Convention fiscale et notion de résidence : Cas d’une « dormant company » britannique

La CAA de Nancy juge qu’une « dormant company » britannique ne saurait être considérée comme résidente au sens conventionnel. Il importe peu, à cet égard, qu’elle ait ensuite révoqué sa radiation, et déposé des déclarations rectificatives au titre des années considérées.

Rappel

On sait que seuls les résidents d’un des États signataires peuvent revendiquer les avantages prévus par une convention fiscale signée entre les 2 États.

La grande majorité des conventions fiscales conclues par la France prévoient, en conformité avec la convention modèle OCDE, qu’il convient d’entendre par résident d’un État contractant « toute personne qui, en vertu de la législation dudit État, est assujettie à l’impôt dans cet État… ».

Il y a quelques années déjà, le Conseil d’État a jugé que tel n’est pas le cas des personnes exonérées d’impôt dans leur État d’établissement à raison de leur statut ou de leur activité, c’est-à-dire qui, de façon structurelle, ne peuvent pas être regardées comme assujetties à cet impôt au sens conventionnel (CE, 9 novembre 2015, n°370054 LHV et n°371132 Santander Pensiones).

Ce principe a ensuite été confirmé, notamment, dans le cas d’une société libanaise exonérée de l’imposition de droit commun sur ses bénéfices, mais soumise à une imposition forfaitaire annuelle modique (CE, 20 mai 2016, n°389994, Société EasyVista).

L’histoire

Une société française a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2014 à 2016, à l’issue de laquelle l’Administration a entendu soumettre à la retenue à la source de l’article 182 B du CGI les sommes versées, à titre de redevances et en rémunération de prestations de services, à une société britannique.

Pour s’opposer au redressement, la société française a, notamment, sollicité le bénéfice des dispositions de la convention franco-britannique, lesquelles attribuent l’imposition exclusive des redevances à l’Etat de résidence de leur bénéficiaire effectif (art. 13 de la convention du 19 juin 2008).

La décision de la CAA de Nancy

La difficulté tenait dans l’espèce à ce que la société britannique bénéficiaire des redevances, s’était déclarée auprès de l’administration britannique, au titre des années considérées, en sommeil (« dormant company »), et n’y avait déposé aucune déclaration de résultats, jusqu’à sa radiation au cours de l’année 2017.

La CAA de Nancy juge, en 1er lieu, qu’en application des dispositions de la convention franco-britannique relatives à la notion de « résident » (art. 4, en ligne avec la convention modèle OCDE), « une personne exonérée d’impôt dans un Etat contractant à raison de son statut ou de son activité, ou soumise à une imposition forfaitaire modique » ne peut être regardée ni comme assujettie à cet impôt, ni, par voie de conséquence, comme résident de cet Etat pour l’application de la convention.

Elle juge ensuite qu’au cas d’espèce, le statut de « dormant company » implique que la société en sommeil n’est plus soumise à aucune imposition, même forfaitaire, et n’est tenue à aucune obligation en matière comptable ou fiscale.

Elle en conclut que c’est à juste titre que l’Administration a estimé que la société ne pouvait pas être regardée comme résidente du Royaume-Uni et a, en conséquence, écarté l’application des dispositions conventionnelles.

La Cour précise qu’est sans incidence à cet égard la circonstance qu’au cours du contrôle fiscal de la société française, la société britannique a révoqué sa radiation et a déposé des déclarations de bénéfices rectificatives au titre des années 2014 à 2016, comportant l’indication des sommes reçues en rémunération de ses services et à titre de redevances, pour obtenir un certificat de résidence de l’Administration britannique.

Elle juge, en effet, que ces éléments ne sauraient « utilement remettre en cause le statut de non-assujettissement aux impôts qui était le sien au cours des années litigieuses ».

On notera, au surplus, que l’Administration avait par ailleurs établi que la société britannique n’était de toutes façons pas le bénéficiaire effectif des revenus litigieux.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.