Les avis recueillis sont, pour le moins, mitigés.
Eléments de contexte
La Commission européenne a publié, le 12 septembre 2023, la proposition de Directive dite « BEFIT » (Business in Europe : Framework for income taxation). Celle-ci vise à instaurer un nouveau cadre pour la fiscalité des entreprises dans l’UE, avec un corpus réglementaire unique en matière d’impôt sur les sociétés, reposant sur une assiette commune et une méthode de répartition forfaitaire des résultats, qui se substituerait à la précédente proposition « ACCIS ».
Ce projet prévoit une consolidation fiscale obligatoire pour les grands groupes internationaux, regroupant les entités localisées au sein de l’UE et détenues à plus de 75 %. Le résultat imposable du groupe serait déterminé à partir du résultat en normes consolidées de chacune des entités membres, avant d’être soumis à des ajustements, puis une quote-part de ce résultat fiscal serait allouée à chacune des entités membres du groupe BEFIT selon une clef spécifique, afin de donner lieu au paiement de l’IS dans chacun des EM de l’UE.
Il est prévu que ce texte soit transposé par les Etats membres avant le 1er janvier 2028 avec une 1re application à compter du 1er juillet 2028.
Une consultation publique a été lancée sur le projet de texte, avant d’être clôturée le 28 janvier 2024.
Les résultats de la consultation publique
La Commission européenne vient de publier un bref rapport synthétisant, dans les grandes lignes, les 49 avis reçus (émanant pour l’essentiel d’organisations professionnelles).
Si les participants à la consultation se sont montrés favorables aux objectifs affichés de simplification et de sécurité juridique, ils ont cependant soulevé des préoccupations relatives :
- Au timing et à l’articulation de BEFIT et des règles « Pilier 2 » : De nombreux participants déplorent que la proposition de directive BEFIT ait été dévoilée avant même que les règles « Pilier 2 » ne soient pleinement déployées.
Le manque d’harmonisation entre BEFIT et « Pilier 2 » est également critiqué et certains réclament un alignement des champs d’application/définitions/méthodes comptables admissibles/ajustements devant être pratiqués pour la détermination de l’assiette imposable. D’autres craignent même que les effets bénéfiques de BEFIT (possible consolidation des pertes transfrontalières) ne se révèlent être préjudiciables pour l’application de « Pilier 2 » (diminution du TEI).
- Aux promesses (non tenables ?) de BEFIT : L’immense majorité des participants émettent de sérieux doutes quant aux bénéfices promis par la proposition de directive (simplification, réduction des coûts administratifs et sécurité juridique). Ils craignent, au contraire, que ces règles ne viennent alourdir un mille-feuilles législatif déjà conséquent, et qu’elles n’engendrent une croissance des coûts pour les groupes.
- A la clef de répartition temporaire : Pour mémoire, la proposition de texte ne prévoit, à ce stade, qu’une clef de répartition temporaire de l’assiette imposable entre les différents Etats membres, proportionnelle au résultat fiscal de l’entité par rapport au résultat fiscal BEFIT du groupe, l’objectif étant de la remplacer, à terme, par une formule de calcul plus élaborée, dont les contours ne sont, à ce jour, pas connus.
Les participants relèvent que la clef de répartition temporaire comporte des risques de double imposition, et s’inquiètent de sa compatibilité avec le Montant A de Pilier 1.
Ils déplorent également l’absence de visibilité quant à l’architecture de la clef de répartition définitive.
- Aux aspects prix de transfert : Manque de clarté des règles proposées et simplification non satisfaisante. Risque de contrariété au Montant B de Pilier 1.
- A son articulation avec les autres directives européennes : Les participants regrettent une absence de cohérence avec les autres directives européennes, et dénoncent une complexification des règles applicables.
- Aux incidences de BEFIT sur les conventions fiscales bilatérales : Risque d’incompatibilité avec les conventions fiscales conclues avec des Etats tiers (notamment s’agissant du traitement des établissements stables), qui pourrait entraîner une obligation de renégociation de certaines conventions.
- Aux incidences de BEFIT sur la compétitivité des Etats membres : Risque de décourager les investissements en raison de la hausse des coûts administratifs et des incertitudes quant à la forme que revêtirait finalement la clef de répartition « définitive ».
Prochaines étapes
Selon nos informations, les membres du Parlement européen rédigent actuellement un rapport sur BEFIT. Néanmoins, les élections européennes de juin approchant, c’est à la « nouvelle » composition du Parlement que devrait revenir la tache de finaliser le rapport sur le projet de directive.
Le vote du Parlement européen sur le projet de directive BEFIT devrait donc avoir lieu, au plus tôt, au cours du second semestre 2024.
Rappelons que si, en matière fiscale, le Parlement européen doit être consulté dans le cadre du processus d’adoption des directives, ni l’avis formulé, ni les éventuels amendements proposés, ne sont juridiquement liants pour le Conseil de l’UE, auquel il incombe d’adopter formellement et définitivement les propositions de directives.