Rappel
Lorsque l’Administration établit que la cession d’un élément d’actif a été réalisée à un prix manifestement minoré (existence d’un « écart significatif » entre le prix de vente et la valeur vénale), l’intention libérale est présumée (CE, 28 février 2001, n°199295, Thérond).
Le juge de l’impôt considère, en règle générale, qu’un écart significatif est un écart d’au moins 20 % (CE, 3 juillet 2009, n°301299 ou encore CE, 31 mars 2010, n°297307). Il ne s’agit toutefois pas d’une règle absolue, le Conseil d’État ayant récemment jugé que, dans des circonstances particulières, un écart de 14,1 % pouvait également être regardé comme significatif (CE, 7 avril 2023, n°466247, Sté Crédit Agricole).
C’est alors au contribuable de justifier que l’appauvrissement en résultant a été décidé dans son intérêt, soit qu’il se soit trouvé dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu’il en ait tiré une contrepartie (CE, 21 décembre 2018, n°402006, Sté Croë Suisse, rapidement confirmée à plusieurs reprises, notamment CE, 6 février 2019, n°410248, SARL Alternance et 15 février 2019, n°407531, SARL Hulia).
L’histoire
En mai 2009, une SASU, détenue par une personne physique, exploitant un supermarché sous enseigne, acquiert 50 % du capital d’une société holding détenant elle-même les titres d’une société exploitant également un supermarché sous la même enseigne. Les 50 % restant du capital de la holding étaient détenus par les membres de la famille de l’actionnaire de la SASU.
En août 2015, la SASU vend les 50 % qu’elle détenait dans la holding à son co-actionnaire personne physique.
A l’issue d’un contrôle sur pièces, l’Administration a estimé que la SASU avait vendu les titres à un prix délibérément minoré (prix de cession plus de 60 fois inférieur à la valeur vénale reconstituée) et qu’elle était intervenue dans le cadre d’une relation d’intérêt (l’actionnaire unique de la société cédante étant le père du cessionnaire), de sorte qu’elle devait être regardée comme dissimulant une libéralité consentie par la société cédante au cessionnaire.
L’Administration a, par conséquent, réintégré le montant de cette libéralité dans le résultat imposable de la SASU.
La décision de la CAA de Lyon
Sur la méthode de valorisation des titres
La CAA de Lyon rappelle, de manière classique, que la valeur vénale des actions non admises à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte-tenu de tous les éléments dont l’ensemble permet d’obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu’aurait entraîné le jeu normal de l’offre et de la demande à la date où la cession est intervenue.
A défaut de disposer de transactions comparables dans le cas d’espèce, l’Administration a déterminé la valeur vénale des titres cédés en combinant la valeur mathématique des actions avec leur valeur de rentabilité.
La Cour valide la méthode retenue et relève qu’elle aboutit à une valeur vénale 60 fois supérieure au prix de cession, mettant ainsi en évidence une cession « à un prix significativement inférieur ».
Sur l’existence d’une contrepartie (non)
La Cour confirme, sans difficulté, l’existence de « liens familiaux, d’affection et d’intérêt » entre les parties à l’acte, de sorte que l’intention libérale était présumée.
La société a, en vain, tenté de prouver l’existence d’une contrepartie à cette minoration significative du prix de cession, en se prévalant notamment du mécanisme de parrainage entre les entreprises exploitant des magasins de la même enseigne sous la forme de prêts à des conditions avantageuses.
La Cour écarte l’argument, avant de conclure que l’Administration apportait bien la preuve de l’existence d’un acte anormal de gestion.