Changement d’activité réelle consécutif à une fusion

La CAA de Versailles juge que le changement d’activité réelle de la société absorbante résultant de l’opération de fusion emporte cessation d’entreprise et donc perte de ses déficits reportables.

Rappel

Par application des dispositions de l’article 221, 5 du CGI, le changement de l’objet social ou de l’activité réelle d’une société emporte cessation d’entreprise ce qui entraîne, notamment, une imposition immédiate de ses bénéfices d’exploitation non encore taxés et une perte du report de ses déficits antérieurs à la cessation d’entreprise.

Un changement d’activité réelle peut notamment résulter de l’adjonction d’une activité entraînant, au titre de l’exercice de sa survenance ou de l’exercice suivant, une augmentation de plus de 50 % par rapport à l’exercice précédant celui de l’adjonction soit du chiffre d’affaires de la société, soit de l’effectif moyen de son personnel et du montant brut des éléments de son actif immobilisé.

Une telle adjonction d’activité peut résulter aussi bien de l’acquisition d’une activité auprès d’une autre entreprise, que du développement d’une nouvelle activité en interne, ou encore d’une opération de restructuration.

L’histoire

Une société, ayant eu un temps une activité de construction-vente, absorbe en octobre 2013, avec effet rétroactif au 1er avril 2013, une société ayant une activité de location immobilière.

Il semblerait que la société n’ait pas sollicité le bénéfice du régime de faveur dans le cadre de cette fusion, ni le transfert des déficits de la société absorbée.

A l’issue d’une vérification de comptabilité, l’Administration a estimé que l’opération de fusion avait entraîné une adjonction d’activité, constitutive, pour la société absorbante, d’un changement d’activité, de nature à faire obstacle au report de ses propres déficits au titre des exercices ultérieurs.

La décision de la CAA de Versailles

La CAA de Versailles confirme l’analyse de l’Administration, de la Commission départementale des impôts directs et des juges de 1re instance.

Sur l’absence d’identité d’activité

Rappelons, à titre liminaire, que la doctrine administrative admet que l’adjonction d’une « activité strictement identique » à celle exercée initialement par la société, n’est pas considérée comme une adjonction susceptible de caractériser un changement d’activité (BOI-IS-CESS-10, 2 août 2017, § 280).

Dans le cas d’espèce, la Cour écarte l’existence d’une identité des activités respectivement exercées par l’absorbante et par l’absorbée.

Elle relève que si la société absorbante, avait, depuis sa création en 1990, un objet social très vaste et qu’elle avait, un temps, exercé une activité de construction-vente d’un ensemble immobilier, son activité s’était bornée, au titre du dernier exercice avant la fusion, à réaliser des prestations de services au profit de sociétés appartenant au même groupe.

La société absorbée exerçait, elle, une activité de location immobilière et ses revenus, au titre de l’exercice de la fusion, étaient intégralement constitués par les loyers perçus dans ce cadre.

La Cour juge ainsi que la promotion immobilière, l’entretien et la rénovation de biens immobiliers, d’une part, et la location immobilière, d’autre part, sont des activités différentes au sens des dispositions de l’article 221 du CGI. Elle indique également qu’est sans incidence à cet égard la circonstance qu’il y aurait identité des moyens d’exploitation mis en œuvre et de la clientèle cible.

Sur l’appréciation de la variation de plus de 50 % du chiffre d’affaires

La Cour compare les chiffres d’affaires réalisés par l’absorbante au titre de l’exercice de réalisation de la fusion et de l’exercice suivant (en les ventilant par types d’activité), avec celui réalisé au titre de l’exercice précédant la fusion.

Elle en conclut, sans difficulté, que le chiffre d’affaires afférent à la location immobilière a entraîné une augmentation de plus de 50 % du chiffre d’affaires par rapport à l’exercice précédant celui de la fusion.

On notera les 2 éléments suivants :

  • La société tentait de se prévaloir de commentaires au BOFiP, dans le cadre desquels l’Administration a indiqué que les déficits subis antérieurement à un changement d’activité réelle caractérisant une cessation d’entreprise demeurent imputables sur les bénéfices d’exploitation non encore taxés, les bénéfices en sursis d’imposition et les PV latentes incluses dans l’actif social imposables au titre de l’exercice au cours duquel le changement d’activité est caractérisé (BOI-IS-CESS-10, 2 août 2017, § 490).
    La Cour lui en refuse le bénéfice, ces précisions ayant été introduites au BOFiP postérieurement à l’opération de restructuration .
  • Plus récemment, l’Administration est venue préciser que le transfert des déficits (sur agrément ou de plein droit) réalisé dans le cadre d’une fusion bénéficiant du régime de faveur ne peut pas être remis en cause par le seul fait que la société absorbante ait elle‐même changé d’activité à la suite de l’opération (BOI-RES-IS-000103 du 29 décembre 2021).
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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.