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Cession de titres à prix minoré – Selon le CE, pas d’AAG lorsque le prix de cession a été antérieurement fixé dans le cadre d’une convention de portage

Rappel

Le Conseil d’Etat a posé le principe selon lequel, en cas de cession d’actif à un prix manifestement minoré (existence d’un « écart significatif » entre le prix de vente et la valeur vénale), l’Administration est réputée apporter la preuve de l’existence d’un AAG, à moins que le contribuable ne soit en mesure de justifier que l’appauvrissement en résultant a été décidé dans son intérêt, soit qu’il se soit trouvé dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu’il en ait tiré une contrepartie (CE, 21 décembre 2018, n°402006, Sté Croë Suisse, rapidement confirmée à plusieurs reprises, notamment CE, 6 février 2019, n°410248, SARL Alternance et 15 février 2019, n°407531, SARL Hulia).

L’histoire

En 2002, une société et 2 contribuables personnes physiques, appartenant à un réseau de commerçants indépendants, constituent une société de portage (capital souscrit à hauteur de 66% par les 2 personnes physiques et de 34 % par la société), en vue de la reprise des titres d’une société tierce, exploitant un magasin franchisé de l’enseigne.

Dans ce cadre, plusieurs conventions ont été conclues entre les actionnaires de la société de portage, prévoyant notamment un engagement de l’actionnaire personne morale de céder aux 2 actionnaires personnes physiques sa participation de 34 % à un prix convenu d’avance (cession à la valeur nominale des titres), à l’expiration d’un délai de 12 ans maximum.

Conformément à cet engagement, en 2011, la personne morale a cédé les titres considérés pour leur valeur nominale, aux 2 actionnaires personnes physiques.

A l’issue d’une vérification de comptabilité de la société cédante, l’Administration a mis en évidence l’existence d’un écart significatif entre le prix de cession convenu et la valeur vénale des titres, et a notamment entendu imposer la différence correspondant à un revenu distribué entre les mains des 2 actionnaires personnes physiques, sur le fondement de l’article 109,1,1° du CGI.

La décision du Conseil d’Etat

Imposition entre les mains des cessionnaires – Base légale retenue

Le Conseil d’Etat juge d’abord que lorsque l’Administration rehausse le résultat d’une entreprise passible de l’IS à raison d’un AAG commis à l’occasion de la cession par cette entreprise d’un élément de son actif immobilisé à un prix minoré et qu’une telle rectification fait apparaître un bénéfice, l’avantage ainsi délibérément octroyé est constitutif d’une distribution de revenus entre les mains du cessionnaire, en application des dispositions de l’article 109,1,1° du CGI.

A cet égard, dès lors que l’Administration soutient que la cession d’un tel élément a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale qu’elle a retenue et que le contribuable cessionnaire n’apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation, elle doit alors être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de l’acte de cession, si le contribuable ne justifie pas que l’appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l’intérêt de l’entreprise.

Le Conseil d’Etat vient ici transposer, pour l’application de l’article 109,1,1° (revenus réputés distribués), sa jurisprudence Thérond (CE, 28 février 2001, n°199295), rendue pour l’application de l’article 111, c du CGI (distributions occultes).

Sur l’existence d’une contrepartie à la minoration du prix de cession

Le Conseil d’Etat pose ensuite le principe selon lequel, dans le cas particulier où le contribuable fait valoir, pour justifier des conditions auxquelles la transaction a été réalisée, que l’entreprise était tenue par un engagement antérieurement contracté de lui céder le bien à un prix fixé à l’avance, le caractère normal ou anormal de l’opération doit alors être apprécié au regard de l’intérêt de l’entreprise de contracter cet engagement à la date à laquelle celui-ci a été souscrit.

Il précise que dans une telle hypothèse, il appartient alors au contribuable d’apporter des éléments susceptibles de justifier :

  • Soit que le prix fixé dans cet acte n’était pas significativement inférieur à la valeur vénale future du bien telle qu’elle pouvait, à la date à laquelle l’engagement a été contracté, être raisonnablement anticipée par les parties à l’acte ;
  • Soit que l’entreprise trouvait à cette date un intérêt propre à consentir cet avantage de prix au regard des contreparties attendues de l’opération.

Se prononçant ensuite au fond, le Conseil d’Etat juge que le contribuable apportait bien une telle preuve au cas d’espèce.

Il souligne, à cet égard, que l’engagement préalable pris par la société de céder les titres litigieux pour leur valeur nominale s’inscrivait dans un ensemble contractuel, qui lui avait notamment permis de s’assurer, jusqu’à la date de remboursement de son compte courant d’associé de la société de portage, tant du maintien du point de vente sous enseigne, que de l’implication de ses 2 co-actionnaires personnes physiques dans le développement de ce point de vente , lesquels s’interdisaient, de plus, dans l’intervalle, toute distribution de dividendes.

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    Alice de Massiac

    Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à…

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    Clara Maignan

    Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique…