Cession de titres à prix minoré : incidences en intégration fiscale (régime pré-LF 2019)

La CAA de Lyon tire les conséquences d’une cession intragroupe de titres à prix minoré, dans le cadre du régime antérieur à la LF 2019.

Rappel

Lorsque l’Administration établit que la cession d’un élément d’actif a été réalisée à un prix manifestement minoré (existence d’un « écart significatif » entre le prix de vente et la valeur vénale), l’intention libérale est présumée (CE, 28 février 2001, n°199295, Thérond).

Le juge de l’impôt considère, en règle générale, qu’un écart significatif est un écart d’au moins 20 % (CE, 3 juillet 2009, n°301299 ou encore CE, 31 mars 2010, n°297307). Il ne s’agit toutefois pas d’une règle absolue, le Conseil d’État ayant récemment jugé que, dans des circonstances particulières, un écart de 14,1 % pouvait également être regardé comme significatif (CE, 7 avril 2023, n°466247, Sté Crédit Agricole).

C’est alors au contribuable de justifier que l’appauvrissement en résultant a été décidé dans son intérêt, soit qu’il se soit trouvé dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu’il en ait tiré une contrepartie (CE,21 décembre 2018, n°402006, Sté Croë Suisse, rapidement confirmé à plusieurs reprises, notamment CE, 6 février 2019, n°410248, SARL Alternance et 15 février 2019, n°407531, SARL Hulia).

L’histoire

En juin 2013, une société membre d’une intégration fiscale a cédé à sa mère intégrante l’intégralité des titres qu’elle détenait dans une société tierce.

A l’issue d’une vérification de comptabilité, l’Administration a remis en cause la valorisation des titres cédés, avant de mettre en évidence que la cession avait été réalisée pour un prix significativement inférieur à leur valeur vénale, procédant d’un acte anormal de gestion et devant s’analyser comme une subvention indirecte accordée à la société tête de groupe.

Elle en a dès lors tiré les conséquences pour la détermination du résultat d’ensemble, et fait application de l’amende de 5 % sanctionnant le défaut de production du formulaire 2058-SG-SD (état de suivi des abandons de créances et subventions en intégration fiscale).

La décision de la CAA de Lyon

Sur la méthode de valorisation des titres

La CAA de Lyon rappelle, de manière classique, que la valeur vénale des actions non admises à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte-tenu de tous les éléments dont l’ensemble permet d’obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu’aurait entraîné le jeu normal de l’offre et de la demande à la date où la cession est intervenue.

Au cas d’espèce, l’Administration avait choisi – faute de disposer de transactions comparables – de déterminer la valeur vénale des titres cédés par application d’une méthode consistant à retenir une valeur moyenne pondérée par application des coefficients de 2 et de 1 respectivement à une valeur mathématique et à des valeurs de productivité.

La société requérante faisait notamment grief à l’Administration de n’avoir pas suffisamment tenu compte de la forte dépendance économique de la société cédée, qui réalisait plus de la moitié de son chiffre d’affaires avec la société cédante.

La CAA considère, au contraire, qu’en appliquant une décote de 20 % de la valorisation qu’elle avait calculée, l’Administration avait bien tenu compte de cette spécificité (dans le même sens, CAA Paris, 30 juin 2023, n°21PA04673).

Elle confirme l’évaluation retenue par l’Administration, ainsi que l’existence d’un écart significatif entre le prix de cession et la valeur vénale (notons que l’arrêt ne précise pas expressément l’importance de cet égard).

Sur la caractérisation d’un AAG

La requérante tentait d’écarter la qualification d’acte anormal de gestion, en arguant que, dans un groupe fiscalement intégré, il n’y avait aucune raison de sous-estimer la valeur des titres cédés à une société membre du même groupe, en raison du mécanisme de neutralisation des plus-values de cession intra-groupe (pleinement applicable à l’époque des faits). Elle soulignait également qu’en abandonnant, en cours de procédure, l’application des pénalités pour manquement délibéré, l’Administration avait nécessairement reconnu l’absence de caractère délibéré de la minoration.

La Cour juge cependant que ces éléments ne sont pas de nature à établir que la société se serait trouvée dans la nécessité de procéder à une cession à un prix minoré, ou qu’elle en aurait tiré une contrepartie.

Sur les incidences de cette cession à prix minoré pour la détermination du résultat de l’intégration fiscale

La CAA décline ici les règles en vigueur au titre des exercices ouverts avant le 1er janvier 2019 (régime pré-LF 2019) :

  • Neutralisation en totalité de la plus-value de cession des titres pour la détermination du résultat d’ensemble (CGI, art. 223 F – aujourd’hui, plus de neutralisation de la QPFC en cas de cession de titres de participation) ;
  • Déduction du montant des sommes correspondant à la subvention indirecte accordée à la mère intégrante bénéficiaire pour la détermination du résultat d’ensemble (CGI, art. 223 B – aujourd’hui, le principe général de neutralisation des subventions et abandons de créances n’existe plus – avec une exception, s’agissant des subventions indirectes résultant de la livraison de biens ou de la prestation de services, pour un prix inférieur à leur valeur réelle mais au moins égale à leur prix de revient).

La Cour juge qu’il n’y a pas lieu de procéder à d’autres retraitements, et que la somme réintégrée dans les résultats individuel de la cédante ne constitue pas une plus-value à long terme.

Elle confirme, de plus, l’application de l’amende de 5 % pour défaut de production du formulaire 2058-SG-SD.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.