Avantage occulte consenti par une société de capitaux à une société de personnes française détenue par des non-résidents : Identité du redevable de la RAS ?

Le Conseil d’Etat juge que l’avantage occulte consenti par une société de capitaux à une société de personnes française dont les associés sont des non-résidents, doit être soumis à une RAS dont l’unique redevable est la société de personnes, en tant qu’établissement payeur.

L’affaire

Une société française soumise à l’IS, ayant pour associés des personnes physiques résidents fiscaux du Royaume-Uni, exerce une activité de construction-vente d’immeubles touristiques. Elle procède à la cession de 3 immeubles à une SARL, soumise au régime fiscal des sociétés de personnes, intégralement détenue par les mêmes associés.

A l’issue d’une vérification de comptabilité de la société cédante, l’administration fiscale conteste le prix de cession, le considérant sous-évalué, et procède à la réintégration de cette sous-estimation. Estimant que la minoration du prix de cession pouvait s’analyser comme une distribution occulte au profit des associés de la société de personnes, l’Administration la considère comme imposable en tant que revenu distribué entre leurs mains (CGI, art. 111 c) et redresse la RAS prévue par l’article 119 bis, 2 du CGI.

La société cédante forme un pourvoi contre la décision d’appel, notamment en ce qu’elle maintient les suppléments d’IS au titre de la réintégration de la minoration du prix de cession dans son résultat et la RAS mis à sa charge.

La décision

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat se prononce sur la qualification d’acte anormal de gestion (acte par lequel une entreprise décide de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêt) de la cession d’immobilisation à prix minoré.

A ce titre, il rappelle le principe en vertu duquel la démonstration de l’acte anormal de gestion repose sur l’Administration, qui doit établir d’une part, l’appauvrissement objectif de l’entreprise et d’autre part, l’intention que cette dernière a eu d’agir contre son intérêt (CE, 27 juillet 1984, n°34588, SA Renfort Service). Puis, le Conseil d’Etat reprend le considérant de principe de sa décision Croë Suisse qui assimile, entre autres, la cession d’un actif immobilisé à prix manifestement minoré aux actes de nature si anormale que l’Administration n’a pas besoin de prouver l’intentionnalité de l’entreprise (CE, 21 décembre 2018, n°402006, notamment confirmée par CE, 22 janvier 2020, n°420816).

Relevant notamment que la Cour d’appel a fait peser sur l’administration fiscale la charge de la preuve de la minoration du prix de cession des immeubles et de la collusion d’intérêt entre la société cédante et la société cessionnaire, le Conseil d’Etat valide son raisonnement.

Dans un second temps, le Conseil d’Etat se prononce sur le bien-fondé de la RAS.

Le Conseil d’Etat juge qu’il résulte de la lecture combinée d’une part, des articles 158, 3, 111, 119 bis, 1672, 2 et 4 du CGI, des articles 75 et 79, 4 de l’annexe II à ce code, et d’autre part, de l’article 8 du CGI que lorsqu’une société de personnes perçoit des rémunérations et avantages occultes, elle est tenue de prélever la RAS due par ses associés résidant hors de France, à raison de leurs quotes-parts respectives (voir en ce sens BOI-RPPM-RCM-30-30-10-80, §40, 20 décembre 2019 « Les sociétés de personnes et assimilées visées à l’article 8 du CGI […] qui ont leur siège en France sont donc tenues d’opérer la retenue à la source sur la quote-part de ces revenus qui correspond aux droits de leurs membres dont le domicile ou le siège est situé hors de France. »). Ainsi, seule la société de personnes française est redevable de la RAS prévue à l’article 119 bis du CGI en sa qualité « d’établissement payeur ».

Le Conseil d’Etat casse par suite l’arrêt d’appel qui juge que la RAS due par les associés de la société de personnes pouvait être mise à la charge de la société de capitaux qui avait octroyé l’avantage occulte (en raison de l’erreur sur l’identité du redevable de la RAS) et renvoie l’affaire devant la CAA de Lyon.

On notera que le Conseil d’Etat complète ici de manière bienvenue sa jurisprudence relative aux distributions occultes effectuées depuis la France vers l’étranger (CE, 5 avril 2013, n°350316, Sté Vivendi Télécom International : dans l’hypothèse d’une distribution occulte opérée vers l’étranger, la société procédant à la distribution doit être regardée comme établissement payeur, et par suite comme le redevable de la RAS, à moins qu’elle n’établisse que l’établissement qui a procédé, pour son compte, au paiement de la somme en cause avait connaissance de son caractère de revenu distribué – cette jurisprudence concernait toutefois des établissements payeurs qui relevaient d’une catégorie autre que les sociétés de personnes).

Photo de Alice de Massiac
Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

Photo de Myriam Mouloudj
Myriam Mouloudj

Myriam, Avocate, possède une expérience de près de 15 ans en fiscalité. Arrivée chez Deloitte Société d’Avocats en 2006, elle réintègre le cabinet en 2019 pour rejoindre le Comité Scientifique […]