Coronavirus & financement immobilier : quelles sont les solutions alternatives de financements existantes en cette période ?

Il existe aujourd’hui une pluralité de prêteurs bancaires et non bancaires dits « alternatifs » sur le marché du financement, et il est vraisemblable que la crise actuelle va accentuer encore davantage cette diversification notamment dans le paysage des prêteurs non bancaires, dont la contribution à la liquidité du marché du financement en France devrait être importante cette année.

Est-ce qu’avec l’irruption de la crise sanitaire, les prêteurs alternatifs se démarquent et interviennent sur de nouveaux dossiers, en prenant une place qu’ils n’occupaient pas auparavant ?

Tous les acteurs du marché du financement immobilier n’ont pas les mêmes contraintes bilancielles, prudentielles et n’ont, en conséquence, pas réagi de la même manière à la crise de la Covid-19. Mais, tous ont dû revoir leur stratégie pour l’adapter au contexte actuel et aux périodes d’incertitudes, qu’elles soient bancaires ou non bancaires.

La crise traversée offre aux prêteurs alternatifs l’opportunité de fournir des liquidités ainsi qu’un effet de levier en dehors des lignes directrices et de l’appétence au risque des banques. Ces dernières peuvent s’avérer plus « frileuses » dans certaines situations.

Quelles solutions de financement sont adaptées à des situations moins classiques ?

Un des éléments de différenciation entre les fonds de dette et les banques porte sur l’analyse des situations et l’approche plus spécifique à un projet et à un actif des prêteurs alternatifs.

Ainsi, à titre d’exemple, l’approche ne sera pas la même pour les actifs immobiliers non occupés.

Il coûte plus cher en fonds propres de porter un actif qui n’est pas occupé, pour un établissement bancaire. Les rénovations d’immeubles sont un peu plus onéreuses à financer pour un établissement de crédit alors que pour un fonds de dette, une autre réglementation s’applique, certes tout aussi contraignante, mais différente. Un fonds de dette pourra être plus ambitieux envers ce type d’actif, en gardant à l’esprit le caractère essentiel de la liquidité. Sont ici visées, la liquidité locative et la liquidité de l’investissement à l’échéance, plus souplement intégrées dans la structuration du financement, puisque les fonds de dette octroient des crédits à 5 ou 7 ans. Il est clair qu’en dépit des loyers, le capital restant dû à l’échéance reste assez élevé. Un emprunteur ne peut pas tout rembourser sur une telle durée et, il faut se poser la question de savoir ce qu’à l’échéance, il va pouvoir obtenir, soit en refinançant, soit en revendant son immeuble.

Nous allons ainsi très probablement assister à un rééquilibrage de l’analyse des projets avec une analyse davantage axée sur les flux de trésorerie, plutôt que sur les mesures d’effet de levier. Jusqu’en janvier dernier le ratio de Loan to Value Ratio (LTV) était central car les valeurs avaient progressé pendant plus de 10 ans. Il est probable qu’ayant fait l’expérience d’une interruption de cash-flow chez une partie des locataires, la question des liquidités disponible pour passer les « trous d’air » reviendra au moins à l’équilibre, avec la notion de LTV.

Quelle est la capacité d’intervention immédiate, et à long terme des prêteurs alternatifs au regard de la situation actuelle ?

En termes de schéma de financement, les fonds de dette utilisent les mêmes schémas et le même package de garanties et sûretés, que les prêteurs bancaires (à nuancer de quelques différences qui demeurent marginales).

Ce package de garanties et sûretés comprends, classiquement, les éléments suivants :

  • Une hypothèque 
  • Une cession de créance des loyers (cession de créance professionnelle, dite cession Dailly) 
  • Une délégation des polices d’assurance 
  • Le nantissement des titres des emprunteurs à leur profit. Il peut s’agir des titres des associés quand c’est une SCI, ou des actionnaires quand c’est une autre forme sociale

Les prêteurs seniors bancaires seront plus dogmatiques dans leur approche de leur politique risque, particulièrement en temps de crise (par exemple, avec une moindre tolérance à un levier d’endettement élevé, là où les prêteurs alternatifs disposeront d’un peu plus de flexibilité et d’une approche plus opportuniste).

La plupart des fonds de dette lèvent des fonds auprès d’institutionnels qu’ils doivent ensuite déployer en 2 ou 3 ans. Lorsque de nouvelles générations de fonds émergent, les investisseurs se posent toujours la question de l’état du marché immobilier et de l’état du marché du financement immobilier, pour essayer d’occuper des secteurs délaissés, expliquant l’apparition de prêteurs dits alternatifs. La règlementation des fonds de dette précise un certain nombre de règles, telles que la dispersion du portefeuille, une LTV maximale, la présence ou non de cash-flow, le régime de suretés. Les fonds de dette essaient de construire, en itération avec les porteurs, un cadre sécurisant pour eux, mais aussi suffisamment souple, afin qu’ils puissent se déployer vite dès lors qu’il s’agit de situations qui leur paraissent intéressantes. Cela pose la question de la stratégie des fonds qui doit être régulièrement réadaptée. Cette agilité de prêteur est particulièrement à l’ordre du jour, dans le contexte de la crise sanitaire qui rebat les cartes du marché de l’immobilier et de son financement, avec peut-être un intérêt particulier pour certains types d’actifs jugés moins courants.

 

Cécile Debin

Spécialiste en Droit des sociétés et en Fusions-Acquisitions, Cécile accompagne ses clients sur des opérations françaises et internationales tant sur les due diligences à l’achat et à la vente que […]

Hassen Ouartani

Hassen est directeur au sein de la division Financial Advisory de Deloitte et est spécialisé dans le conseil en financement et en levée de fonds dans le secteur de l’immobilier […]