Avances en compte courant : absence d’assimilation à une libéralité, sauf preuve contraire

Le Conseil d’Etat juge que l’inscription d’une somme dans les comptes d’une société mère, au débit du compte courant ouvert au nom de sa filiale, doit, en principe, lorsqu’elle donne lieu réciproquement, dans les comptes de la filiale à l’inscription de la même somme au crédit du compte courant d’associé ouvert au nom de la mère, être regardée comme traduisant, sauf preuve contraire, l’octroi par la mère à sa filiale d’une avance et non d’une libéralité imposable sur le fondement des dispositions de l’article 111, c du CGI (rémunérations et avantages occultes).

Rappel

Les rémunérations et avantages occultes sont considérés comme des revenus distribués, qu’ils soient ou non prélevés sur les bénéfices et quelle que soit l’identité du bénéficiaire – associé ou tiers – (CGI, art. 111, c).

Notons que le Conseil d’Etat a, de longue date, posé le principe selon lequel l’inscription en comptabilité ne suffit pas à écarter une telle qualification, si elle ne révèle pas, par elle-même, la libéralité (CE, 28 février 2001, n°199295, Thérond, 7 septembre 2009, n°309786, Simon-Bigard).

L’histoire

A l’issue d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2013 et 2014, l’Administration a relevé que des sommes avaient été portées au débit du compte courant ouvert dans les écritures d’une société, au nom de sa filiale.

L’Administration a considéré que l’inscription des sommes litigieuses dans les bilans respectifs de la société vérifiée et de sa filiale ne permettait pas, en raison de l’imprécision des écritures comptables et en l’absence de convention de trésorerie formalisée, d’établir que les sommes en question dont la filiale avait été bénéficiaire étaient constitutives d’une avance de trésorerie.

Elle en a conclu que les sommes litigieuses devaient être regardées comme un avantage occulte, constitutif d’une distribution de bénéfices, imposable entre les mains de la société filiale, en application des dispositions de l’article 111, c, du CGI.

Les juges du fond ont confirmé le redressement.

La décision du Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat relève d’abord que, en raison de la nature et du fonctionnement du compte courant d’associé, les sommes inscrites au crédit d’un tel compte présentent la caractéristique essentielle, en l’absence de convention particulière ou statutaire régissant ce compte, d’être remboursables à tout moment.

Il juge ensuite, dans un considérant de principe très clair, que l’inscription d’une somme, dans les comptes d’une société mère, au débit du compte courant ouvert au nom de sa filiale, doit en principe, lorsqu’elle donne lieu réciproquement, dans les comptes de cette filiale, à l’inscription de la même somme au crédit du compte courant d’associé ouvert au nom de la mère, être regardée comme traduisant, sauf preuve contraire, l’octroi de la mère à sa filiale d’une avance et non d’une libéralité.

Au cas d’espèce, il estime qu’une telle condition était satisfaite – les écritures comptables de la société mère, comme de la société filiale, retraçant, de manière symétrique, l’opération réalisée.

Aussi, même en l’absence de convention de trésorerie conclue entre les 2 sociétés, le Conseil d’Etat considère que les sommes litigieuses ne pouvaient pas être assimilées à une libéralité consentie par la société mère à sa filiale, en l’absence de tout élément de preuve contraire apporté par l’Administration.

Rappelons que le Conseil d’Etat a jugé, il y a quelques années, que le montant des soldes débiteurs des comptes courants ouverts dans les écritures d’une société au nom de ses associés doit, sauf preuve contraire, être regardé, sur le fondement des articles 109,2° du CGI (qui répute distribué l’ensemble des sommes ou valeurs mises à la disposition des associés et non prélevé sur les bénéfices) et 111, a) du CGI (en vertu duquel les sommes mises à la disposition des associés de société soumises à l’IS à titre d’avances, prêts ou acomptes, sont présumées constituer des revenus distribués) comme des revenus distribués.

Il a néanmoins précisé qu’en cas de variation de ce solde d’une année civile sur l’autre, seule la différence positive entre ces 2 soldes peut légalement être incluse dans le revenu imposable de l’associé (CE, 27 décembre 2019, n°420478).

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.