L’Administration a publié, le 28 août 2024, quelques commentaires relatifs au nouveau délit (autonome du délit de fraude fiscale) de mise à disposition d’instruments de facilitation de la fraude fiscale, instaurée par la LF 2024 (CGI, art. 1744 nouveau).
Au titre des caractéristiques du délit (BOI-CF-INF-40-40 – CF, 28 août 2024, § 1 à 70)
Est désormais punie de 3 ans d’emprisonnement et d’une amende de 250 k€, la mise à disposition d’un ou plusieurs moyens, services, actes ou instruments juridiques, fiscaux, comptables ou financiers, ayant pour but de permettre à un ou des tiers de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel de l’impôt.
L’Administration rappelle qu’il importe peu que cette mise à disposition soit effectuée à titre gratuit ou à titre onéreux (§ 40).
Elle confirme, en outre, que tous les impôts mentionnés au CGI sont concernés (§ 50).
Les moyens, services, actes ou instruments visés sont les suivants :
- L’ouverture de comptes ou la souscription de contrats auprès d’organismes établis à l’étranger ;
- L’interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis à l’étranger ;
- La fourniture d’une fausse identité ou de faux documents au sens de l’article 441-1 du Code pénal, ou de toute autre falsification ;
- La mise à disposition ou la justification d’une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l’étranger ;
- La réalisation de toute autre manœuvre destinée à égarer l’Administration.
Elle fournit 2 illustrations constitutives du délit (§ 60) :
- Usagers personnes physiques créant des comptes privés sur les réseaux sociaux incitant ouvertement leurs abonnés à bénéficier frauduleusement de restitutions d’impôt sur le revenu sous réserve que l’abonné leur transmette ses identifiants et mot de passe sur www.impots.gouv.fr accompagnés d’un RIB et d’un justificatif d’identité. En contrepartie le détenteur du compte privé bénéficie d’une rémunération proportionnelle à la restitution d’impôt sur le revenu obtenue par l’usager ;
- Mise en place par une officine de conseil en défiscalisation et son principal dirigeant, avec la complicité d’une banque établie hors de France, d’une offre de services dont ils assuraient la promotion commerciale, y compris sur Internet, consistant en la création de structures à l’étranger chargées, soit d’émettre des factures fictives à destination de sociétés françaises pour leur permettre de diminuer leur résultat fiscal et transférer les fonds correspondant à l’étranger, soit de facturer en lieu et place des sociétés françaises des prestations à leurs clients, permettant aux entreprises françaises de diminuer leur chiffre d’affaires et à leurs dirigeants de l’appréhender frauduleusement hors de France.
Sur la répression du délit (BOI-CF-INF-40-40 – CF, 28 août 2024, § 80 à 100)
L’Administration rappelle que seul le ministère public a qualité pour engager l’action publique relative au délit de mise à disposition d’instruments de facilitation de la fraude fiscale (§ 80).
Contrairement au délit de fraude fiscale, les poursuites peuvent être engagées sans action préalable de l’administration fiscale (dénonciations obligatoires, plaintes). Il en résulte que l’autorité judiciaire pourra engager des poursuites à son initiative – ce qui n’empêchera pas, bien entendu, l’Administration de déposer elle-même plainte au titre de ce délit (§ 90).
Il est rappelé que, conformément aux dispositions de l’article 8 du Code de procédure pénale, l’action publique des délits se prescrit par 6 années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise (§ 100).
Quant aux peines applicables (BOI-CF-INF-40-40 – CF, 28 août 2024, § 110 à 140)
Les peines prévues sont 3 ans d’emprisonnement et une amende de 250 k€, pouvant être portées à 5 ans d’emprisonnement et 500 k€ d’amende lorsqu’une telle mise à disposition a été commise en utilisant un service de communication au public en ligne.
Les personnes physiques qui se rendraient coupables d’un tel délit seront de plus susceptibles de se voir appliquer les sanctions pénales prévues en cas de délit de fraude fiscale par l’article 1741 du CGI (notamment, nouvelle peine complémentaire de privation des droits à réductions et crédits d’impôt sur le revenu et sur la fortune immobilière, également instaurée par la LF 2024), ainsi que les sanctions prévues à l’article 1750 du CGI (interdiction d’exercer et suspension du permis de conduire).
Les personnes morales déclarées pénalement responsables du nouveau délit pourraient se voir également appliquer l’amende régie par l’article 131-38 du Code pénal (égale au quintuple de celle prévue pour les personnes physiques) ainsi que les peines prévues par les 1° à 6°, le 9° et le 12° de l’article 131-39 du même Code (notamment, dissolution, interdiction définitive ou temporaire d’exercice, fermeture définitive ou temporaire d’établissement, exclusion définitive ou temporaire des marchés publics).
L’entrée en vigueur
L’Administration n’apporte pas de précisions sur la date d’entrée en vigueur du nouveau délit.
Rappelons que le texte de la LF 2024 ne prévoyait pas de date d’entrée en vigueur particulière ; aussi les dispositions nouvelles nous semblent devoir s’appliquer au titre des infractions commises à compter du 1er janvier 2024.