. Et lors des contrôles en cours que nous avons pu traiter, on a bien vu que l’administration des douanes ne s’astreint à un dialogue contradictoire lorsqu’elle n’y est pas obligée par les textes.
Il devient donc urgent que la douane mette en place une procédure douanière contradictoire pour les contrôles a posteriori (ex-post) des opérateurs économiques. Ces nouvelles garanties doivent s’appliquer à toutes les taxes dont la douane assure la collecte. Une procédure normée devrait être mise en place par la loi : au minimum, il conviendrait de prévoir :
- l’envoi d’un avis de contrôle mentionnant les taxes concernées,
- des procès-verbaux de constat informant des motifs et du montant potentiel de la taxation,
- des interrogations non seulement des dirigeants sociaux mais aussi des responsables opérationnels des taxes concernées,
- une proposition de taxation dûment motivée avec transmission des éléments du débat à l’opérateur et ouvrant un délai de réponse de 30 jours,
- autant d’échanges écrits que nécessaires entre la douane et l’opérateur, chaque réponse de la douane ouvrant un délai de réponse de 30 jours,
- un avis de fin de contrôle ou à défaut, un procès-verbal de notification de droits dûment motivé et préalable à l’Avis de Mise en Recouvrement douanier.
Une telle procédure serait en ligne avec l’article 16 -4 du code des douanes communautaire modernisé qui prévoit qu’avant de prendre une décision susceptible d’avoir des conséquences défavorables pour la personne à laquelle elles s’adressent, les autorités douanières informent cette dernière des motifs sur lesquels leur décision est fondée. La personne concernée a la possibilité d’exprimer son point de vue dans un délai déterminé. Malheureusement, le code des douanes modernisé n’est pas encore en vigueur et les dernières discussions communautaires évoquent désormais un report au-delà de 2015.
En attendant, il convient que la France se dote d’un outil d’attractivité et de sécurité juridique des entreprises et opérateurs du commerce international. Ne rien faire finirait certainement par coûter plus cher à l’Etat Français, car les contentieux ne manqueront pas de se multiplier. A ce sujet, deux questions prioritaires de constitutionnalité viennent d’être posées par la Cour de cassation concernant des procédures douanières (Cass com 14 octobre 2011 n°11-40053 et Cass com 15 novembre 2011, n°11-16254).
Affaire à suivre…