La CAA de Nantes se prononce sur les modalités de mise en œuvre du mécanisme de révision de la « branch tax » sur la base des distributions effectives.
On sait que les bénéfices réalisés en France par l’établissement stable d’une société étrangère sont réputés distribués, au titre de chaque exercice, aux associés n’ayant pas leur domicile fiscal ou leur siège social en France et soumis à ce titre à une retenue à la source (« branch tax », CGI, art. 115 quinquies).
Cette retenue à la source est prélevée au taux de 12,8 % (bénéficiaires personnes physiques), 26,5 % (bénéficiaires personnes morales – taux d’IS 2021) ou 75 % (ETNC), sous réserve des réductions qui peuvent être prévues par les conventions fiscales le cas échéant.
L’application de cette retenue à la source peut être écartée, soit parce que la société étrangère a son siège dans un État de l’UE ou de l’EEE, soit parce que la convention fiscale applicable s’y oppose (étant précisé que les conventions fiscales conformes au modèle OCDE comportent une disposition générale interdisant l’application d’une branch tax).
Lorsqu’elle est applicable, cette retenue à la source est assise sur le montant des bénéfices réalisés en France, c’est-à-dire le montant total des résultats imposables ou exonérés, l’impôt sur les sociétés étant déductible de l’assiette ainsi formée.
La société étrangère peut toutefois atténuer les effets de cette présomption de distribution en demandant une nouvelle liquidation de la retenue à la source, dans 2 hypothèses :
- si les sommes auxquelles elle a été appliquée excèdent le montant total de ses distributions effectives
- ou si la société justifie que les revenus ont été distribués à des personnes résidentes de France
La LF 2020 a, en outre, ménagé la faculté pour les sociétés européennes de demander une révision de la branch tax, si elles sont en mesure de prouver que les sommes auxquelles la retenue à la source a été appliquée n’ont pas été désinvesties hors de France.
L’histoire
Une société américaine, disposant en France d’une succursale, s’est acquittée de la branch tax au titre de l’exercice clos en 2011, au taux de 5 % (par application combinée de l’art. 115 quinquies du CGI et de l’art. 10, 8 de la convention franco-américaine).
Dans le cadre d’une réclamation, la société américaine a sollicité une nouvelle liquidation de la branch tax, en invoquant l’absence de distribution effective du bénéfice de sa succursale française, dans la mesure où la société a enregistré au niveau global une perte comptable au titre du même exercice.
L’Administration a refusé de faire droit à cette demande de révision, en relevant que l’entité américaine avait procédé à 2 distributions effectives de dividendes en 2012, d’un montant total supérieur au bénéfice après impôt réalisé par la succursale française.
La décision
Devant la CAA de Versailles, la société contestait la légalité des dispositions réglementaires du CGI encadrant les conditions de mise en œuvre de la révision de la branch tax sur la base des distributions effectives.
L’article 380 de l’annexe II du CGI prévoit que les distributions à retenir pour l’application de la nouvelle liquidation sont les distributions (produits d’actions et de parts sociales et revenus assimilés) effectuées durant les 12 mois suivant la clôture de l’exercice dont les résultats ont été retenus pour le calcul de la retenue à la source initiale, et ce quel que soit l’exercice auquel ces distributions se rapportent (BOI-RPPM-RCM-30-30-30-10-06/03/2017, § 210).
Pour la société, ces dispositions (d’origine réglementaire) sont en contradiction avec celles de l’article 115 quinquies (d’origine légale), qui précisent que la branch tax a pour assiette les bénéfices réputés distribués « au titre de chaque exercice » et doivent être regardées comme intervenant dans le domaine de compétence réservé au législateur (ce qui est contraire à la Constitution).
La CAA relève toutefois que l’assiette de la liquidation initiale de branch tax est bien distincte de celle retenue en cas de nouvelle liquidation.
Elle souligne, par ailleurs, que l’article 380 de l’annexe II du CGI se contente d’expliciter les modalités de mise en œuvre de la nouvelle liquidation de la retenue à la source en précisant :
- la notion de distributions (distributions au sens des articles 109 et suivants du CGI)
- la période durant laquelle les distributions sont retenues (12 mois suivant la clôture de l’exercice)
Enfin, la Cour juge que la société américaine ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d’une révision de la branch tax :
- la société a procédé, dans la période de 12 mois suivant la clôture de l’exercice, à des distributions effectives d’un montant supérieur aux bénéfices réalisés et réputés distribués au cours de l’exercice (peu important à cet égard que ces distributions aient pour origine des réserves constituées au titre d’exercices antérieurs à celui clos en 2011)
- il n’y a pas lieu de tenir compte des pertes comptables enregistrées au niveau mondial, lesquelles sont sans incidence sur l’existence au plan fiscal de distributions effectives de bénéfices réalisés en France.